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Mon Prince,
Ainsi que j'ai eu l'honneur d’en informer Votre Altesse par mon rapport du 20. Février/3. Mars No 46, l’agent diplomatique d’Autriche- Hongrie s’était acquitté à Belgrad des avertissements dont le Cte Andrâssy l’avait chargé pour le Gouvernement serbe.
Ayant reçu depuis le rapport détaillé du P“ de Wrède, le Ministre des Affaires Etrangères a bien voulu m'en résumer la teneur.
Le Pce Milan avait dit à l'agent d’Autriche qu’il n’était pas assez téméraire pour se jeter dans des aventures, mais qu’on ne savait pas si un homme de la trempe de Hussein Avni pacha ne viendrait pas à remplacer sous peu le Grand Vézir actuel et qu’à tout événement (sic!) la Serbie devait armer pour ne pas être prise au dépourvu.
Son Altesse ajouta cependant qu'Elle ne se déciderait à faire la guerre aux Turcs que si le Prince du Monténégro lui en donnait l’exemple et qu’Elle pût avoir la certitude que les Puissances n'en feraient pas un cas d’intervention en Serbie.
Elle fit la même déclaration au gérant du Consulat de France qui avait reçu l’ordre de conformer son langage à celui de ses collègues de Russie et d'Autriche.
Il est digne de remarquer qu’en faisant parvenir à l’agent serbe à Vienne la version officielle de cet incident, le Ministre des Affaires Etrangères de Serbie ne lui a transmis que la première moitié de la déclaration du Prince — celle qui motivait les préparatifs militaires, — mais n’a pas fait mention des conditions restrictives de la seconde.
Est-ce de la part de M. Pavlovitch une omission intentionnelle ou bien le Prince lui-même, avec la défiance qui le caractérise envers ses ministres, lui aurait-il laissé ignorer le correctif?
Quoiqu’il en soit, le Cte Andrâssy n’est guère satisfait du ton évasif de la réponse de Belgrad. En causant avec Marinovitch qui vient de passer par Vienne pour se rendre en Serbie, le Ministre a établi entre les Princes Nicolas et Milan un parallèle tout en faveur du premier. Autant, a-t-il dit, il appréciait la sincérité des dispositions pacifiques que le Prince du Monténégro avait témoignées au Bon de Rodich et qui lui donnaient de nouveaux titres à la reconnaissance de l’Europe, autant il était peu édifié des circonlocutions de Belgrad. L’agent diplomatique d’Autriche serait chargé de dire au Prince Milan que les craintes d’une aggression (sic!) turque alléguées comme motif des armements serbes n’étaient qu’un prétexte, car il savait bien que les Puissances avaient toujours le pouvoir d’empêcher la Porte d’attaquer la Principauté; qu’en demandant à Son Altesse une déclaration plus catégorique en faveur de la paix, on lui réservait volontiers le mérite ostensible d’en avoir pris librement la sage initiative; mais que si le Gouvernement Serbe ne s’y prêtait pas spéculant sur un désaccord entre les Puissances, on pro voquerait une démarche collective de l'Europe pour lui faire comprendre qu'iil s’aventurait à ses risques et périls.
Ce langage, aprouvé par M. Marinovitch, m’a été répété mot pour mot par le Ministre des Affaires Etrangères d’Autriche.
АВПР, K-126. Novikow 138