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 Mon Prince,
Pendant mon dernier séjour à Pest, le Ministre des Affaires Etran­ gères d'Autriche m’avait donné l’assurance que, tout en déclarant ac­ ceptable l’armistice de six mois proposé par le Gouvernement Turc, il ne mettrait point d’obstacle à un terme plus court qui résulterait d’une entente directe entre nous et la Porte.
De retour à Vienne, j’ai trouvé le télégramme de Votre Altesse qui me prescrivait de renouveler avec insistance mes démarches auprès du Gouvernement austro-hongrois pour obtenir son assentiment aux six semaines d’armistice, maximum deux mois. J’en donnai aussitôt avis au Baron Orczy avec la prière d’en porter le contenu à la connaissance de son chef et sans lui dissimuler le caractère pressant de notre démarche.
Pour agir plus sûrement sur l'esprit du Comte Andrâssy, je lui adressai une lettre dans laquelle je récapitulai les arguments que je venais de faire entendre de vive voix à son remplaçant.
J'ai l’honneur d'en placer ci-joint une copie sous les yeux de Votre Altesse.
Le Ministre des Affaires Etrangères étant sur ces entrefaites re­ tourné à Vienne pour concerter avec le Cabinet Cisleithan la réponse à faire à l'interpellation des »Verfassungstreue«, ma lettre, au lieu de prendre le chemin de Pest, lui fut remise ioi aussitôt après son arrivée.
Elle lui fit faire un pas de plus dans la voie des concessions. M’ayant vu le lendemain, il me déclara qu’après avoir pris une résolu­ tion et l'avoir motivée auprès du Cabinet Impérial, il lui serait impos­ sible de s’exposer, en y renonçant, au reproche de versatilité qu'on lui adresserait ici; mais il inviterait l’Ambassadeur d’Autriche à Constanti­ nople à déclarer à la Porte que l'armistice de six mois n’ayant plus aucune chance d’aboutir et étant rejeté par les Serbes et les Monté­ négrins, le Cabinet de Vienne en laissait tomber le projet et sans for­ muler de nouvelles propositions, exprimait le désir que le Gouverne­ ment Turc s’arrangeât directement avec la Russie.
Mon interlocuteur ajouta qu’il ne comprenait d'ailleurs pas le mo­ tif pratique qui portait le Cabinet Impérial à tant d’insistance sur le terme des six semaines. En dehors de la question de l’armistice, nous aurions, mé dit-iil, plus d’un point de départ pour une lutte avec la Turquie.
Je trouvai ce jour-là le Comte Andrâssy particulièrement suscep­ tible. Traqué par les presses allemande et hongroise, pour ses »complai­ sances« envers la Russie, rendu nerveux par le bruit persistant de sa retraite et irrité des démonstrations de rue qui venaient d’avoir lieu à Pest, il témoigna une certaine impatience de ma démarche comme d’un essai de pression exercée sur lui.
Toutefois ce n’est point par dépit, c'est par un instinct plus vrai qu’il hésite à se rallier purement et simplement à notre projet à Const(antino)ple. Tandis que l’adhésion tardive de la France et de l’ItaJie est plutôt d’une nature platonique, puisqu’un refus de la Porte ne les ferait pourtant pas recourir à des moyens de coercition à l’égard de celle-ci, l’Autriche a dès le début envisagé l’éventualité d'une réponse négative des Turcs comme devant entraîner la rupture des relations
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