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Lord Derby me répondit par les paroles suivantes que je cite pres que textuellement car elles ont leur importance en vue des propositions que le Cabinet Impérial serait appelé à formuler dans un proche avenir.
»Je crois«, me dit le Principal Secrétaire d’Etat, — »que ce mo ment n’est pas venu encore, mais j’espère qu’il ne se fera pas attendre pour une action commune et efficace de l’Europe à l’effet de mettre un terme à ce qui se passe.
»La manière dont s’est engagée la lutte entre la Serbie et la Turquie fait prévoir les succès des armes turques. Tandis que chaque combat affaiblit les Slaves, il donne à l’armée ottomane le moyen de s’orga niser et de se concentrer. Il me semble donc que ce que la Serbie aurait de mieux à faire, c’est de proposer la paix au plus vite. La Turquie l’ac ceptera avec empressement et la Serbie se retrouverait dans la même situation qu’avant la guerre. Cette situation lui est garantie par l’Europe, elle n’est pas mauvaise ni au point de vue des relations créées entre la Serbie et la Turquie ni à celui de la politique intérieure de cette princi pauté. Il en serait de même du Monténégro, qui reprendrait également le status quo ante bellum et alors tous les efforts pourraient être con centrés sur la pacification des provinces insurgées et ceci constituera le plus difficile de notre tâche«.
Ces pensées émises par le Principal Secrétaire d’Etat ont une portée d'autant plus grave à mes yeux, que j’avais entendu exprimer plus d’une fois que l’Angleterre était disposée à reconnaître comme un fait ac compli l’indépendance de la Serbie pour le cas où elle serait conquise par les armes, mais qu’en revanche, elle ne s’opposerait pas aux mesures répressives que prendrait le Sultan si la victoire mettait la Serbie à sa discrétion.
Je profitais des difficultés que Lord Derby prévoyait à la pacifi cation des insurgés en Herzégovine et en Bosnie, pour reprendre avec lui et avec une grande insistance la thèse de l’autonomie vassale et tri butaire. Je fis valoir les arguments suivans (sic!):
L’Angleterre veut comme nous une amélioration réelle du sort des Chrétiens et elle recherche à cet effet des solutions pratiques. La seule possible c’est l’autonomie. Si les Puissances l’eussent acceptée de prime abord, que de sang épargné, que de désastres prévenus et que d’argent de sauvé. Puisqu’il y a eu oppression dans l’administration des provinces insurgés, et Lord Derby ne le nie pas entre les quatre murs de son cabinet, comment pourrat-il admettre, lui, le chercheur de combinaisons pratiques, que des ordres de Constantinople, quelque péremptoires qu’ils soient, suffisent, par exemple, pour que la police turque protège doré navant ceux-là même qu’elle vexait et qu’elle opprimait jusqu’ici. Les proclamations rendront-elles les percepteurs d’impôts intègres etc. Non, — une pareille situation ne peut se résoudre, ni par de bonnes inten tions, ni par des firmans de la Porte. Il faut des institutions, il faut ce self government si apprécié en Angleterre. La différence de religion n’a jamais été un obstacle à une administration autonome, car l'administra tion n’a rien à voir aux questions de conscience, et si l'on créait entre autres des institutions financières locales, fussent-elles composées de Chrétiens ou de Mahométans, elles seraient tout de même les défenseurs de la prospérité Bosniaque et Herzégovinienne, et pourquoi enfin Lord Derby se ferait-il l’organe de points de vue magyares qui n’admettent
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