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Mon Prince,
La mission de Mr le Comte Soumarokow a produit, comme on devait s’y attendre, une profonde sensation dans les cercles diplomatiques de Vienne. De son côté, la presse en a fait un point de départ pour semer l’alarme et attiser, dans la presque totalité de ses organes, la défiance et la haine de la Russie.
Le Ministre des Affaires Etrangères d’Autriche avait pris le parti de garder pour le moment un secret absolu tant sur le contenu de la lettre autographe de Sa Majesté l’Empereur que sur la réponse qui y serait faite.
Mais dès le 17./29. Septembre, l'Ambassadeur de France, informé par le Duc Decazes, était venu me confier que le Prince Orlow avait communiqué à Paris la substance des propositions adressées par nous à la Cour de Vienne. Le même jour un télégramme du Comte de Wimpf- fen confirmait cette nouvelle à la Chancellerie d’Etat et le Baron Orczy recevait les visites des Ambassadeurs d’Angleterre, d’Italie et de Turquie qui venaient l’ijnterroger sur la question de savoir s'il était vrai qu’en cas de tergiversations de la Porte nous proposions l’entrée des troupes autrichiennes en Bosnie et des troupes russes en Bulgarie conjointement avec celle des escadres de toutes les Grandes Puissances dans le Bosphore
pour protéger les chrétiens contre des prévisions de massacres.
Le Chef de Section s’était invariablement retranché dans un strict silence en répondant à ses questionneurs qu’il ne savait rien lui-même et que, fût-il informé, il serait obligé de se taire, en égard à la réserve commandée par une ouverture personnelle de Souverain à Souverain
avant que l’Empereur d’Autriche n’eût donné sa réponse.
Je me suis empressé de communiquer à Mr le Comte Soumarokow, qui du reste en avait déjà pressenti le sens, les télégrammes explicatifs
que Votre Altesse a bien voulu m’adresser à ce sujet.
L’incident en question a mis à nu les mesquines défiances qui sé
parent la diplomatie locale. Excepté l’Ambassadeur de France, aucun des Représentants ne m’a indiqué la source des informations qui lui sont parvenues. Le Duc Decazes ne s’en est pas caché non plus à l’Ambas- sadeur d’Autriche, mais le Cabinet de Saint-James a gardé le secret vis-à- vis du Chargé d’Affaires austro-hongrois et Sir A. Buchanan, tout en faisant à la Chancellerie d’Etat des demi-confidences, y a laissé ignorer qu’il tenait ses nouvelles de Londres.
Depuis lors les Ambassadeurs se rendent tous les jours chez le Baron Orczy pour lui demander les appréciations de son Gouvernement au sujet de la mission du Comte Soumarokow et tous les jours le Chef de Section leur oppose le mutisme le plus absolu. Ceux d’Italie et d’Angle terre sont les plus empressés à se renseigner, et s’il fallait juger des sentiments du Cabinet Britannique d’après le langage de son Représen tant à Vienne, il y aurait lieu de désespérer de l’adhésion Anglaise.
Sir A. Buchanan ne se lasse pas de soulever les défiances contre nous en appelant l'attention du Baron Orczy sur les arrière-pensées am bitieuses qu’il nous attribue. Sans s’expliquer franchement à mon égard, il n'a pas résisté à la tentation de me parler d’une »pilule« ou d’un plat indigeste que nous désirions servir à l'Autriche, mais dont il était pro bable qu’elle ne voudrait pas. Tout en donnant à mes réponses un tour
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