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 russe. Je continuai ensuite à prouver au Principal Secrétaire d’Etat l’im­ possibilité d’une démonstration militaire en Bosnie sans l’occupation immédiate de la Bulgarie. Lord Derby devait la comprendre d’autant plus que son objection principale à tout genre de menaces contre la Turquie était l’excitation qu’elles soulèveraient dans la population mu­ sulmane contre les Chrétiens. Quel serait donc le sort de ces derniers si l’armée autrichienne franchissait la frontière ottomane pendant que les populations bulgares seraient à la merci des mêmes bachibouzouks qui venaient de se signaler par leurs actes de cruauté.
La solution pacifique, me répondit Lord Derby, exige que la Russie et l’Angleterre se tiennent toutes les deux à l’écart et laissent agir les autres par les voies de coërcition.
Que l’Angleterre se tienne à l’écart, je le comprendrai, lui répli- quai-je, sa position géographique le justifie, mais cette même exigence est impossible pour la Russie et ne peut être formulée que sous l’empire d’une méfiance que nous ne méritons pas et que nous ne saurons ac­ cepter. Dans cet ordre d’idées, notre dignité ne nous permettrait pas de rester à l’écart dans l’éventualité d’occupation que j’ai communiquée au Gouvernement Anglais.
Lord Derby continua à passer en revue les différentes situations que pourrait créer l’intervention militaire, soit par mer, soit par terre. La Russie voulait éviter la guerre, me dit-il, et proposât en même temps une entrée des flottes réunies dans le Bosphore, ce qui équivaut à une déclaration de guerre à la Porte. Il suffisait d'un malheureux coup de canon tiré d’une batterie ou d’un vaisseau turc, pour engager l’Angleterre et les autres Puissances. Quelles en seraient les conséquences? Lord Derby me lut celle qui probablement lui déplaît le plus. c.à.d. (sic!) la destruction de la flotte turque, sur les vaisseaux de laquelle il n’est pas impossible de voir flotter un jour le pavillon anglais.
Passant à la question de l’occupation de la Bulgarie, le Principal Secrétaire d’Etat y opposa des considérations générales qu'il est inutile de rapporter à Votre Majesté parce qu’elles ne sont pas les vraies. Ce que l’on craint ici, c’est que la Russie ne s’y maintienne en permanence et n’arrive par cette voie jusque sous les murs de Constantinople.
Ce n'est qu’après avoir rejeté une à une chacune de nos proposi­ tions que Lord Derby me formula comme opinion personnelle le projet que j’ai transmis à Mr le Chancelier de l’Empire par un télégramme en date d’hier.
Il s’agissait d’écarter pour le moment les conditions de paix et de tenter auprès de la Porte une nouvelle démarche pour lui imposer un armistice d'un mois avec la réunion immédiate d'une conférence.
En proposant ce nouveau compromis, le Comte faisait un dernier appel aux intentions pacifiques et aux sentimens (sic!) de modération de Votre Majesté.
La situation se trouvait en ce moment entre Vos mains, disait-il. Nul doute que le Cabinet de Berlin et de Vienne ne se rallient au Vôtre, et Lord Derby ne prévoyant pas de difficulté de la part de la France et de l’Italie maintenait que tout dépendait ainsi de Votre Majesté.
Avant que mon télégramme n’ait pu atteindre Livadia, je recevais de Mr le Chancelier de l’Empire la communication faite par ordre de
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