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 portunité de confier à une commission européenne le soin de régler les détails des autonomies.
J'ai cité au Comte Andrâssy le précédent de la Commission du Liban. L'Empereur, — lui ai-je dit, — dans sa prévoyante sollicitude envers les Chrétiens de l’Orient avait désiré alors que les mesures sti­ pulées pour la Syrie fussent déclarées applicables à la Turquie d’Eu­ rope pour le cas où des troubles analogues viendraient à s’y produire. Cet avertissement, méconnu en 1860., venait d'obtenir aujourd'hui une confirmation sinistre en Bulgarie. L’analogie était complète: là comme en Syrie des massacres avaient eu lieu avec la complicité plus ou moins avouée des autorités locales. La Turquie ne pouvait donc pas nous re­ fuser maintenant ce qu’elle avait dû accorder il y a seize ans. A présent comme alors, une commission internationale contribuerait sans nul doute à apaiser les esprits en ajoutant au réglement des questions pendantes la sanction désormais indispensable d’une garantie européenne.
Le Comte Andrâssy parut disposé à y consentir, d'autant plus que Lord Derby s’était également énoncé vis-à-vis du Chargé d’Affaires d’Au­ triche à Londres en faveur de cette combinaison comme pouvant être substituée avec avantage soit à un congrès des Ministres des Affaires Etrangères, soit à une conférence des Ambassadeurs à Constantinople. Seulement, dominé par la crainte de voir les autonomies se traduire en projet d’Etats vassaux et tributaires, il voulait avant tout être fixé sur le sens qu’on attachait à Londres à cette qualification élastique.
Il adressa à cet effet au Comte de Beust une dépêche explicative de son point de vue. Autant que je puis en juger par le résumé qu'il m'en a fait de mémoire, elle portait en substance ce qui suit:
»Les réformes qu'il avait proposé pour la Bosnie et l’Herzégovine avaient dû être renfermées dans un cadre restreint en vue d’éviter des complications orientales. Mais il comprenait aussi une autre politique, celle qui, considérant la Porte comme incapable d’amélionrer sérieuse­ ment le sort de ses sujets chrétiens, procéderait à des solutions plus radicales. Ce qu'il ne concevrait pas, c’est qu’on voulût fusionner les deux et créer des autonomies tout en maintenant la domination otto­ mane. On encouragerait ainsi les Chrétiens à refuser les concessions qui peuvent leur être acquises et on leur donnerait des espérances qu’on ne serait pas en état de réaliser. A moins que l’Angleterre ne fût dis­ posée à soutenir son programme par l’emploi de la force dans le cas où le Gouvernement turc s'obstinerait à le repousser«.
»D’alleurs, les Chrétiens avaient déjà accepté en principe les ré­ formes proposées dans sa dépêche du 30. Décembre et ce n’est que l’ab­ sence de garanties d’exécution qui en avait fait échouer le projet. Mais les autonomies ne pouvaient pas non plus se passer de garanties, et il serait bien plus difficile d’en obtenir pour une combinaison aussi vague et qui n’avait pas encore l’adhésion du Gouvernement turc que pour le programme Andrâssy qui offrait le double avantage de la précision et du fait accompli de l’assentiment de la Porte«.
J’ignore, mon Prince, dans quelle mesure le Cabinet de St James avait primitivement entendu appliquer les bases proposées par lui, mais je constate que par une série rapide d’interprétations, il s’est presque associé au point de vue de Vienne.
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