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 dehors d’une expulsion totale des Ottomans ou d’une occupation étran­ gère des provinces insurgées — deux solutions politiquement inadmis­ sibles — il n’y avait que des palliatifs. Mais on ne devait pas non plus se livrer à un pessimisme exagéré. Après la réduction de Candie, les mêmes appréhensions d'insécurité personnelle émises par les réfugiés Crétois, avaient été heureusement démenties par les faits. D’ailleurs, le Cle Andrâssy était lui-même intéressé au premier chef à mener à bonne fin la seconde moitié de son programme, en entourant l'exode des famil­ les chrétirennes des précautions de sûreté les plus minutieuses. D’après ce qu’il m’en avait dit, on ne procéderait dans cette tâche qu'avec une sage lenteur: après avoir obtenu, en théorie, le consentement d’un groupe d’émigrés à rentrer chez eux, on ne les lâcherait pas de suite, mais on commencerait par provoquer des ordres aux autorités ottomanes lo­ cales pour qu’elles eussent à leur faire un accueil prévenant et capable de leur inspirer une confiance qui se communiquerait à leurs com­ pagnons d’infortune. Les prêtres ouvriraient la marche et sonderaient le terrain; enfin, les premiers essais devraient avoir lieu dans les districts les moins éprouvés par les horreurs de la guerre et les moins exposés ressentiments.
En faisant un retour sur la solution décrétée par les Puissance, je dis à Mr Wesselitzky qu’elle offrait l’avantage de ne point préjuger /ave­ nir et de laisser intactes toutes les aspiration légitimes. Elle constituait en même temps un progrès incontestable — qu’ii importait de faire saisir aux populations. Il avait fallu une guerre européenne pour donner naissance au Hattihoumayoum de 1856 comme émanation spontanée de la faveur du Sultan excluant toute immixtion des Puissances dans ses rapports avec ses sujets chrétiens. Aujourd’hui, avec moins d’efforts et de sang versé, les chrétiens de la Bosnie et de /Herzégovine obte­ naient une nouvelle charte d’immunités, mais cette fois imposée par l’Europe et, par conséquent, moralement assurée par Elles. En faisant valoir auprès des insurgés cet acte diplomatique on forçait par cela même les Turcs à le respecter et je ne pouvais que regretter les corres­ pondances tendencieuses de Raguse insérées dans nos feuilles publiques et dépréciant systématiquement le travail d’Andrâssy — travail au succès duquel le Cabinet Impérial avait largement concouru en y ralliant les suffrages de toutes les Puissances chrétiennes.
A mon humble avis, ce travail tel quel et surveillé dans sa mise en vigueur par les agents européens, pouvait devenir le point de départ d'un développement pacifique et régulier qui, par une série d’étapes, impliquerait une transformation.
Mais, je le répétais, ii fallait pour cela une oeuvre d’appaisement préparatoire, le retour des familles, un terrain déblayé. En agissant dans cette direction, Mr Wesselitzky rendrait à la cause de l’ordre un service inappréciable.
Mon interlocuteur sortit de cet échange d’idées raffermi dans ses espérances et, autant que j'ai pu le comprendre, convaincu que la marche prudente dont je lui retraçais les détails était la seule pratique. (Napo- mena na margini: Il faudra le voir à l’oeuvre pour en juger.)
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