Page 130 - index
P. 130

 D’ailleurs à Belgrade le mal était fait, la mission Ranko ne pou­ vait plus être révoquée et le point de gravité de la situation se trouvait de nouveau transporté à Cettigné.
Pour obtenir une réponse du Prince Nicolas, notre Consul Général à Raguse avait dû la lui demander à deux reprises. Il me la transmit finalement par son télégramme du 18. Février/1. Mars que je me suis fait un devoir de placer aussitôt sous les yeux de Votre Altesse.
Elle disait que la mission Ranko avait pour but une entente serbo- monténégrine en vue de complications éventuelles en Orient, sans porter le caractère d’une résistance à l’action pacificatrice des Cabinets.
On est frappé tout d'abord de la similitude de cette réponse avec celle de Belgrade et porté à croire, avec Mr lonine, qu’elle a été combinée entre les deux Princes. Elle porte en tout cas un caractère évasif et peu satisfaisant.
Des impressions analogues ont été recueillies par le Comte Andrâssy. L’Agent diplomatique d’Autriche-Hongrie lui a télégraphié que le Prince Milan ne niait ni ses armemens (sic!) ni la nécessité dans laquelle il se trouvait d’en faire usage contre les Turcs si l’action de l’Europe sur les insurgés venait à échouer et que ie Monténégro entrât de son côté en lice.
Le rapport détaillé du Prince de Wrede sur son entretien avec Son Altesse n'est pas encore parvenu à la Chancellerie d’Etat.
En attendant, des télégrammes de Belgrade, datés du 17./29. Février, annoncent qu’à l’occasion des élections communales les habitans (sic!) de Kragouiévatz se seraient emparés des armes déposés à la mairie et auraient hissé le pavillon rouge en proclamant la république. Quelques personnes auraient été tuées dans la mêlée tandis que les troupes auraient gardé une attitude passive. Cette nouvelle avait effrayé le Gouvernement Serbe, et le Conseil des Ministres se serait réuni à plusieurs reprises pour discuter les mesures qu’il y aurait à prendre.
Le silence que garde sur cet incident notre Agence diplomatique me fait espérer qu’eile n’y découvre aucune gravité et, d’autre part, le Comte Andrâssy est presque tenté d’y voir un avertissement utile aux tendances belliqueuses du Gouvernement Serbe.
Quoiqu’il en soit, l’attitude provocante de ce dernier est double­ ment repréhensible après les griefs que lui-même a élevés de ce chef contre le Monténégro. Mais il faut espérer que la Serbie ne bougera pas si la Montagne Noire ne prêche pas d’exemple. Or, ainsi que le Consul Général de Grèce à Belgrade vient de télégraphier à mon Collègue hellé­ nique, Mr Ranko aurait fait savoir à son Gouvernement que le Prince Nicolas acceptait les propositions Serbes en principe et se réservait de les discuter. Il y a loin de cette adhésion théorique à un commencement d'action et la présence du Général Rodich à Cettigné me paraît de bon augure dans les conjonctures actuelles.
La disposition déjà puise par le Cabinet de Vienne de suspendre toute exportation d’armes dans le Monténégro jusqu’à ce qu'on voie clair dans l’attitude de cette Principauté, ne manquera pas non plus d’y produire un effet calmant.
128
Novikow























































































   128   129   130   131   132