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 l’égard de la Russie et sa confiance entière en Votre Majesté qui »avez toujours voulu la paix et qui la voulez certainement encore«.
Sondé par moi sur les intentions et les visées du Cabinet Anglais, Lord Derby s’exprima de la manière suivante; afin de ne pas altérer le sens de ses paroles, je vais m’efforcer d’en faire une traduction aussi exacte que possible.
»Nous croyons«, m’a dit le Principal Secrétaire d’Etat, »le nouveau Sultan animé des meilleurs intentions. Je crois pouvoir affirmer qu’il est prêt à faire de larges concessions à ses sujets chrétiens et qu’il va sous peu leur offrir une constitution (il hésita et ajouta) organique semblable à celle qui existe en Crète«.
»Nous ne pensons pas qu’elle soit acceptée par les insurgés qui, selon nous, ne consentirons à déposer les armes que si une autonomie entière leur était accordée — autonomie qui, à nos yeux, serait le syno­ nyme d’indépendance complète«.
»Je sais que si les Chrétiens n’aspirent à rien moins qu’à l’indépen­ dance, le Sultan de son côté est prêt à tout leur accorder en ce moment excepté l'indépendance. Il la leur refusera actuellement, mais elle pour­ rait s’imposer par la suite des évènemens (sic!).
»II faut donc s’attendre à ce que la lutte recommence dans trois à quatre semaines, — cela nous parait inévitable à moins que le Sultan, voyant ses efforts de pacification échouer, ne consente de lui même à faire la paix avec les insurgés sur la base de leur indépendance, c’est à dire à les mettre dans les mêmes conditions que la Roumanie«.
»Si la lutte recommençait et que les Chrétiens prenaient le dessus, l'indépendance leur serait acquise; s’ils étaient battus, eh bien! il faudra qu’ils se soumettent au sort qui a été fait aux Crétois«.
Il m’a semblé, Sire, que l’idée d’une autonomie complète, voire même de l’indépendance des groupes chrétiens, n’est point contraire aux vues du Principal Secrétaire d’Etat, mais qui’il ne l’admet que res­ sortant, soit de l’initiative du Sultan, soit des chances de la guerre. Il ne croit pas qu’elle puisse être imposée au Sultan par une pression du dehors.
Je fis observer à Lord Derby que les Turcs — vainqeurs pourraient se refuser dans la suite à accorder aux Chrétiens les réformes promises avant la lutte, et que les représailles, si elles devenaient sanglantes consti­ tueraient pour ainsi dire un défi jeté aux Puissances qui se sont efforcées à les prévenir.
Le Ministre me répondit que l’Europe pourrait intervenir alors et obliger le Sultan à ne pas retirer après la lutte ce qu’il aurait promis antérieurement; qu’en ce qui concernait les massacres il ne les craignait pas. »On a tiré beaucoup de cartouches jusqu’ici«, m’a-t-il dit, »et cependant le nombre des victimes est bien restreint. L’Europe est-elle intervenue pour arrêter l’effusion du sang dans d’autres occasions? Pourquoi avons nous souffert les massacres dans la guerre de sécession aux Etats-Unis, les massacres dans les colonies, enfin les tueries auxquel­ les nous venons d’assister froidement en Espagne?«
Je répliquai à Lord Derby que si l’Europe n’etait pas intervenue dans les cas qu’il m’avait cités, c’est parce qu'ils constituaient des différends politiques entre Gouvernemens (sic!) et sujets, tandis qu’en Turquie
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