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 et dans lequel les sympathies pour les chrétiens d’Orient se sont mani­ festées d'une manière plus accentuée et plus bruyante que d’ordinaire. Le but de la députation était de demander un changement de poli­ tique dans la question d’Orient, cette politique n’étant pas d'accord avec les sentiments de la nation anglaise. Il fallait assurer d’une manière
définitive le sort des chrétiens, soit par l’expulsion des Turcs hors d'Eu­ rope, soit par la formation d'états jouissant d’une autonomie complète. Lord Derby a répondu par un exposé de sa politique, mais contraire­ ment aux usages de courtoisie qui distinguent les députations envoyées
aux Ministres, les discours du Principal Secrétaire d'Etat fut fréquem­ ment interrompu par des murmures de désapprobation.
Tout ce qui s’est dit de part et d’autre est assez significatif pour que je me fasse un devoir de placer ci joint sous les yeux de Votre Ma­ jesté un compte rendu de cette séance.
Je me borne dans ce rapport à relever les trois points suivants. Lorsque Lord Derby, après avoir expliqué que la Turquie ne se prêterait pas de bonne grâce à des réformes trop radicales, demanda à la dépu­ tation: »Voulez-vous donc qu’on les lui impose par la force?« — quel­ ques membres de la députation lui crièrent: »Oui«. — Parlant de l'ex­ pulsion des Turcs hors de l'Europe, »l’Angleterre«, dit-il, »aurait dû l’ac­ complir seule, car elle ne trouverait pas d’alliés«, — mais il fut inter­ rompu par les mots: »et la Russie?« — Enfin, lorsque Lord Derby ex­ prima l’impossibilité de créer des autonomies complètes, on l’inter­ rompit par les mots: »essayez-le«.
Je ne pense pas que le Cabinet soit disposé à obtempérer à la de­ mande d’une session extraordinaire du Parlement demandée par cette même députation. Sa réunion pourrait bien amener la chute du Ministère dont l'intérêt exige au contraire une prompte solution de la question pendante en Orient quitte à ce que sa politique soit jugée après coup dans la session ordinaire de 1877.
Il n’en est pas moins constant que la nouvelle attaque dirigée hier contre le Gouvernement doit l’amener à une politique plus décidée et plus favorable aux intérêts chrétiens qui sont aussi ceux de la Russie. L’incident d’hier est, comme on dit familièrement, de l’eau sur notre moulin; il favorise les propositions que Votre Majesté a faites pour le cas d’un refus de la Porte à accepter les bases de la paix et il nous encou­ rage à interpréter le terme d’autonomie dans son acception la plus large. Le Cabinet actuel me semble être dans une situation à ne point oser défendre un minimum d’autonomie si Votre Majesté proposait le ma­ ximum.
Je me permets, Sire, de terminer mon très humble rapport par une dernière considération: si la coopération de l’Angleterre est jugée néces­ saire au succès de la cause, si sa séparation des autres Puissances lui serait nuisible, il n’y a point de temps à perdre, et tous nos efforts doivent être dirigés vers une prompte solution. La pression que la nation anglaise exerce actuellement sur son Gouvernement peut s'affaiblir, l’opinion publique se modifier et nous nous retrouverions derechef vis-à-vis de nos adversaires de 1854.
АВПР, K-77. C" Schouvaloff 576


























































































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