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Rachid Pacha a remarqué avec raison qu’Ali Pacha ne dit pas si les préparatifs dont il parle sont ceux des populations ou bien des troupes austro-hongroises elles-mêmes.
La Porte a sévèrement défendu aux journaux de Constantinople, en alléguant »la raison d’Etat«, de reproduire la dépêche du Comte An- drâssy, sous peine de »suppression immédiate«. Néanmoins, les hauts fonctionnaires et les notables en ont pris connaissance par les journaux Européens. Je crois donc devoir résumer l’impression dominante qu’elle a produite.
Les Chrétiens en général sont contents de l’exposé qui précède les cinq points recommandés par les Puissances. Ils y voient d’autant plus la condamnation de la domination Ottomane en Turquie que cet exposé a été approuvé par l’Europe entière et qu’il sort de la plume du Mi nistre des Affaires Etrangères Austro-hongrois, malgré les traditions amicales pour la Porte du Cabinet de Vienne. Mais les conclusions de la circulaire viennoise paraissent aux chrétiens insuffisantes et en dispro portion avec l’exposé de la situation. Ils se gardent bien de les commen ter dans un sens d’apaisement.
L’Agent Serbe croit que le Cte Andrassy veut ouvrir une ère d’inter ventions sans fin dans les affaires de Bosnie et d’Herzégovine, car l’exé cution des réformes, aujourd’hui extorquées à la Porte, sera, selon lui. longue, incomplète et vicieuse. L’Autriche-Hongrie aurait en outre le dessein secret de tomber sur la Serbie et le Monténégro, si l’insurrection était soutenue par les deux Principautés. Monsieur Magazinovitch pense que ni la Serbie ni la Montagne Noire ne peuvent se désintéresser à la longue de la situation, malgré l’adhésion de la Porte aux conseils des Puissances. L’Agent Roumain appelle la dépêche du Ctc Andrassy l’épi taphe de la Turquie. Selon lui (comme condamnation Européenne de la Turquie) cet acte tournerait tôt ou tard au profit des vassaux. Mr. Coun- douriotis m'a dit que personne ne devrait s'étonner maintenant si les populations grecques prenaient les armes en Epire ou en Crète au prin temps, et qu’on ne pourrait plus y voir des »menées helléniques«, puisque d’après le Cte Andrassy, toute l’Europe paraissait s’attendre à une levée de bouclier. Les notables grecs et arméniens se montrent d'autre part fâchés des concessions obtenues pour les provinces insurgées isolément. Ils en prennent texte pour soutenir qu’il n’y a plus rien a attendre des réformes réclamées par elle, et que c’est un avertissement aux Chré tiens qui devront dorénavant recourir aux armes pour se faire justice et acquérir de nouveaux droits.
Les musulmans ne connaissent pas encore la circulaire de Vienne. Seuls quelques anciens Ministres et employés en retraite l’ont parcourue. Ils témoignent une grande indignation contre l'esprit de hostilité, les prétendues exagérations et les inexactitudes de l’exposé de la situation de l’Empire qu’elle contient et l’exploitent contre les hommes actuelle ment au pouvoir.
Tout cela me fait craindre que la publication de la dépêche Austro- hongroise ne contribue pas à l’apaisement des esprits en Orient, si dé siré par les Puissances.
АВПР, K-27. N. Ignatiew 86