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écrivains de l’antiquité ne nous ont laissé
que des notions confuses sur les premiers habitants de la région
de l’Atlas. Hérodote cite bien les noms d’une
foule de peuplades qui habitaient l’Afrique septentrionale;
mais il ne remonte pas à leur origine, et se borne à
rapporter les récits Fabuleux dont elles étaient
l’objet. La nomenclature de Strabon est moins vaste, et
ne renferme pas de meilleurs renseignements ; il ne nomme que
la célèbre oasis d’Ammonium et la nation
des Nasamons. Plus à l’occident, derrière
la région des Carthaginois et des Numides, il connaît
les Gétuliens, et après eux les Garamantes ; dans
une contrée qui n’a que mille stades de long, et
qui paraît être le Fezzan. Suivant Salluste, qui
s’appuie du témoignage de l’historien Carthaginois
Hiempsal, le nord de l’Afrique
fut d’abord occupé par les Libyens et par les Gétules
populations barbares, sans aucune forme de gouvernement et de
religion, se nourrissant d’herbe ou dévorant la
chair crue des animaux qu’ils tuaient à la chasse,
agrégation hétérogène d’individus
de races différentes; car parmi eux on trouvait à
la fois des noirs, probablement venus de l’Afrique intérieure
et appartenant à la grande famille des Nègres;
il y avait aussi des blancs, issus de la souche sémitique,
et qui formaient comme partout la population dominante. Puis,
à une époque absolument inconnue, un nouveau ban
d’Asiatiques, composé, dit Salluste, de Mèdes,
de Perses, d’Arméniens, envahit les contrées
de l’Atlas et poussa jusqu’en Espagne, à
la suite d’Hercule. Les Perses, se mêlant avec les
premiers habitants du littoral, formèrent le peuple numide
(province de Constantine et royaume de Tunis); de leur côté,
les Mèdes et les Arméniens, s’alliant aux
Libyens, plus rapprochés de l’Espagne, donnèrent
naissance à la race des Maures. Quant aux Gétules,
confinés dans les vallées du haut Atlas, ils repoussèrent
toute alliance et formèrent le noyau principal de ces
tribus restées rebelles à la civilisation étrangère,
qu’à l’imitation des Romains et des Arabes,
nous appelons les Berbères ou Barbares (Barbari, Bereber)
d’où est venu le nom d’états barbaresques
[La race des Berbères, entièrement distincte des
Arabes et des Maures, paraît indigène de l’Afrique
septentrionale; elle comprend les restes des anciens Gétuliens
à l’occident, et des Libyens à l’orient
de l’Atlas. Aujourd’hui elle forme quatre nations
distinctes : 1° les Amazygh, nommés par les Maures
Chillah ou Choullah, dans les montagnes marocaines; 2° les
Kabyles ou Kabaïles, dans les montagnes d’Alger et
de Tunis; 3° les Tibbons, dans le désert entre le
Fezzan et l’Égypte; 4° les Touarihs, dans le
grand désert. (MALTE-BRUN.)].
Au-dessous
de tous ces groupes compris eux-mêmes sous la dénomination
plus générale de Libyens, se présentaient
des associations de tribus moins importantes ; telles étaient,
en allant particulièrement de l’est à l’ouest,
les Maxyes, les Massiliens et les Massoesiliens, les Macoeens
et les Maurusiens; puis on trouvait sur les rives de la mer,
dans le pays aride et triste qui borde les deux Syrtes, ces
nations de mœurs bizarres, et presque complètement
sauvages, les Lotophages (à qui les fruits du lotus servaient
de nourriture et de boisson), et enfin les Psylles, les Nasamons.
Les
révolutions de l’Asie occidentale jetèrent,
après les Mèdes et les Perses, un nouveau flot
d’émigrants sur les plages atlantiques c’étaient,
suivant Procope, les malheureux débris des fils de Chanaan,
chassés de leur patrie par les armes victorieuses des
Hébreux. Procope, historien byzantin du VIe siècle,
qui avait perdu les traditions antérieures conservées
par Salluste et Varron, veut même faire des Cananéens
les premiers habitants de l’Afrique septentrionale. Il
affirme que, de son temps, on voyait encore à Tigisis
(Tedgis, dans l’Algérie) une colonne portant cette
inscription en langue phénicienne:
«
Nous sommes ceux qui ont fui devant le brigand Josué,
fils de Navé. »Quelque hasardée que puisse
paraître cette assertion l’émigration cananéenne
n’a rien d’invraisemblable ; elle est confirmée
par les traditions des Arabes et des Berbères, et diverses
tribus passent pour descendre, soit des Cananéens, soit
des Amalécites et des Arabes kouschites, ou Arabes primitifs
de la race de Cham (L’historien berbère Ibn-Khal-Doun,
qui écrivait au 11ye siècle, fait descendre tous
les Berbères d’un prétendu Ber, fils de
Mazigh, fils de Chanaan).
Quoi
qu’il en soit de toutes ces origines fort incertaines
et de ces hypothèses plus ou moins contestables, l’Afrique
septentrionale présente, dans sa constitution géognostique,
les deux zones qui ont déterminé, de l’orient
à l’occident, l’émigration des peuples
agriculteurs, et du sud-est au nord-ouest, celle des peuples
nomades. Aussi, de tout temps, deux races bien distinctes s’y
touchent sans se confondre: ce sont les nomades et les sédentaires.
L’antiquité groupait leurs innombrables tribus
sous la dénomination générale de Numides
et de Berbères; nous les désignons aujourd’hui
sous les noms d’Arabes et de Kabyles.

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