ANS les âges primitifs, les monstres du désert, les reptiles gigantesques de la zone équatoriale envahissaient la région de l’Atlas. Les uns et les antres ont disparu depuis bien des siècles, et nos soldats n’ont point, comme les légions romaines sur les rives du Bagrada, à diriger leurs machines de guerre contre les pythons géants. Toutefois il reste encore à l’Atlas de redoutables hôtes les rugissements du lion font encore retentir les gorges des montagnes d’Alger et de Tunis; la panthère tachetée se tapit dans les halliers, prête à dévorer le malencontreux voyageur qui y pénètre sans armes. Plusieurs espèces de tigres, l’once, le lynx, le caracal, exercent leurs ravages dans les vallées algériennes, et l’ours (ursus numidicus) apparaît, quoique très rarement, au milieu des sommets les plus solitaires du Grand-Atlas. La hyène hideuse dispute les cadavres aux vautours; le chacal erre par troupes au milieu de la campagne; le sanglier creuse sa bauge entre les joncs des marécages; la gazelle et le bubale promènent leur course rapide à travers les sables du pays des palmiers, tandis que diverses espèces de singes pénètrent, aux environs de Collo et de Stora, jusque dans les jardins et les vergers, pour y dévorer les fruits.

Quant aux animaux domestiques, on sait l’antique renommée du cheval numide. Oppien place la race des chevaux mauresques parmi celles qu’on estimait le plus de son temps, et Némésien, poète carthaginois du IIIe siècle, nous a laissé un portrait des individus de cette espèce qui a une grande analogie avec les chevaux actuels de l’Algérie. Suivant cet auteur, le cheval maure de pure race, né dans le Jurjura, n’a pas des formes élégantes: sa tête est peu gracieuse, son ventre renflé, sa crinière longue et rude; mais il est facile à manier, il n’a pas besoin de frein, et on le gouverne avec une verge. Rien n’égale sa rapidité: à mesure que la course l’échauffe, il acquiert de nouvelles forces et une plus grande vitesse; enfin, même dans un âge avancé, il conserve toute la vigueur de ses jeunes années. Aussi les anciens attachaient-ils un grand prix à ces animaux; ils leur donnaient à chacun un nom; ils conservaient leur généalogie, et lorsqu’ils venaient à mourir, on leur élevait des tombeaux chargés d’épitaphes. Aujourd’hui, la race des chevaux de Mauritanie a un peu dégénéré; il est difficile d’en trouver un véritablement beau, dit le colonel Pélissier ; mais, en les examinant attentivement, on reconnaît qu’avec quelques soins cette race est susceptible de se relever. La cause de cette dégénération provient sans contredit d’un fait que signale Poiret : c’est que les Arabes, préférant les juments aux chevaux, ne prennent aucun soin de ces derniers, et les accablent de travail et de mauvais traitements. Quelque longue que soit leur course, dit M. Baude les Arabes vont toujours au pas ou au galop, et le soir leurs chevaux ont la bouche en sang et le ventre ouvert par les longues fiches de fer qui servent d’éperons à leurs cavaliers.

Suivant Solin, c’était surtout dans les montagnes que les Numides élevaient leurs chevaux: Bekri vante la vigueur et la légèreté de ceux du mont Auras. Desfontaines a vu de belles races dans les plaines qui s’étendent à l’est du Jurjura, entre cette chaîne de montagnes et Constantine. C’est encore aux environs de cette ville qu’on trouve aujourd’hui les meilleurs chevaux de l’Algérie, depuis que le haras de la Rassauta a été détruit.

