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bataille et qui ne lui a jamais été contesté. Le prince Nicolas a donné raison à cette manière de voir et a dit: »Eh bien, si je ne puis pas avoir Nikchitch, il me faut au moins la rive droite de la Tsiemnaïa et Spitza; je n’accepterait jamais la Moratcha seule. J’aimerais mieux ne rien re cevoir du tout«.
C'est alors que le Souverain du Monténégro m’a fait l’honneur de me déclarer qu’il se décidait à agir en faveur de la paix tant sur les insurgés de la Haute Herzégovine que sur les familles réfugiées dans la Principauté; son motif principal, en le faisant, était de plaire à Sa Majesté l’Empereur, son protecteur et son bienfaiteur.
Son Altesse m’a prié d'aller poster sur-le-champ ses paroles à Ra- guse et d’insiister dans mes communications sur l’urgence d’une forte pression à Belgrade, qui seule pouvait le tirer d’embarras vis-à-vis de la Serbie. Avant de quitter le prince j’ai récapitulé la substance de ses dé clarations, et, après lui en avoir fait lecture, je l'ai envoyée à Mr lonine en une dépêche chiffrée.
Le terrain ainsi aplani de tous côtés, je repris, avec plus de courage et de confiance, la tâche ardue d’expliquer aux chefs herzégoviniens ce que les Puissances avaient fait pour eux et ce qu’Elles étaient en droit d’en attendre.
Les exigences des opérations militaires ne permettant pas leur réu nion en un seul endroit, j’ai dû agir sur eux au moyen de lettres, mes sages et entrevues isolées. Je leur développais, en les expliquant, les paroles que Votre Altesse m'a daigné confier, ces paroles si fermes, mais si bienveillantes, venant d’une bouche si autorisée, exerçaient sur ces natures primitives une action lente, mais sûre.
Peu à peu leurs dispositions changées commencèrent à se mani fester dans leurs actes. C’est ainsi que sur mes instances, ils résolurent non seulement de renvoyer tous les volontaires garibaldiens qui se trou vaient dans leur camp, mais aussi de n’en plus recevoir à l’avenir. Ils annullèrent (sic!), également à ma demande, une proclamation impru dente que leur avait suggérée un ami indiscret, et dont les sectaires de la révolution faisaient déjà leur joie.
Mais c’est surtout après leur victoire à Mouratovitza qu'ils donnè rent une preuve de leur nouvel esprit de modération et de leur défé rence pour les conseils de l’Europe. Les principaux Voyévodes adressè rent une lettre fort courtoise au Commandant en chef des troupes tur ques et lui proposèrent une cessation d’hostilité de 12 jours, afin qu’iis puissent se rendre auprès du Gouverneur de la Dalmatie qui avait ex primé le désir de leur parler. Moukhtar-pacha ne pourra pas repousser cette démarche pacifique et conciliatrice, que lui commande, d’ailleurs, d’accepter l'état moral et matériel de ses troupes.
Les chefs qui viendront conférer avec le baron de Rodich profite ront de cette occasion pour avoir avec moi une entrevue générale et for melle et me communiquer leur réponse de vive voix et par écrit.
Les chrétiens de l'Herzégovine déclarent vouloir se soumettre aux décisions des Grandes Puissances: ils se contentent des réformes énoncés dans la note du Comte Andrâssy et ne souhaitent que leur réalisation; ils sont prêts à rentrer dans leurs habitations dès que cela sera matérielle ment possible.
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