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provinces arrachées à la Turquie. La Hongrie n’en voulait guère et moins encore la Cisleithanie.
Le Cabinet Auersperg n'a pas été ménagé, mais c’est sur la personne du Comte Andrâssy que se sont concentrées toutes les colères des ora teurs de la majorité. Après lui avoir reproché de manquer de clarté dans les vues, de conséquence dans les actes, de tact dans ses rapports parle mentaires, voire même d’honnêteté politique, après l’avoir accusé d’être tantôt le complice tantôt la dupe de la Russie, on en est arrivé aux injures. Le député Graràtsch a assuré que la défiance du public à l’égard du Ministre des Affaires Etrangères avait trouvé son expression dans le voeu général qu’il fût »Ministre étranger«; Mr. Kuranda a qualifié son programme »de cas en cas« de politique »de chûte en chûte«; enfin Mr. Zschok est allé jusqu’à dire que cette politique était celle d’un joueur de bourse en faillite et que les destinées de la Monarchie devaient être placées en d’autres mains plus habiles et plus fermes.
Parmi les orateurs qui ont répliqué, Mr. Plener, député constitu tionnel d’Eger, s’est placé à un point de vue opposé au programme de son parti. Il a développé la nécessité pour l'Autriche de ne pas rester spectatrice inactive des événements (sic!) qui se passent en Orient et de chercher la solution de la crise dans une entente avec la Russie.
L'orateur général de la minorité, le P. Greuter, député clérical du Tyrol, a particulièrement appuyé sur la solidarité d'intérêts des Slaves de l’Autriche avec ceux de la Turquie et sur les droits historiques des premiers sur certaines provinces de l’Empire Ottoman. Mais le point culminant du débat a été incontestablement l’éloquent discours du Comte de Hohenwart, le chef reconnu du parti conservateur à la Chambre.
»Depuis que l’Autriche existe«, — a-t-il dit, — »on parle de sa mis sion civilisatrice en Orient. Et c’est dans le moment même où l’heure de la solution approche qu’on vient nous proposer une passivité absolue, la paix à tout prix? Nous devrions oublier ce que nos plus grands Mo narques, nos hommes d’Etat les plus éminents ont toujours maintenu, le problème que nous imposent l'histoire et la géographie, les exploits d’un Prince Eugène, et attendre les bras croisés ce que d’autres que nous auront fait de la Turquie? L’Autriche n’a-t-elle pas déjà perdu sa position en Allemagne et en Italie, pour avoir encore à abdiquer en Orient, et descendre volontairement du rang de grande Puissance à la position modeste d’un Etat moyen? Une pareille politique ne saurait contenter les peuples de l’Autriche et ellle recueille déjà les mépris de l’étranger.«
»La paix matérielle est sans doute un bienfait insigne; mais il y a d'autres biens dans la vie d’un peuple: son honneur, sa fidélité à sa mission historique, la grandeur de l’Etat, le soin de ses intérêts moraux«.
»Notre but n’est ni une occupation ni une intervention. Mais nous ne reculerons pas devant l’emploi de ces moyens, nous les réclamerons au contraire avec énergie s’ils sont exigés par les intérêts de l’Autriche. Que le Gouvernement tienne haut le drapeau de la patrie commune, avec cette conséquence et cette fermeté de conviction qu'un bon patriote est en droit d’exiger de lui dans les moments décisifs et nous le suivrons avec joie, et sous ce drapeau la victoire sera à nous!«
АВПР, K-127. Novikow 701