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 agent aurait pu recevoir l’ordre de soutenir la démarche de son collègue, le Prince Milan n’eût pas été dans le cas de recourir à St. Pétersbourg et tout malentendu eût été prévenu.
Le Comte Andrâssy en convint avec moi. Son intention, me ditjil, n'avait pas été d’agir par surprise et c’est par une simple omission de sa Chancellerie que le courrier qui devait porter au Baron de Langenau le texte de l’instruction à Wrede et la demande d'appui, avait subi des retards considérables. — »Je suis mal secondé«, ajouta-t-il confidentiel­ lement; »je dois penser à tout moi-même et, si je le néglige, les affaires s’en ressentent. Dans le cas présent, je devais songer au plus pressé, c. à d. à imposer un frein à l’ardeur belliqueuse qui se manifestait à Belgrade et qui y faisait craindre un coup de main dont les conséquences eussent été incalculables. C’est sous l’empire de cette préoccupation que j’ai dû hâter la démarche de Wrede«.
Deux jours après, le 8./20. Mars, je revis le Comte Andrâssy à sa ré­ ception de la semaine. J’avais eu l’honneur de recevoir, dans l’intervalle, les deux télégrammes de Votre Altesse du 6. et du 7. Le premier expri­ mait le regret que le Pce de Wrede n'eût point prévenu son collègue de Russie d’une démarche qu’il prétendait faire au nom des deux Cours et que M‘ Kartzow aurait secondée moins la menace éventuelle d’une intervention; le deuxième annonçait qu’avant même d'avoir reçu une instruction quelconque, notre agent avait déjà appuyé les demandes de Vienne et que, par conséquent, l’incident se trouvait vidé. —
Le Baron de Langenau venait de télégraphier la même chose à son Gouvernement.
Le Ministre des Affaires Etrangères en prit occasion pour se ré­ crier avant tout contre l’imputation de Belgrade comme quoi il y aurait porté la parole au nom des deux Cours Impériales. Le texte de son instruction à Wrede prouvait, me dit-il, combien un abus de confiance envers la Russie ou l'idée de se substituer à son action directe lui avaient été étrangers. Elle portait, il est vrai, que les deux Empereurs étaient unis dans un même désir de paix et qu’on aurait tort de spéculer à Belgrade sur des divergences de vues entre Vienne et St. Petersbourg. Mais le Comte Andrâssy croyait que la solidarité austro-russe était trop élevée au dessus des soupçons pour qu’on eût besoin de se demander réciproquement toutes les fois l’autorisation de la constater. La mention
simultanée des deux Cours dans les émanations pacifiques de chacune d'Elles lui semblait, au contraire, un hommage rendu à la haute valeur de Leur entente. C’est pourquoi il l’avait accentuée à Cettigné comme à Belgrade et, loin de s’attendre à déplaire chez nous, iï s’était demandé si plutôt le Cabinet de Berlin ne se formaliserait pas d’en avoir été exclu.
D’ailleurs, sa récente démarche ne contenait rien de nouveau. — Elle annonçait à Belgrade une sommation Européenne; mais, en Sep­ tembre dernier, toutes les six Puissances avaient déjà fait parvenir au Gouvernement Serbe la menace collective de l’abandonner aux suites de ses agressions éventuelles contre la Turquie. Elle faisait pressentir que la Cour de Vienne pourrait être appelée à remplir en Serbie le rôle de déléguée de l’Europe; mais, en Août dernier, sur la demande du Prince Milan si la Russie permettrait à l’Autriche d’occuper a Principauté dans
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