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 Mon Prince,
Continuant l’entretien relaté dans mon précédent rapport, le Mi­ nistre des Affaires Etrangères d’Autriche m'a initié aux nouvelles di­ rections dont vient d’être muni le Gouverneur Général de la Dalmatie.
Mandé à Vienne pour y recevoir les ordres de l’Empereur François- Joseph, le Baron de Rodich ne pourra plus désormais se retrancher derrière l’élasticité de ses instructions.
Il lui avait été enjoint jusqu’ici de ne pas perdre de vue que les insurgés n'étaient pas seulement des sujets en révolte contre leur Gou­ vernement, mais encore des Chrétiens exposés aux dangers d’une St. Barthélemy de la part des Turcs. Ces appréhensions une fois écartées par la nouvelle phase de l'action pacificatrice, le Baron de Rodich devra effacer la nuance qui, dans son application exagérée,, avait pu contribuer au ravitaillement des sujets chrétiens de la Porte sur le territoire au­ trichien.
Il aura de plus à faire savoir aux combattants, par l’intermédiaire des chefs des familles réfugiées en Dalmatie, que l’engagement de la Porte de mettre en vigueur les mesures destinées à améliorer leur sort n’a pas été pris vis-à-vis de l’Europe; que si, dans le premier cas, les enseignemens du passé pouvaient à bon droit autoriser des doutes sur l’efficacité des promesses des Turcs, elles obtenaient, dans le second, la valeur d’une garantie morale incontestable; que les avantages en fa­ veur des chrétiens dépassaient les voeux qu'ils avaient formulés au début de l’insurrection; enfin, que les Grandes Puissances étaient convenues entr’elles de considérer l’ensemble de ces acquisitions comme suffisant pour mettre fin à une effusion de sang désormais injustifiable.
Sans être appelés à traiter avec les insurgés, les délégués européens réunis à Mostar devraient, dans l’opinion du Comte Andrâssy, recevoir des instructions analogues pour être en mesure de seconder les efforts des autorités frontières.
Celles-ci auront, en outre, le mandat de préparer les familles ré­ fugiées à la nécessité d’un repatriement et à la cessation des subsides qu’elles touchent jusqu’ici pour leur entretien.
Le Général Jovanovich télégraphie, il est vrai, de Raguse que les émigrés ne veulent pas rentrer et que les premières suggestions qui leur ont été faites dans ce sens, ont produit sur eux une impression pénible. Mais, ainsi que me l'a répété Mr le Cte Andrâssy, le Gouvernement Austro- hongrois ne s’était livré à aucune illusion sur l’accueil défavorable que cette perspective rencontrerait de la part des intéressés et sur les tirail­ lements qui en seraient la conséquence. Seulement, me dit-il, il fallait être juste. Bien des sujets autrichiens eussent été heureux d’être traités à l'égal des réfugiés, c.à. d. de toucher 15. kreuzers par jour, d’avoir un logement et de n'être astreint à aucun travail. Or, indépendamment de la nécessité de dégrever au plus tôt le budget de l’Etat de ces frais extraordinaires, il importait également, au point de vue de l’avenir des familles chrétiennes de ne pas les condamner, par de nouveaux délais de réinstallation, à une existence de vagabonds durant une année encore On s’était donc arrêté au moyen terme de retirer les subsides, mais sans
refuser l’hospitalité du sol autrichien à celles des familles qui voudraient s’y maintenir à leurs propres frais.
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