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Mon Prince,
Par quelques lignes de Raguse du 5./17. Mars, M. Wesselitzky-Bo- jidarovitch m’a transmis, sous cachet volant et avec prière d’en prendre connaissance, la lettre ci-jointe qu’il a l’honneur d’adresser à Votre Altesse.
Je l’ai lue avec tout 1e vif intérêt qui s’attache à l'importance du sujet et aux résultats heureux déjà obtenus par notre négociateur of ficieux dans sa tâche d’apaisement en Herzégovine.
M. Wesselitzky se propose de profiter de l'entrevue du Bon Rodich avec les chefs des insurgés pour recueillir de son côté l’expression de leurs voeux; mais il croit connaître dès à présent la réponse qu’ils ont l’intention de faire.
Ils se déclareraient prêts à accepter les réformes obtenues en leur faveur par les Puissances Chrétiennes et à rentrer dans leurs foyers dès que cela serait matériellement possible; seulement ils subordonneraient leur repatriement à quelques conditions pratiques.
Celles-ci m’ayant paru aussi admissibles que justes, je n’ai pas voulu me refuser la satisfaction d’en parler confidentiellement au Mi nistre des Affaires Étrangères d’Autriche, dans le but d’y obtenir son adhésion éventuelle et de l’encourager à redoubler d’efforts pour amener une suspension d'hostilités.
Sur le point de se rendre pour quelques jours à Pesth et dans ses terres inondées de la Hongrie, le C,e Andrâssy n’a pu écouter qu’assez à la hâte l’exposé des quatres conditions signagées par M. Wesselitzky, mais il m'a fait entendre qu’il ne lui semblait pas impossible d’amener æs Turcs à retirer leurs troupes dans les places fortes ou à les replier au-delà d'une certaine zone pendant la durée du repatriement; que rien n’était plus équitable que d’exiger de la Porte de fournir aux Chrétiens les provisions nécessaires pour assurer leur subsistance jusqu’à la première récolte; enfin qu’en parlant de déposer les armes, il avait entendu non un désarmement impossible de la population, mais la cessation de la lutte.
Sur la demande du Ministre je iui remis confidentiellement, pour être placé sous les yeux de l’Empereur François Joseph, un résumé des conclusions de M. Wesselitzky.
Il m’a dit de son côté que le Bon de Rodich se rendait à Raguse pour s’aboucher avec le Commandant en chef des troupes ottomanes et le Gouverneur Général de l’Herzégovine et qu’il avait l’ordre d'employer tous ses efforts pour amener une trêve entre les parties intéressées.
Un télégramme du Conseiller d’Etat actuel Jonine que j’ai eu l’hon neur de soumettre à Votre Altesse a déjà annoncé le fait accompi de cette espèce d’armistice, bien qu’à la Chancellerie d’Etat on n’en ait pas encore été informée par le GaI Rodich.
Si les précisions de M. Wesselitzky se réalisaient, — ce délai salu taire, utilisé par les négociateurs avec zèle, intelligence et dévouement, pourrait, avec l'aide de Dieu, ramener les bénédictions de la paix dans ce pays si cruellement éprouvé.
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