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 Tels sont les motifs présumés du mauvais vouloir que j'ai pu constater chez le Ministre des Affaires Etrangères d’Autriche à l’en­ droit des pourparlers turco-monténégrins. Je me suis dit, néanmoins, que ce n’était probablement pas son dernier mot et que son vif désir de rester étroitement uni avec la Russie l'emporterait peut-être sur ses répugnances contre tout agrandissement de la Montagne Noire. A cet effet, et sans lui parler du plan spécial d’apaisement élaboré à Cettigné, je fis entendre au Comte Andrâssy que s’il était vrai que la Porte vou­ lût s’arranger spontanément avec le Prince Nicolas sur la base d’une
cession territoriale, on s’en féliciterait chez nous, attendu qu’aux sym­ pathies traditionnelles de Sa Majesté l’Empereur pour le Monténégro viendrait s’ajouter alors l’intérêt pratique de la pacification à laquelle le concours de cette Principauté apporterait une nouvelle puissante garantie.
Le Comte Andrâssy a dû méditer la dessus (sic!), car, deux jours après, il est venu me dire que l’Autriche, elle aussi, suivant avec intérêt les destinées du Monténégro; qu’elle le considérait comme une citadelle occupée par une garnison amie sur un point vulnérable de la frontière; qu'elle comprenait les aspirations inassouvies de ce petit pays et se rendait compte de son rôle à venir, en vue duquel elle lui permettait de recueillir les forces et de compléter ses armemens (sic!) pourvu, qu’à son tour, il tienne compte des nécessités des Puissances amies. Le besoin de la paix prédominant en Europe, celles-ci avaient décidé que la crise actuelle ne devait constituer qu'une étape dans la voie des transfor­ mations qu’on faisait subir à l'Empire ottoman. Le Comte Andrâssy prévoyait sans doute que cette nouvelle période transitoire ne serait pas de très-longue durée; au moins fallait-il travailler sincèrement à la rendre viable pour consolider la confiance de l’Europe dans les efforts communs consacrés à ce but par la Russie et l’Autriche.
Dans cet ordre d’idées, loin de repousser le concours pacificateur du Monténégro, on devait l’accepter comme appoint sérieux en faisant comprendre au Prince Nicolas que l’Europe lui saurait gré de savoir attendre et que sa valeur morale grandirait en raison de sa modération. A son propre point de vue, il lui conviendrait mieux de maintenir in­ tactes les aspirations que de déchoir dans l’opinion des chrétiens en acceptant de la Turquie un modique à compte.
Le Ministre ajouta qu’après avoir promis à la Porte de travailler à l’apaisement en retour de l'obligation qu’elle prendrait de réaliser les réformes exigées par la dépêche du 30 Décembre, il lui serait morale­ ment impossible de revenir la dessus en conseillant aux Ministres turcs de négocier séparément le concours du Monténégro. Mais, si la Turquie s’arrangeait de son propre chef avec le Prince Nicolas pour rectifier sa frontière du côté de l’Herzégovine en lui abandonnant quelques districts voisins, l’Autriche n’aurait rien à y redire et les laisserait faire. —
Le Comte Andrâssy me rappela lui-même notre entretien précédent où il s’était prononcé dans un sens contraire en accentuant les incon- véniens (sic!) d’une négociation séparée entre la Turquie et le Monténégro. Il ne s’en dédisait pas, tout en maintenant sa nouvelle décision.
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