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2) Politique d’action dans le sens des traditions historiques de l’Autriche et de sa mission en Orient basée sur une entente avec nous. La première de ces opinions a rallié, à une exception près, tous les
orateurs du parti constitutionnel. S’arrogeant le droit de dicter au Gou vernement la marche qu’il avait à suivre, ils ont cherché à développer leur point de vue sur la situation extérieure ainsi que leurs sentiments de défiance pour le Comte Andrâssy et de haine passionnée et aveugle à l’égard de la Russie.
Le premier besoin de l’Autriche — ont-ils dit, — est la paix à tout prix. Commandée par l’état de ses finances, de son industrie et de son commerce, voire même par celui de son armée, elle est instamment récla mée par l’opinion publique de la Monarchie. Elle est devenue nécessaire surtout depuis l’introduction du service militaire obligatoire qui fait peser sur toutes les classes de la nation les calamités de la guerre, en arrachant à leurs travaux le simple ouvrier comme le maître d’école. Une pareille perturbation ne doit pas être tentée dans le dessein d’entre prendre une politique d’aventures. »Puisse notre Auguste Souverain«, — a dit le Dr. Herbst, orateur général de la majorité, »conserver aux peuples de l’Autriche ce qui constitue leur besoin le plus réel et ce qui seul peut les relever de leur chûte (sic!) financière et économique, c.-à-d. la paix«.
Tout en exprimant ces aperçus généraux, quelques uns des orateurs les ont accompagnés de certaines réserves. Convenant que le maintien de la paix ne dépendait pas uniquement de la bonne volonté du Gouver nement Impérial et Royal, ils voulaient bien admettre que l’Autriche pût être obligée de recourir aux armes, mais seulement pour la défense de son territoire. Le député Demel a ajouté qui si elle en était réduite à l’extrémité d’en appeler au droit suprême de la guerre, »son aiguille aimantée se tournerait du côté du Nord, car c’était de là que lui venait le plus grand danger«.
En général toute entente avec nous a été repoussée avec une rare unanimité. On nous a accusés de poursuivre en Orient des buts ambi tieux avec des moyens révolutionnaires, de ne travailler à la chûte (sic!) de la Turquie que pour amener celle de l’Autriche, de rêver la domina tion sur tous les pays slaves. On nous a contesté tout droit d'intervenir en faveur de nos coreligionnaires opprimés, tout titre à exercer une mission civilisatrice. Enfin dans notre désir de nous entendre avec l’Autriche on n’a voulu voir que l’intention de l’abuser en nous servant d’elle pour la réalisation de nos plans égoïstes.
L’alliance des trois Empereurs a été surtout attaquée à ce dernier point de vue. On ne croyait pas à sa tendance pacifique. — »Pourquoi se mettre à trois si l’on veut la paix?« demandait le député Kuranda, — »comme si les autres Puissances ne la voulaient pas. Aucun Etat«, — continua-t-il, »ne l’a menacée. Elle ne court des dangers que depuis que la triple alliance existe et par le fait même de cette alliance«.
L’entente avec la Russie n’a été admise que pour nous faire con courir au maintien de l'intégrité de l’Empire Ottoman, en aucun cas pour amener sa dissolution. Toute intervention, occupation ou annexion a été déclarée funeste à l’Autriche. Elle n’aurait que faire d’un agrandis sement territorial dont les avantages ne sauraient contrebalancer les charges d’une guerre. On ne trouverait seulement pas à qui annexer les
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