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 Lord Derby me dit avec une franchise voisine de la naïveté:
»Nous sommes dans un grand embarras. Nous sentons que nous ne pouvons pas nous taire dans une circonstance aussi grave. Nous ne voulons pas conseiller à la Porte de rejeter les propositions qui lui sont faites et si nous les écartons et si la Porte les acceptait, nous ne voud­ rions pas êtres plus Turcs que les Turcs eux-mêmes.«
Le Comte Derby passa ensuite à la critique du document autrichi­ en. Il déplora son extension et sa tendance à vouloir résoudre des dé­ tails d’administration intérieure, dont chaque point serait revêtu de cette façon de la garantie des Puissances. Il aurait préféré qu'on se main­ tienne à des principes et à des bases générales.
Notre controverse dura assez long temps (sic!) car je tachai (sic!) de réfuter chacune de ses assertions et de lui prouver que les princi­ pes seuls et les bases trop générales se résumaient souvent à de l’eau elaire; l’histoire diplomatique de la Turquie n'en fournissait que trop d’exemples. Je continuai en tenant au Principal Secrétaire d’Etat un langage plus accentué.
J’exprimait le vif regret de voir Lord Derby perdre de vue la gra­ vité du moment, la modération de nos propositions et le but d’huma­ nité que nous poursuivions en nous efforçant de mettre fin à l’effusion du sang — pour se complaire dans la critique d’un document qui, comme toutes les oeuvres humaines a ses imperfections.
A Votre place, lui dis-je, j’aurais considéré nos propositions comme un remède, un médicament destiné à soulager un mal aigu. Je ne me serais pas préoccupé de savoir si sa composition pouvait être meilleure, si l'on pouvait y ajouter ou en retrancher tel ingrédient, mais je me serais demandé: ce remède-là peut-il soulager le mal ou bien en ai-je plus prompt, un plus efficace à proposer.
Le Principal Secrétaire d’Etat m’ayant interrompu par des dé­ négations qui prouvaient qu’il ne possédait pas cet autre remède, — et bien, répondis-je, cher Comte, acceptez celui qu'on Vous offre.
C’est alors que Lord Derby entra plus avant dans la question et se mit à développer la nécessité-pour le Cabinet Britannique de faire quel­ ques réserves à l’acceptation de nos propositions.
Il me dit, par exemple, que tout ce qui se rapportait à la question de l’emploi des impôts (sic!) exigeait une étude approfondie de ces matières qui ne pouvait être faite ni à Londres ni dans un court espace de temps. En conseillant à la Porte de n’affecter certaines récettes qu’aux besoin (sic!) de l’Herzégovine et de la Bosnie, il était évident que ce même principe devrait être étendu aux autres parties de l'Empire Otto­ man. Il pourrait en résulter que la Porte, dans un moment donné, se trouverait sans ressources disponibles, pour parer à des difficultés gé­ nérales qui viendraient à menacer l’Empire dans sa totalité. Passant de là à la question agraire, le Comte Derby me dit que la note autrichi­ enne posait à ce sujet des principes nouveaux et inconnues en Angle­ terre; — ou ils étaient, peut-être, bons mais pouvaient aussi être nuisibles. Il citerait, par exemple, la vente de certaines propriétés de l’Etat aux paysans.
Il était difficile pour l'Angleterre de conseiller à la Porte des so­ lutions, dont l’Angleterre elle-même ne se rendrait pas un compte exact.
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