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Le second trait qui ressort de la discussion, c’est que dans tous les discours de la majorité la Russie a été invariablement confondue avec le Gouvernement Autrichien dans les sentimens (sic!) d’une com mune disgrâce. Le Comte Andrâssy a eu l’honneur, du commencement jusqu’à la fin, de partager avec nous le banc des accusés.
La troisième impression qui découle du débat et qui le domine de haut, est celle d'une complète discordance de notes, non seulement entre les deux grandes fractions adverses, mais encore au sein de chacune d’elles. Aucune discipline de parti, aucun centre d’union, une dispersion complète et un rayonnement diffus d’opinions et de contrastes indivi duels sans conclusion aucune, — bref, un caractère de négation absolue. Les courans (sic!) contraires se sont neutralisés, les uns accusant la po litique gouvernementale d’une abstention malveillante à l’égard des Chrétiens de l’Orient, tandis que les autres l’attaquaient du point de vue opposé. Le P. Greuter a donc pu dire avec autant de vérité que de fin sarcasme »qu’au résultat du débat personne n’avait gagné autant que le Ministre des Affaires Etrangères, car il pouvait faire maintenant ce qu’il lui plaisait«.
En effet, le Comte Andrâssy a carte blanche pour agir, mais il porte aussi toute la responsabilité de cette latitude. Il n’a jamais été aussi isolé que dans ce moment où sa politique d’entente avec la Russie ne trouve un appui dangereux que parmi les adversaires du système dont il est le porteur.
Et d’abord les tendances russophobes de la bourgeoisie juive-al lemande de l’Autriche ont trouvé une expression unanime dans l’en ceinte parlementaire. Le courant hongrois y a fait chorus dans le langage approbateur de la presse magyare, dans les démonstrations écoeurantes des étudians (sic!) de Pesth méditant des sérénades en l’honneur du Consul de Turquie, adressant à Midhat-Pacha des télégrammes de féli citation, déposant à Bude des couronnes d’immortelles sur la tombe d’un certain Gui-Baba, derviche légendaire qui, il y a deux siècles, a foulé le sol hongrois à la suite de l’armée d’invasion ottomane. Et pour mettre le comble à ce singulier oubli de l’histoire, un Baron Badaczy envoie à Abdul-Kérim une relique de famille, un sabre d’honneur qui avait jadis coupé des têtes turques entre les mains des Zrinyi et des Hunyady!
Ces aberrations pourraient plutôt nuire à la cause qu’elles pré tendent servir si, d’une part, celle-ci n’avait pour elle ce besoin immense de repos et d’économie que l’année 1873. a légué à la Monarchie, et si, de l’autre, elle n'était soutenue par des argumens (sic!) d’une modéra tion captieuse qui se sont fait entendre dans le cours des débats.
»Tout ce développement historique et organique de l’Autriche«, a dit le député Fux de Moravie, »lui fait un devoir impérieux de la conser vation, de la défense de ce qui est, du respect des traités. Moins qu’à qui que ce soit il nous est permis de jouer avec le feu en patronant le principe de race et de formation d'Etats nationaux, principe en dépit duquel l’Autriche s’est constituée et en dépit duquel elle doit continuer à vivre. Or, ce qui se faut en Orient maintenant n'est au fond qu'une politique révolutionnaire de nationalités et l’Empereur d'Autriche ne doit pas se faire l’allié de l’Omladina«.
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