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Le Comte Andrâssy avait reçu du Gouverneur de la Dalmatie les mêmes informations, mais il les croyait fortement exagérées. Tandis qu’elles faisaient montrer le chiffre des Turcs mis hors de combat à
1800, les pertes des chrétiens n'y étaient portées qu’à six hommes. Le Ministre me fit observer que cette disproportion était trop frappante pour ne pas éveiller des doutes sur l’authenticité des sources. De leur côté les Turcs se plaignaient de ce que le détachement des insurgés qui avait fait le coup de main de Mouratovitza, aurait été renforcé par 500 sujets autrichiens venus de la Dalmatie, ce que l’Empereur François Joseph et son Ministre se refusaient à admettre après les nouvelles in structions données aux autorités frontières.
Du reste, un dernier télégramme du Baron de Rodich annonçait des détails rassurans (sic!) recueillis au moment de son expédition.
J’ai pu m’apercevoir que la confiance de mon interlocuteur dans les intentions pacifiques du Prince de Monténégro n’avait pas été sensible ment ébranlée par la participation de Peko Pavlovich au récent combat. Non que le Ministre des Affaires Etrangères eût manqué d’avertissemens (sic!) défavorables à Son Altesse. L’Agent diplomatique d'Autriche à Bel grade avait été chargé d’y réagir contre le courant belliqueux en faisant connaître les assurances pacifiques données par le Prince Nicolas au Gou verneur de la Dalmatie, et le Prince Milan y avait répondu en produisant contre la sincérité de son confrère de Cettigné des doutes dont le prince de Wrede se réservait de fournir les preuves dans sa future expédition. Mais, avant d’y ajouter foi, le Comte Andrâssy laisserait parler les faits.
»Assurément« — me dit-il — »il y a du louche dans celui que le capi taine, Peko n’eût pas encore été rappelé à Cettigné du théâtre de la guerre. Mais il pouvait y avoir pour cela des raisons valables. Le Général Rodich avait notamment télégraphié de Zara que le Prince Nicolas le priait de faciliter la tâche pacificatrice dévolue à Son Altesse en se mettant, lui aussi, en rapport directs et personnels avec les chefs de l'insurrection et il avait été immédiatement autorisé à se rendre à cet effet à la Suttorina qu’il avait signalée comme la localité la mieux ap propriée à ce rendez-vous. »Or«, — m’a dit en terminant le Ministre, — »il ne serait pas impossible que le Prince Nicolas eût différé à dessein le rappel de Peko jusqu’à son entrevue avec Rodich et qu’en attendant le chef d’insurgés eût fait un coup de sa tête«.
En effet, mon Prince, on comprend l'intérêt que ces chefs militaires, non seulement les intrus mais encore les indigènes, ont à faire durer l'insurrection, pour ne pas déchoir de leur dictature. Une action d’éclat, grossi par la renommée aux cent bouches, est toute indiquée pour galva niser le mouvement et fermer la porte à la conciliation. C’est pourquoi nous voyons l’insurrection affirmer de nouveau son existence avec un redoublement d’efforts, tout comme elle l'avait fait en automne dernier vis-à-vis des Délégués européens.
Le Comte Andrâssy m’a fait observer que les insurgés y mettaient de la maiice. Faisant un retour sur l'incident signalé dans le télégramme de Mr lonine, celui de la violation du territoire autrichien par les Turcs du côté de Vergoratz, il m’a dit que des faits pareils s'étaient présentés fréquemment et que, dans le tems (sic!) le Baron de Mollinary avait fait grand bruit de la transgression de la Unna, près de Debrétin, par un colo
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