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 Monsieur le Chancelier,
J’ai déjà eu l’honneur de mentionner dans ma dépêche sub No 27 que Sir H. Elliot a fait venir Mr. Holms de Mostar à Constantinople pour s'éclairer sur la situation en Herzégovine. Mon Collègue britannique a tenu à me mettre en rapport avec cet Agent. Je n’ai pas décliné une entrevue avec lui parce que ses idées étaient destinées naturellement à faire le tour du Corps Diplomatiques.
Sir Henry me prévint que son Consul accusait Mr. Yonine de sou­ tenir presque ouvertement l’insurrection. Le quartier-général de celle-ci se trouvait, d'après lui, en Dalmatie. Les convictions turcophiles de Mr. Holms et ses sentiments anti-russes m’étaient bien connus. C’est toute fois (sic!) un homme aimable quoique imbu de préjugés. Il est depuis 16 ans à Sarajewo.
L’Agent britannique ne m’a pas fait mystère de ses accusations contre Mr. Yonine. Tous les chefs d’insurgés se trouveraient en relations directes avec lui. Mr. Holms m'a répété ce que j’ai déjà mandé à Votre Altesse, d’après une correspondance de »Levant Herald« quant à la visite de Peiko (sic!) Pavlovitch à notre Consul-Général à Raguse où il aurait dîne la veille du nouvel an. Cela prouverait que la source de cette correspondance est la même que celle des renseignements de Mr. Holms. Mr. Yonine aurait suivi, en outre, la dépouille mortelle de Maxime Ba- tchévitch, transporté en Dalmatie après le combat près de Trébigné. A cette occasion il aurait fait descendre à mi-mât le pavillon de notre Consulat-Général. Mr. Holms avait l’air de croire que Mr. Yonine exerce une influence sans bornes au Monténégro. Il va jusqu’à émettre l’étrange opinion que l’insurrection ne saurait être apaisée entièrement tant que notre Consul-Général reste à son poste.
Je n’ai pas eu de peine à répondre à mon interlocuteur. Je lui ai rappelé que Mr. Yonine était Agent en Autriche-Hongrie. Il n’avait donc pas des égards délicats et des convenances minutieuses à observer comme s’il était en Turquie. Sa position lui permettait de s’associer, dans une certaine mesure, au sentiment général des populations chrétiennes autour de lui. Ses relations avec les chefs de l’insurrection, si elles existent, s’expliquaient par notre désir d’être renseignés. Les Consuls des Puis­ sances à Mostar n’avaient-ils pas cherché d'ailleurs, d’ordre de leurs Gouvernements, à se mettre en rapports avec les insurgés et ne seraient- ils pas en communications avec eux aujourd’hui, s’ils le pouvaient? Quant à l’influence de Mr. Yonine sur l'esprit du Prince Nicolas, nous n’avions qu'à nous en féliciter parce que’elle s’exerçait dans le sens de l’apaisement et de la modération.
L’Agent Anglais finit par avouer que ses assertions ne reposaient, en définitive, que sur des impressions locales généralement répandues. Celles-ci toutefois ne disparaîtraient, d’après lui, que si nous consta­ tions publiquement que nous n’avions pas l’intention de soutenir l’insur­ rection. Il me cita à l’appui les propos des insurgés blessés, soignés en Daimatie, qui soutenaient devoir revenir combattre pour la croix tant que le voulait la Russie.
Je répondis à Mr. Holms que nous n’avions pas caché notre désap­ probation de l'insurrection dès son début. J’ajoutais en outre que la vérité était souvent difficile à démêler, surtout en Orient, et je i’em-
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