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Ce compromis enleva dès le début à la discussion le caractère d’une lutte sérieuse.
Les discours de M. M. Gladstone et Disraeli qui contiennent des exposés de leurs appréciations sur le développement de la crise orientale depuis le début jusqu’au moment actuel, ainsi que des indications sur la ligne de conduite éventuelle que le Gouvernement Britannique aurait à suivre dans l’avenir, méritent une mention spéciale et je me fais un devoir d'en soumettre à Votre Altesse une analyse succincte.
Mr Gladstone s’est étendu longuement sur la guerre de Crimée, ses causes et ses conséquences; parmi ces dernières il considère comme les plus importantes la substitution du protectorat collectif de l’Europe sur les Chrétiens d’Orient à celui exclusif de la Russie, l’établissement du concert européen pour décider des questions qui pourraient surgir en Turquie, et enfin le droit moral acquis par l’Angleterre de faire des remontrances à la Porte. — Selon lui, le Gouvernement actuel a commis la faute de jeter les Slaves dans les bras de la Russie, leur ayant retiré sa protection: il a en outre eu le tort de ne pas protester dès le début contre l’action des trois Cours du Nord à l’exclusion des autres Puis sances; enfin, ayant accepté la note Andrassy, il n’a pas su profiter du droit de remontrance pour peser sur la Porte en vue de l’exécution des réformes promises.
Passant ensuite à une phase subséquente de la crise, il blâme le Gouvernement pour avoir purement et simplement rejeté le mémoran dum de Berlin au lieu d’en avoir fait la base d'une entente avec les Puissances. Ceci a eu pour conséquence d’amener la guerre actuelle: les Serbes et les Monténégrins avait (sic!) pu être maintenus tant qu’ils savaient que l’Europe s’occupait du sort des Provinces insurgées; mais les voyant abandonnées et poussées par le désespoir, ils ont déclaré la guerre à la Turquie. Mr Gladstone dit que ce refus de l'Angleterre a rompu le concert européen auquel, tôt ou tard, on devra revenir, car, dit-il, »le concert européen peut ne pas réussir, mais toute autre combi naison doit échouer«. Il conclut cette partie de son discours en disant qu’une action prompté était désirable pour mettre fin à cet ordre de choses.
Les deux points sur lesquels il était le plus facile d’attaquer le Cabinet étaient son attitude vis-à-vis des massacres de Bulgarie et l'envoi de la flotte à Besika. Mr Gladstone se borna à les effleurer prouvant par là qu’il ne cherchait pas à susciter au Gouvernement des embarras sérieux et qu’il tenait plutôt à exposer ses vues devant le pays qu'à dis puter en ce moment au parti au pouvoir la direction des affaires.
Pour ce qui est des massacres de Bulgarie, l'orateur libéral se borna à exprimer l’espoir que l’enquête qui allait être faite ne serait pas déri soire, faisant allusion à l’insuffisance généralement reconnue du Secré taire d’Ambassade Baring, chargé par Sir H. Elliot d'étudier cette ques tion sur les lieux mêmes.
Quant à l’expédition de la flotte, Mr Gladstone s’est contenté de relever la singulière attitude du Cabinet qui, ayant accepté, sans mot dire, les compliments de ses partisans, et laissé s’accréditer l’idée qu’il avait eu l’intention de faire une menaçante démonstration militaire, avait fini par déclarer que cette mesure n’avait eu d’autre objet que la pro tection des nationaux et des populations chrétiennes de la Turquie.
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