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Mon Prince,
Votre Altesse a bien voulu me demander des éclaircissements sur le prétendu mystère qui aurait présidé aux explications du Baron de Rodich avec le Prince du Monténégro pendant le séjour du premier à Cettigné.
L’impression d’un secret gardé par l’Autriche vis-à-vis de nous semblait, en effet, découler des télégrammes assez énigmatiques de notre Consul général à Raguse du 23. et 25. Février qui transmettaient les confidences du Prince Nikolas.
Néanmoins, ainsi que j’ai eu l’honneur d’en informer Votre Altesse par mon télégramme du 26. Février, je n’avais vu tout d’abord dans les pourparlers du Baron de Roditch qu’une reproduction des aperçus du Ministre des Affaires Etrangères d’Autriche consignés dans mon rapport en Cour du 31. Janvier sub No 28.
Je ne m’étais point trompé.
Ainsi que Votre Altesse voudra bien le relever d’un rapport ci joint de Mr Jonine, les 13. paragraphes du Baron de Rodich l'expliquent sans la moindre intention de secret vis-à-vis de nous. Ce ne sont pas des propositions que le Gouverneur de la Dalmatie avait faites à Cettigné de la part de l’Autriche Hongrie, ce ne sont que des instructions qu’il a reçues lui-même. Elles ne contiennent absolument rien qui nous soit inconnu, ni rien que nous puissions désavouer. Accentuant l’accord in time existant entre la Russie et l’Autriche, elles invitent le Monténégro à l'associer à l’action pacificatrice des deux Puissances et lui en font entrevoir le prix éventuel dans l’avenir, mais en termes assez vagues et tout à fait généraux.
Il m’aurait été facile d’interpeller le Comte Andrâssy sur les para graphes 8. et 9. qui avaient fixé l’attention spéciale et, paraît-il, soulevé des espérances exagérées du Pcc Nicolas. Mais j’étais lié par le secret dont il avait entouré lui-mê la communication à Mr Jonine. Le Prince qui, malgré son intelligence hors ligne, ne manque pas d’une certaine dose de naïveté politique, n'avait-il pas déjà pressenti une indiscrétion, une trahison même, en ce que les négociations d’Alimpich, ce fait de notoriété publique, étaient parvenues à la connaissance du Cabinet de Vienne?
Je devais donc tâcher de faire naître une occasion pour me ren seigner incidemment auprès du Comte Andrâssy sur les détails de la mission de Rodich. Elle ne tarda pas à se présenter. Le Ministre m'avait fait savoir que le Général avait délayé ses instructions en quatorze ou quinze points. Je profitai de notre première entrevue pour lui demander en quoi ils consistaient.
Il me répondit que c’était l’habitude du Baron de Rodich de scinder en paragraphes numérotés les instructions qu’il recevait et d’y adapter ses réponses. Il avait eu l’ordre de dire au Prince Nicolas que par Sa conduite modérée Son Altesse avait répondu jusqu’ici aux attentes de la Russie et de l’Autriche et gagné des titres à leur reconnaissance, et qu’au- jourd’hui encore Elle avait tout intérêt à seconder leurs efforts pacifi cateurs, car en ne le faisant pas maintenant Elle finirait toujours par devoir s'y soumettre plus tard, mais alors Sa position en serait devenue
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