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 refait cette Europe dont en 1870. Mr de Beust disait dans son livre rouge, »qu’il ne la voyait pas«. La gloire en revenait à notre Auguste Maître comme continuation de l’oeuvre de paix accomplie par Sa Ma­ jesté pendant Son séjour à Berlin de l'année dernière et comme triomphe de la politique russe, — l’Europe s’étant associée à l’action que jadis la Russie poursuivait isolément.
Les principes de cette Europe reconstituée étaient le maintien de la paix et l’action commune en faveur des chrétiens d’Orient dans des limites compatibles avec la conservation du statu quo, — bref, une po­ litique large de désintéressement général et qui, par cela même, excluait tout écart (aile Seitensprünge) d’intérêts ou de sympathies particuliers.
Or, selon le Ministre, une action directe au profit du Monténégro appartenait à cette dernière catégorie. Le Prince Nicolas désirait un agrandissement du côté de Nikschitch. Mais outre qu’en promettant au Baron de Rodich de joindre ses efforts d’apaisement à ceux des Puis­ sances, il n’avait pas réclamé de compensation en retour de ceux-ci, ce serait une condition toute nouvelle qu’on ferait valoir auprès de la Porte et qui dépasserait l’étendue des engagemens (sic!) contractés par elle vis-à-vis de l’Europe.
»D’ailleurs«, ajuota le Comte Andrâssy, »nous savons, et nous pou­ vons le dire entre nous, que le Prince Nicolas a fomenté l’insurrection de l’Hérzégovine et qu’il tâche d’apaiser maintenant les passions qu’il avait soulevées en partie lui-même. Quand j’étais à Paris, il s’y pratiquait une industrie lucrative de gens qui jetaient les passans (sic!) à la Seine et s’y précipitaient ensuite pour les en retirer et réclamer d’eux le prix de sauvetage. En aspirant à une récompense matérielle de ses efforts pacificateurs, le P“ Nicolas me rappelle un peu cette association. Il nous adjuge un rôle peu digne, car de deux choses l’une: ou nous aurions l’air d’avoir connu ces écarts dès l’origine et de les avoir consacrés par notre silence, — position que je ne saurais en aucun cas accepter devant les Délégations, — ou il nous faudrait avouer, ce qui serait tout aussi peu agréable, que ce n’est que plus tard que nous avons vu clair dans le jeu de Son Altesse et que par conséquent nous avons été abusés par Elle.«
Ceci au point de vue moral. Passant à celui pratique, le Comte Andrâssy se demandait s’il serait au moins utile de plaider pour l’aggran- dissement (sic!) du Monténégro? Il le trouvait, au contraire, dangereux. La Serbie, plus forte et ayant le terrain mieux préparé en Bosnie, y verrait, elle aussi, un encouragement à s’étendre dans cette direction. De son côté, le Roi des Hellènes avait dit plus d’une fois au Représentant d’Autriche qu’il approuvait la politique d’abnégation suivie par les Puis­ sances, mais que si le status quo territorial devait être modifié au profit des Principautés Slaves, il Lui serait difficile de retenir les Grecs. Enfin et surtout, les Slaves de l’Autriche en feraient l’objet d'acerbes récrimi­ nations.
Nous connaissions — m’a dit le Ministre — la bienveillance tradi­ tionnelle de Sa Majesté l’Empereur pour le Monténégro. Aussi nous sommes nous associés au voeu de la Russie en protégeant ce petit pays contre les velléités d’envahissement du parti militaire à Constantinople. Nous l’avons soutenu matériellement pendant cette époque de crise, sous l’égide des Puissances, il a gagné immensément en prestige moral
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