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 le Grand Vézir à la démarche des Puissances, le Sultan a été extrême­ ment (sic!) irrité lorsqu’il a eu sous les yeux le texte de la résolution Ministérielle. Ce qui aggravait encore la situation, c'est que les adver­ saires de Mahmoud Pacha — les anciens Grands Vézirs qui briguaient le pouvoir, — ayant eu connaissance par les journaux étrangers du texte de la dépêche du Comte Andrâssy et se disant indignés des expressions peu flatteuses qu’elle contenait à l’adresse de la Turquie, en ont fait préparer une traduction qu’ils voulaient faire parvenir au Palais dans le but de provoquer le rejet de nos propositions et la destitution de Mahmoud-Pacha.
Dans cet état de choses chaque journée de retard augmentait le danger. Les Puissances s’étaient tellement avancées qu’il leur était im­ possible d’abandonner la partie. La résistance du Sultan et la chute du Ministère actuel auraient créé une situation des plus graves, dont la solution aurait difficilement pu être abordée.
Mû par ces considérations et par le désir de venir en aide à mon Collègue d’Autriche-Hongrie, qui était très inquiet de la tournure que prenaient les affaires, je me suis rendu Samedi matin chez le Grand Vézir. En signalant les intrigues qui se tramaient contre lui et en lui expliquant combien la situation devenait aigüe, je lui ai réitéré mes conseils pressants de se rendre au Palais afin de ne plus en sortir sans avoir en mains l’iradé, muni de la sanction Souveraine.
En effet, Mahmoud-Pacha, quoique malade s’est immédiatement rendu à Dolma-Bagtché. Il y est resté plus de deux heures, mais n’a pas pu voir Sa Majesté et a dû se borner à converser avec Elle par l'entre­ mise de Son premier Secrétaire. Le Sultan lui a fait dire qu’il valait mieux ne pas trop se presser dans la question des réformes et attendre quelques jours avant de promulguer l’iradé. En même temps, Il lui a proposé quelques changements dans les hautes sphères administratives. Mahmoud-Pacha a fait respectueusement observer à Abdul-Aziz qu’il était venu demander des nouvelles de Sa santé, mais que du moment que Sa Majesté était en état de S’occuper d’affaires, il La suppliait d’exa­ miner la question urgente qui Lui était soumise par Ses Ministres au lieu de procéder à des nominations. Le Sultan voulait nommer Namyk- Pacha Président du Conseil d’Etat en transférant Server-Pacha au Mi­ nistère des Travaux Publics, et en faisant passer au Conseil d’Etat Haïet- Pacha, Kehaya de la Validé, qui était depuis quelques semaines Ministre des Travaux Publics. C’est probablement pour pousser le Grand-Vézir à bout et l'obliger de donner sa démission que le Sultan lui proposait ces nominations dans un moment aussi grave. Mahmoud se borna à refuser de les prendre sur sa responsabilité en vue du mauvais effet que les per­ mutations continuelles dans le Ministère produiraient en Europe. De guère (sic!) lasse, il quitta le Palais sans avoir obtenu aucun résultat.
Le Grand Vézir fut suivi chez lui Samedi soir par un messager qui lui remit l’ordonnance écrite des nominations en question — témoignage incontestable de la mauvaise humeur du Souverain à son égard. Mais ce qui plus est, il reçut à la même occasion un billet du Premier Secré­ taire du Sultan l'informant que Sa Majesté regrettait de le voir absorbé par des réformes peu nécessaires, tandis qu’il aurait dû vouer tous ses soins à la pacification »immédiate et définitive de l'Herzégovine«, qui
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