Après le cheval, l’animal le plus utile aux Arabes, par sa force, sa souplesse, sa vitesse dans la marche, sa patience infatigable, sa frugalité presque miraculeuse, c’est le chameau. Venu de l’Arabie avec les premières colonies asiatiques, cet animal s’est parfaitement acclimaté en Algérie et dans les états barbaresques. Jackson, Shaw, Dampierre, l’ont retrouvé à Tunis, à Maroc, à Tanger, à Mogador, rendant aux voyageurs et aux commerçants les plus grands services. Le chameau ne peut être employé comme bête de trait; mais pour le transport des voyageurs et des marchandises, il est sans pareil la race des coureurs, appelée heirie, est divisée en trois familles d’après la supériorité respective de leur marche : la talaye ne fait que trois journées d’homme en un jour; la sebaye en parcourt sept dans le même espace de temps; enfin la tasaye effectue en une seule journée neuf jours (le marche ordinaire. Pour peindre l’étonnante vitesse de ces animaux, les Arabes disent que les voyageurs qui les montent n’ont pas le temps de se saluer lorsqu’ils se rencontrent.

L’Algérie possède deux espèces d’ânes, dont une grande et robuste comme celle d’Égypte et de Perse; les moutons2 et les chèvres s’y trouvent en grand nombre; la race bovine y est petite et maigre, et donne peu de lait. Toutes les espèces de bétail abondent en Algérie; mais elles languissent, pour la plupart, dans un état d’abâtardissement, résultat inévitable dans un pays où les animaux domestiques vivent des chances incertaines des pâturages à l’époque des extrêmes chaleurs, et sont exposés pendant l’hiver à toutes les intempéries de la saison.

Disons un mot, en passant, de l’éléphant, cet animal plein d’intelligence et de courage, dont les Numides tiraient autrefois un si grand parti dans leurs guerres. Le Bournou est aujourd’hui le point le plus septentrional de l’Afrique où l’on trouve des éléphants. Il est constant, néanmoins, par le témoignage des anciens auteurs, qu’il en existait jadis dans la Byzacène et la Mauritanie, et que les Carthaginois en tiraient des forêts de l’intérieur de l’Afrique septentrionale (Aux preuves qu’a rassemblées M. Dugaste, pour établir ce fait, dans son savant Mémoire sur les éléphants, M. Dureau de La Malle en a ajouté d’autres qui ne sont pas moins décisives. “ Dans la dernière bataille livrée par Marius près de Cirta, contre les forces réunies de Jugurtha et de Bocchus, l’armée maure et numide était composée de soixante mille hommes, qui tous avaient des boucliers faits de peau d’éléphant. On peut se faire une idée, d’après ce chiffre, de la quantité de ces animaux que devaient contenir les forêts de la Numidie et de la Mauritanie).

On ne peut citer parmi les serpents, comme spéciaux à l’Algérie, que le tseban, qui paraît devoir être rapporté au genre python, le zarygh et le leffab; encore faut-il observer qu’ils appartiennent plus particulièrement à la région du sud. Sur les bords des ruisseaux on trouve des caméléons, plusieurs espèces de lézards, et des tortues de terre ou d’eau douce. Les oiseaux sont, à quelques variétés près, les mêmes que ceux d’Europe la pintade, originaire de Numidie, s’y rencontre en abondance, surtout aux environs de Constantine ; l’outarde affecte les lieux arides et inhabités; l’autruche ne se montre que dans le désert.

Parmi les insectes, l’abeille offre à l’homme ses précieux produits comme pour le dédommager de toutes les espèces malfaisantes qu’engendrent la chaleur et l’humidité. Un ennemi plus dangereux que les moustiques, les scorpions et les araignées, la sauterelle voyageuse, s’abat quelquefois par nuées dévastatrices sur le sol algérien, mais ses funestes irruptions, plus redoutées des peuples du Midi que la grêle et les ouragans dans nos contrées, sont peu fréquentes dans les régions de l’Atlas.

Les poissons de mer et d’eau douce de l’Afrique septentrionale sont de la même espèce que ceux des côtes et des rivières de Provence les coraux et les éponges, que l’ont trouve en abondance près de Bône et de la Calle, sont les seuls zoophytes qui distinguent les parages de l’Algérie.