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 Monsieur le Chancelier,
Sir Henry Elliot paraît avoir reçu de son Gouvernement des re­ montrances pour n’avoir pas mis le même empressement que les autres Représentants à détourner les Turcs de leurs idées d’agression. Il m’at­ tribue l’initiative de cette accusation qui serait venue de St Pétersbourg et s’est plaint à quelques uns de nos Collègues de ce que j’avais mal in­ terprété ses intentions. M’ayant rencontré dernièrement, il m’en a égale­ ment entretenu en me prévenant qu'il serait obligé de réfuter ces as­ sertions. Je lui ai répondu que l'incident dont il me parlait m’était in­ connu, — on ne m’en avait rien écrit de St Pétersbourg, — mais que pour ma part, j’avais fidèlement rendu compte de ce qu’il m’avait dit lui-même. C’est de lui que je tenais qu’il avait été le dernier à voir le Grand Vézir au moment où celui-ci entrait au Conseil de guerre, qu’il avait reconnu à la Porte le droit d’attaquer le Monténégro sans que per­ sonne eût rien à y redire, et qu'il s’était borné à rendre attentif Mahmoud- Pacha aux difficultés et aux dangers qu’il remontrerait s’il s’engageait dans cette voie à la légère. J’ai rappelé en outre à mon Collègue, qu'il avait consulté au Grand-Vézir d’exiger du Serasker, avant de prendre un parti décisif, l’engagement formel de pouvoir placer, le cas échéant, des corps d'observations (sic!) sur les frontières de la Serbie, de la Roumanie et de la Grèce. Ces propos, rapportés par moi au Cabinet Impérial pou­ vaient avoir servi de base au jugement défavorable comme quoi Sir Henry Elliot n’empêchait nullement les Turcs de mettre le feu aux pou­ dres et de provoquer une conflagration générale en Orient.
L'Ambassadeur avoua, non sans une certaine gêne, que c'était exact, mais il pensait, me dit-il, que sa thèse était parfaitement juste et que je ne trouverais également rien à y opposer aux droits des Turcs de faire la guerre, s’ils le voulaient, au Monténégro, comme à l’Autriche et même à la Russie ou à toute autre Puissance étrangère.
Je m’empressai de combattre ce point de vue, en développant à mon Collègue celui qui se trouve exposé dans ma dépêche du 19 Avril sub No 155. »La Turquie, lui ai-je répliqué, ne se trouve pas dans la même situation que les autres Puissances qui ne jouissent point d’une garantie Européenne d'intégrité territoriale, constituant un gage précieux de sé­ curité extérieure. Aussi longtemps que cette garantie subsiste, l’Europe a le droit d’arrêter les velléités belliqueuses des Turcs. Elle peut aussi les abandonner à toutes les conséquences de leurs entreprises guerrières, s'ils refusaient de se soumettre à l’avis des Puissances qui s’étaient constituées en 1856 gardiennes de l’intégrité territoriale de l’Empire Ot­ toman«.
Sir Henry Elliot ne partagea naturellement pas ma manière de voir personnelle et exprima même des doutes qu’elle pût être admise par les Cabinets.
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