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Les troupes Serbes ont passé la frontière Samedi vers cinq heures après midi sur trois points. Leur résolution précipitées d’ouvrir les hosti lités, sans attendre la réplique de la Porte, semble avoir été prise à la suite d'une dépêche de Sir Henry Elliot par laquelle il a dès Vendredi informé l’Agent Britannique à Belgrade que le Prince ne recevrait pas de réponse de Constantinople, tandis que le Grand Vézir en avait expres sément promis une du Ministère des Affaires Etrangères pour Dimanche qt au plus tard pour Lundi dernier. Elle était en effet préparée, et re poussait dans des termes courtois, mais énergiques, le concours des troupes Serbes, et refusait la cession de la Bosnie. Safvet Pacha m’en a donné connaissance, ainsi qu’à quelques uns de mes Collègues, mais lorsque Mr Magazinowitch vint la chercher Lundi, on lui déclara qu'elle était devenue inutile du moment où les Serbes avaient déjà franchi la frontière sans l’attendre. Votre Excellence voudra bien se souvenir que c'est une dépêche anglaise qui avait également fait échouer la mission Christitch. Le malentendu actuel va constituer entre la Turquie et la Serbie un grief de plus, dont la faute retombera en entier sur l’Ambas- sadeur d'Angleterre. Le Cabinet de Londres aurait-il cherché à préci piter les évènemens (sic!) pour éviter un nouvel accord des Puissances au moment suprême, et pour produire dans les conditions les plus fa vorables aux Turcs la »saignée« que les Ministres Britanniques ont reconnu cyniquement comme indispensable pour facilitier une solution? On serait porté à le croire quand on prend en considération l’empres sement que Sir Henry Elliot mettait systématiquement à accélérer l’ou verture des hostilités, et les espérances passionnées qu’il fonde sur un prompt succès des troupes Turques.
L’ouverture des hostilités a mis l’Agent de Serbie dans une posi tion très-fausse. N’ayant reçu ni l’ordre de son Gouvernement de rompre les relations, ni l’injonction de la Porte de quitter Constantinople, il craint cependant d'y rester pour ne pas être considéré et éventuellement traité comme espion, malgré l’assurance de Safvet Pacha qu’on l'envi sagerait comme »mussafir« (hôte). L'Ambassadeur d’Autriche-Hongrie a vivement engagé Mr Magazinowitch à partir et je me suis joint à ce conseil, afin d’éviter à l’ex-Représentant du Prince Milan les désagré- mens (sic!) auxquels il pourrait facilement être exposé ici. Je l’ai télé graphié à notre Agent à Belgrade, et Mr Magazinowitch quitte aujourd’hui Constantinople par la voie d’Odessa.
Au point de vue militaire, il pourrait paraître au premier abord étrange que les troupes Serbes se fussent dirigées sur le gros de l’armée Ottomane, réuni autour d’une place forte comme Nisch. Mais comme cette voie est en même temps celle par laquelle les Turcs peuvent le plus facilement envahir la Principauté, il est à supposer que le Général Tcherniaew a voulu avant tout occuper les hauteurs situées sur le terri toire Ottoman, qui dominent la route de Nisch à Alexinatz pour couvrir la Serbie. Il se portera probablement après cela, avec le gros de ses forces, sur Novy Bazar afin d’isoler la Bosnie et de s’y joindre aux Mon ténégrins, après quoi une attaque décisive devra être dirigée contre l’armée Turque réunie près de Nisch.
Les Représentans (sic!) étrangers ont été tous très-impressionnés par l’ouverture des hostilités entre la Serbie et la Turquie. Le Comte Zichy en est particulièrement inquiet. La colonie Austro-Hongroise est
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