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 C’est la dernière phrase du télégramme Turc, fort insignifiante en elle-même, qui était destinée à détacher le Monténégro de la Serbie, en lui faisant entrevoir la perspective d’une augmentation territoriale. Les Ministres Turcs et Sir Henry Elliot, qui semble leur avoir suggéré cette idée, n'ont pas calculé qu’une entente directe avec le Prince Nicolas, parfaitement possible il y a de cela 6 à 7 mois, ne l’est plus aujourd’hui. Mais l’Ambassadeur d’Angleterre trouvait tout naturel de s’y opposer. Il disait, il y a peu de temps encore, à l’un de nos Collègues qui lui parlait d’un arrangement à l’amiable avec le Monténégro, que c’était de l’outrecuidance que de proposer à la Porte de faire des concessions
au Prince Nicolas pour le récompenser de son attitude équivoque durant l'insurrection Herzégovinienne. Il lui fut répondu que la Porte pourrait s’estimer heureuse si elle réussissait à arrêter l’incendie par une con­ cession aussi tardive. Aujourd’hui c’est Sir Henry Elliot qui insiste le plus sur un arrangement avec la Montagne Noire, croyant affaiblir ainsi la Serbie.
Pour ne pas rompre entièrement le fil des négociations directes entre la Porte et le Prince Nicolas, j’avais fait suggérer à ce dernier l’idée de demander au Grand Vézir des explications sur la dernière phrase de son télégramme, en le priant de préciser quels sont les avan­ tages qu’il comptait accorder au Monténégro. Je dois confesser cepen­ dant que je comptais peu sur le succès de cette démarche. L’imminence d’une guerre Turco-Serbe plaçait le Prince Nicolas dans une situation dei plus en plus difficile, et il a été obligé par la voix unanime de son peuple de voler au secours de la Serbie. Déjà on constate une concen­ tration de troupes Monténégrines sur la frontière Turque du côté de Kalaschine et de la frontière Albanaise. L’ordre a été donné à tous les sujets du Prince Nicolas de quitter la Turquie, ce qui est toujours un présage sûr du commencement des hostilités. Le capitaine Monténégrin est venu prendre congé de moi et m'a exposé l'embarras dans lequel
il se trouvait placé. Il comptait qu’il y avait en ce moment à Constanti­ nople près de mille Montagnards, et n’avait pas de ressources pécu­ niaires suffisantes pour faire expédier immédiatement quatre à cinq cent des plus pauvres d’entre eux. Et s’il les laissait ici, la haine et la rancune des Turcs ne manqueraient pas de s’exercer sur eux; ils risque­ raient d’être assassinés un à un. Le capitaine me pria donc de lui venir en aide, ainsi que l’Ambassade Impériale l’avait déjà fait dans une cir­ constance analogue pour sept à huit cent Monténégrins lors de la guerre de 1861.
Voyant dans la satisfaction de ce désir une simple question d’hu­ manité, et sollicité directement par le Prince Nicolas de venir en aide à ses sujets nécessiteux, j’ai cru devoir adresser à Votre Excellence ma demande télégraphique du 19 Juin. Dès que j’ai été mis en possession de la réponse du Ministère Impérial, j’ai fait prendre les mesures néces­ saires pour faciliter le repatriement des Monténégrins. J’ai cherché éga­ lement à expliquer à Safvet Pacha qu’il était de l’intérêt du Gouverne­ ment Ottoman de faire partir d’ici les sujets du Pce Nicolas, qui, poussés au désespoir, seraient capables de se vouer aux entreprises les plus téméraires.
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