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et Votre Majesté a vu à quoi s’est réduit au Conseil de Cabinet l’ultima tum que Lord Derby se proposait de lancer à la Turquie afin de lui imposer l’armistice.
On dit à la Porte qu’on l’abandonnera, mais elle sait aussi bien que Lord Derby lui même que c’est une menace que l’Angleterre ne mettra jamais à exécution.
Sur qui l’Angleterre compte-t-elle pour effectuer sa séparation et ne point rester isolée?
Elle compte avant tout sur l’Autriche, car elle ne croit pas à une entente réelle entre le Cabinet Impérial et celui de Vienne. L’accord avec ce dernier devient donc pour nous d’une importance primordiale et j’ai été heureux de la communication confidentielle que m’a faite Mr le Chan celier de l'Empire sur l'issue de la mission du Comte Soumarocoff. Reste à savoir si l’Autriche exécutera fidèlement ses promesses.
Après l’Autriche, c’est la France que vise la politique anglaise. J’ai de fréquents rapports avec le Marquis d’Harcourt et je vois à quel point le Duc Decazes se montre anvieux (sic!) des relations de la France et de l’Angleterre, car il écrit lui même à son Ambassadeur à Londres »ce serait un pas bien grave pour la France que de se séparer de l’Angle terre«.
Quoi qu’elle fasse, l’Angleterre reste isolée et presque impuissante dans sa force, en tant que se maintient intact l'accord des trois Cours du Nord.
Que fera l’Angleterre si la Turquie refuse l'armistice? Elle recher chera de nouveaux compromis, de nouveaux expédients qui encourage ront la Porte dans sa résistance et qui seront probablement rejetés par la Russie à bout de patience.
Que ferons nous alors, puisque nous n’abandonerons pas la cause que nous défendons depuis des siècles.
Il ne peut plus être question d’une démonstration des flottes dans le Bosphore. Je l’ai déjà exprimé à Votre Majesté, la dignité de l’Angle terre ne peut l’admettre si elle ne s’y associait pas. Elle s’y est refusée et se verrait obligée d’empêcher cette démonstration par la force.
Reste l’occupation de la Bulgarie et celle de la Bosnie. Indifférente à la dernière, l’Angleterre n’admettrait pas une occupation russe de la Bulgarie.
Dans son impuissance à l’empêcher, elle se déciderait pour quelque contre-démonstration hostile à la Russie qui, si elle n’amène pas de conflit entre nous, serait cependant et très probablement une rupture. Elle ne nous atteindrait que seuls, puisque l’Angleterre n’objecte pas contre l’occupation de la Bosnie.
Quelque sérieuse que soit cette éventualité nous pourrons l'envi sager avec calme aussi longtemps que nous restons sûrs de l’Autriche. Ce n’est que sa séparation de nous qui pourrait amener la coalition.
Ma fidélité à Votre Majesté et mon devoir de Russe m’ont décidé à Vous soumettre mes convictions personnelles, basées sur une étude consciencieuse des hommes et des choses en Angleterre.
АВПР, К-76, II. C“ Schouvaloff 38* 595