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 faire acte de soumission; au lieu de cela ils dictaient des propositions comme s’ils n'étaient pas seulement vainqueurs, mais encore les maîtres absolus du pays. Ils se mettaient ainsi dans leur tort vis-à-vis de l’Europe. Le jour où ils se soumettraient ne fût-ce également qu’en principe d’abord, ils regagneraient la position avantageuse que leurs refus réitérés leur font perdre aujourd’hui aux yeux de la diplomatie. Les Puissances pour­ raient alors insister à Constantinople, avec toute la vigueur voulue, sur la m’se en pratique des promesses demeurées jusque là à l’état de théo­ rie et inaugurer ainsi une seconde phase d’action en faveur des chrétiens. En attendant, l’on pouvait se fier à la loyauté du Gouvernement Austro- Hongrois qui ne se dessaisirait pas du dépôt des familles chrétiennes sans être sûr qu’en rentrant chez elles, elles seraient garanties dans leurs conditions d’existence. Celles-ci, le Ministre le savait bien, ne constitue­ raient pas un état idéal, mais comme replâtrage elles n’étaient pas à dé­ daigner. Lorsque les passions se seront calmées; lorsque les chrétiens pourront bâtir librement leurs églises et sonner leurs cloches à pleine volée, ils sauront gré aux Puissances de leur avoir obtenu des immunités dont, aigris comme ils le sont, ils ne sauraient apprécier aujourd’hui toute la valeur.
Le Ministre termina en me répétant qu’il devait tenir au Gouv‘ turc sa parole engagée en face de l’Europe; que par conséquent il lui serait impossible de soutenir après coup auprès de la Porte de nouvelles exi­ gences qui dépasseraient son programme du 30. Décembre et qui me­ naceraient de disjoindre le faisceau européen.
Votre Altesse aura eu la bonté de relever de mon expédition pré­ cédente les efforts que j’avais déjà tentés auprès du Cte Andrâssy pour le faire revenir de cette appréciation de loyauté quelque peu rigoriste. La ténacité qu’il y met a reçu depuis lors un curieux commentaire dans un mot dit par lui à Mr Wesselitzky: que même aux brigands il fallait tenir parole.
Entre ce point de vue s’inspirant d'un principe abstrait et celui de Votre Altesse admettant le droit des Puissances de poser à la Porte des clauses additionnelles, il fallait chercher une issue pratique.
Le moment semblait propice dans ce sens que, malgré l’expédition infructueuse entreprise par Ahmed Moukhtar Pacha pour dégager Nik- chitch, les insurgés s'étaient montrés disposés à accepter un nouvel ar­ mistice dont le Pce Nicolas se ferait de rechef le négociateur. Le Comte Andrâssy était d’avis que la Russie et l'Autriche pourraient profiter de cette seconde suspension d’armes pour activer l’oeuvre de la paix. Des pourparlers directs entre les insurgés et les commissaires turcs ne pou­ vant selon lui aboutir qu’à un résultat négatif, il appartiendrait à ces deux Puissances de soutenir à Constantinople ce qui dans les voeux ré­ cemment formulés par les Chrétiens leur semblerait réalisable à la con­ dition toutefois (napomena na margini: ceci est en contradiction avec le fait que j’ai souligné plus haut) que les chefs de l’insurrection déclare­ raient d’avance consentir s ce prix à cesser la lutte et à se mettre en contact avec les autorités Ottomanes pour réaliser la pacification. Ce consentement devait précéder toute action des Puissances auprès de la Porte et le Ministre pensait que soit le Pce du Monténégro soit Mr Wes­ selitzky, tous deux investis jusqu’à un certain point d’un mandat de
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