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 Le Ministre me répondit que ce n’était qu’un simple voeu qu’il avait été obligé d’exprimer à la suite de l’excitation de l’opinion publique en Turquie et en Europe. Il appartiendrait aux Puissances d’aviser aux moyen d’y faire droit.
Nous passâmes ensuite au terme de cinq mois et demi que la Porte avait assigné à l’armistice. Ne voulant parler au nom du Cabinet Impé­ rial avant la réception du texte de la réponse turque et de la réunion que nous devons tenir demain, j’exprimai personnellement l’avis que ce terme prolongé ne servirait qu’à maintenir pendant tout l’hiver un état d’incertitude pénible pour tout le monde, sans avancer la conclusion de la paix, car, dis-je, n’étant plus pressée par une échéance rapprochée, la Porte se renfermerait plus que jamais dans les refus successifs qu’elle n’a cessé d’opposer à toutes les demandes des Puissances«.
Safvet Pacha se récria contre une pareille interprétation des in­ tentions du Gouvernement Ottoman. Il m’assura que son désir sincère était d’arriver promptement à une paix et de la substituer alors à l’ar­ mistice, mais qu'en attendant la Turquie voulait être sûre de pouvoir pendant l’hiver, renvoyer ses troupes dans leurs foyers sans craindre une attaque de la Serbie. Il m’avoua que la Principauté était toujours soupçonnée de vouloir profiter d’une trêve (sic!) d’un ou de deux mois pour reconstituer des forces et fondre sur la Turquie, dans un moment défavorable pour celle-ci, pendant la mauvaise saison.
Je répliquai au Ministre qu’un armistice de six semaines, recom­ mandé par le Gouvernement Impérial, aurait été suffisant pour mener à bonne fin avant l'hiver les négociations de paix, si la Porte voulait y procéder sincèrement. La Serbie n’aurait plus alors qu’à licencier son armée et les volontaires cesseraient d'eux-mêmes de s’y diriger, en voyant que le guerre n’allait plus recommencer. J'y ajoutai l’expression de l’appréhension que la majorité des Cours Garantes ne portât égale­ ment un jugement défavorable sur la proposition du Gouvernement
Ottoman, et ne vît dans son empressement à accorder plus qu’on ne lui demandait et plus qu’il n’était nécessaire, un piège peu fait pour faci­ liter la marche des négociations. Déjà on était mécontent en Europe de voir la Porte faire systématiquement autre chose que ce qu’on réclamait d’elle. Ce serait une répétition nouvelle de la même manoeuvre.
Si je me suis permis, Monsieur le Chancelier, d’aller au devant d’explications avec le Ministre des Affaires Etrangères sur ces questions — c’est que la clause relative aux volontaires dans la réponse turque est visiblement destinée à nous mettre directement en cause. Il m’a donc paru avantageux de prendre l’initiative dans cette question, et en re­ jeter la faute sur la Porte, au lieu d’attendre qu’on ne vint en faire une arme contre le Gouvernement Impérial. C’est également la tenue que je compte observer à la réunion de demain, en me servant en outre des argumens (sic!) habiles par lesquelles l’Ambassadeur de l’Empereur
à Londres a répondu aux interpellations de Lord Derby.
Il me revient que Sir Henry Elliot prétend avoir reçu l’expression de la satisfaction du Cabinet de S‘ James à l’occasion de l’armistice prolongé, accordé par la Porte. On ne connaît pas encore les impressions des autres Gouvernements.
Nelidow
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