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 plus difficile en ce qu’Elle ne pourrait plus s’abriter derrière les Puis­ sances, avec lesquelles Elle aurait perdu Sa communauté d’action.
Telle était l’idée que le Général Rodich avait développée à Cettigné en plusieurs articles pour pouvoir faire passer avec plus de facilité l’amer­ tume du dernier et du plus important, celui de la menace de bloquer le Monténégro s’il ne se conformait pas à nos vues pacifiques.
Le Comte Andrâssy ne me faisant toujours pas mention des échap­ pées d’avenir indiquées dans le § 9., je lui demandai si la mission Kétchet avait été effleurée entre les deux interlocuteurs.
Il me répondit affirmativement. Le Prince avait dit à Rodich que le Dr Kétchet lui aurait fait entrevoir quelques agrandissements territo­ riaux, mais le Général l’avait mis en garde contre ces pourparlers ca­ pables d’entamer son prestige auprès des populations.
»Et Vous-même« — demandai-je au Ministre — »ne pensez-Vous pas que la Porte ferait bien de consolider la paix en désintéressant le Monténégro?«
Il me répliqua qu’il y voyait, en effet, un intérêt turc, mais que tout dépendait de l'habileté avec laquelle le Prince Nicolas saurait l'exploiter à son profit. Ce qu’il aurait peut être de mieux à faire, serait de s’em­ ployer avec vigueur et sans perte de tems (sic!) l’oeuvre de conciliation pour faire valoir auprès de la Porte les services qu’il lui aurait rendus ain­ si que le mérite de leur spontanéité, car si l’apaisement se faisait sans lui il aurait perdu une occasion unique d’en toucher le prix.
Quant au Cabinet de Vienne, il ne pourait ni conseiller ni soutenir à Constantinople des vues d’extensions de la Montagne Noire. Une pareille politique ne serait pas approuvée par les Délégations et déjà la con­ vention de commerce avec la Roumanie avait été vivement critiquée au point de vue du changement qu’elle dénotait dans les traditions de l'Autriche vis-à-vis de la Porte. L’Angleterre surtout en prendrait ombrage. Les Serbes exigeraient à leur tour un équivalent sans lequel la position de leur Prince deviendrait intenable. Enfin, à Athènes, on ne craignait rien autant qu’un agrandissement territorial des Principautés Slaves qui stimulerait la jalousie des Grecs à revendiquer leur part du butin. Pour toutes ces raisons, le Comte Andrâssy ne croyait pas que cette question pût être traitée par voie diplomatique, mais si elle faisait l’objet d’un accommodement direct entre la Turquie et le Monténégro, il ne pourrait qu’en être satisfait.
J’étais parfaitement renseigné. Le Ministre me tenait absolument le même langage que j’avais entendu de lui il y a quelques semaines et il n’était pas probable que dans l’entre-tems (sic!) il en eût tenu un autre à Cettigné. D’ailleurs le texte même du § 9, tel qu’il était consigné dans le rapport d’Ionine, ne sortait pas du vague. Le Baron Rodich aura tenu des propos que l’imagination trop crédule du Prince aura transformés en stipulations et exagérés à plaisir, tout comme au printemps dernier Son Altesse avait cru saisir, dans quelques paroles sympathiques de l’Empe- reur François-Joseph, un encouragement direct à l’envoi à Vienne de Mr Bojo Pétrovich avec un projet de rectification des frontières turco-
monténégrines.
J'ignore où en sont aujourd’hui les rapports du Prince Nicolas avec
les personnes de confiance d’Ali-Pacha, mais j'entrevois dans un télé­ 172
























































































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