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compte et faciliter aujourd’hui à la Russie sa politique et ses revendica tions dans une question nationale et populaire. Car je sais combien toutes les questions agitées en ce moment le sont pour la Russie«.
»Je désire donc que Vous obteniez des succès; que Votre politique triomphe. Je veux que l’Allemagne reconnaisse ce qu’elle Vous doit et que l'on ne puisse pas regretter chez Vous d’avoir contribué à assurer notre position actuelle«.
»En un mot que Vous nous accordiez volontiers nos succès (dass sâe es uns gônnen) et que l’Allemagne Vous accorde de son côté Vos succès (dass Deutschland es Ihnen ebenfalls gônnt).«
»Car ainsi que je Vous l’ai déjà dit, je redouterais le malaise de la Russie; je veux une Russie satisfaite pour nous comme pour l’Europe«.
J’observai à mon interlocuteur que son idée était, si je la saisissais bien, d’établir en quelque sorte l’équilibre des succès et de la satisfaction.
»C’est parfaitement cela«, répliqua le Chancelier Allemand; c’est là ma pensée«.
J’ajoutais: »puisque nous discutons ces graves questions, laissez moi Vous faire également part de quelques pensées et impressions toutes personnelles. Vous m’observez souvent que l’on n’aime pas chez nous les Allemans (sic!) qu’il y a de l’hostilité en Russie à Votre égard. Vous Vous préoccupez dans cet ordre d’idées de l’avenir. Toutes les opinions peuvent se rencontrer dans un aussi vaste Empire, mais elles ne sont pas préconçues. D’où viennent-elles? Des doutes qui s’élèvent parfois sur les dispositions et intentions de l’Allemagne à notre égard. Le coeur russe est chaud et ne connaît pas l'ingratitude. Si l’Allemagne se montre favo rable à la Russie, dans la crise politique sérieuse qu’elle traverse actuel lement, tout le monde sans exception Vous en sera reconnaissant en Russie et Vous aurez tout fait pour l’avenir des relations des deux pays«.
Le Chancelier Allemand abonda complètement dans le sens de ces observations. Il me dit que tel était précisément le fond de sa pensée, dans un ordre d’idées moral élevé.
C’est ce qui avait dicté ses lettres à l’Empereur et Roi de Varzin, lorsqu’il lui disait de ne pas accentuer outre mesure ses conseils paci fiques à St Pétersbourg, en cédant aux instances de l’Angleterre. C’est encore ce qui lui fesait (sic!) écrire en même tems (sic!) à Mr de Bülow de déclarer à Sa Majesté qu’il ne rentrerait plus à Berlin, si Elle se laissait aller aux démarches sollicitées de Londres, ou écrivait à Notre Auguste Maître, sans lui faire d'abord part de sa lettre.
J'ai appris à cette occasion que c’est sous cette dernière forme que devait se produire la démarche que l'Angleterre demandait ici avec instances dans l’intérêt soi-disant de la paix, mais au fond pour peser sur le Cabinet Impérial et enrayer notre politique.
Ainsi que j’ai eu l’honneur de le mander à Votre Altesse, cet en tretien avec le Chancelier Allemand m’a laissé une excellente impression. J’ose espérer qu’elle sera partagée par Notre Auguste Maître et Son Cabinet.
АВПР, K-19. d’Oubril 52* 819