Le Pont Vieux :

e pont gothique, aujourd'hui appelé "pont vieux" est l'élément architectural et représentatif le plus important pour Saint-Félix. On ne connaît pas la date de son érection : on pense, à cause de son appellation de "pont des Anglais" et des documents (notamment un acte de 1320) qui mentionnent sa présence, qu'il daterait de la fin XIIIème siècle-début XIVème. Il se substitua certainement à une passerelle en planche, et consolida les rapports entre les communautés de Saint-Caprazy et Saint-Félix. Plus globalement, c'était un ouvrage majeur sur le chemin de Millau à Camarès, qui faisait le lien entre plusieurs Maisons Hospitalières (Millau, La Bastide Pradines, Le Viala du Pas de Jaux, la grange de Mascourbe, Saint-Félix, la grange de Drulhe, Prugnes).

oici comment il est décrit dans un ouvrage de référence sur les ponts aveyronnais :

"Le pont de Saint-Félix est un des plus beaux et plus intéressants ouvrages de la vallée de la Sorgue où se perpétua longtemps l'usage des ponts en bois. Long de près de 70m, en dos d'âne dissymétrique de fait de la longue rampe de la rive droite : il comprend trois arches en plein cintre ou en arc de cercle peu surbaissé, d'ouverture croissante de la rive droite à la rive gauche. La grande arche est encadrée par des piles épaisses à avant-becs triangulaires et à arrière-becs à talons, les uns et les autres se transformant en refuge au niveau de la chaussée. La maçonnerie est soignée, les voûtes, bien appareillées, sont à bandeaux extradossés. L'ouvrage certainement médiéval peut remonter au XIVème siècle."

En effet, et comme on a pu le vérifier au cours d'une récente plongée de contrôle, le noyau des piles du pont est en bois, ce qui rajoute à son intérêt.

La rampe de la rive droite

ans un fascicule sur "Les ponts du Rouergue", Jean Delmas attribue la présence de ces ouvrages d'art, de ces "ponts à grande arche", aux maisons religieuses installées à proximité. Cette constatation est certainement applicable à cet édifice, car Saint-Félix se trouvait sous la gestion des commandeurs de l’Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem En effet, pour l'époque, la construction d'un pont comme celui-ci représentait un coût important, et ce n'est pas la communauté saint-félicienne qui aurait pu, seule, le prendre en charge. Dans son livret, Jean Delmas date aussi le pont de Saint-Félix de la fin XIIIème siècle-début XIVème, et le classe dans la catégorie des ponts "à arrière-becs rectangulaires". Il rajoute par rapport à la description ci-dessus que "l'appareil des piles et des tympans est régulier ; celui du parapet est moins soigné. Mais les pierres du bahut s'emboîtent par tenon et mortaise. Légère plinthe visible au-dessus de la grande arche. A l'origine, la pente était plus accentuée du côté de la rive droite, car on a exhaussé la rampe pour atténuer la pente. Vestige d'une croix de fonte sur le parapet au-dessus de la première arche, côté aval."

Détail de l'emboîtement par tenon et mortaise - Base de la croix en fer disparue

l apparaît que ce pont est classé à "l'Inventaire des Monuments Historiques" depuis le 13 avril 1944, et non classé "Monuments Historiques" comme certains pensent, ce qui constitue une grande différence en ce qui concerne sa restauration. En effet, s'il était classé Monument Historique, son entretien et sa restauration relèveraient pour grande part des "Monuments Historiques". Pour l'heure, c'est un ouvrage communal dont l'entretien relève de la mairie de Saint-Félix.

malte RESTAURATION DU PONT-VIEUX SUITE A LA CRUE DE NOVEMBRE 2014 malte


CRUE DU 28 NOVEMBRE 2014 :

Si l'on pouvait se réjouir que les violents épisodes orageux n'avaient pas causés de victimes dans le Sud-Aveyron, contrairement à d’autres régions, ils avaient occasionné de lourds dégâts matériels dans la vallée de la Sorgues, particulièrement à Saint-Affrique. En ce qui nous concerne, à Saint-Félix, certaines demeures furent sévèrement touchées (les deux moulins et la maison Bessière) ainsi que les champs mis en culture des bords de Sorgues.

De plus, une grande partie du mur de soutènement de la rampe d'accès du Pont Vieux s'était effondrée. Il est vrai, qu’au regard des dommages précédemment évoqués, cela doit être relativisé, ce pont n'ayant plus d'utilité publique : remplacé par le pont-neuf à la fin du 19ème siècle, il est, en outre, fermé à la circulation depuis quelques années, pour question de sécurité.

dommages


Mais cela n'en reste pas moins un symbole fort du passé de Saint-Félix unissant les deux rives, qui avait résisté à toutes les crues depuis près de 800 ans ! Des générations de saint-féliciens ont bénéficié d'abord de son utilité, puis de son esthétique...

Quelques photos des dommages :

Eboulement d'une partie de la rampe d'accès coté Nord-Ouest

Notes : On remarque le long des pointillés rouge, qu'une partie de l'ancienne chaussée du pont est rendu visible par l'éboulement. Cette chaussée fut utilisée jusqu'à ce que la rampe ne soit réhaussée afin d'atténuer la pente (voir plus haut).

Déchaussement des piles de l'arche Nord - Perte de pierres constituant la voûte de l'arche Nord

 

Les Moulins et le Canal :

es moulins étaient nombreux dans la vallée de la Sorgue : L'énergie hydraulique de la rivière était bien exploitée et ces moulins, polyvalents en fonction de l'époque et des besoins, étaient tour à tour drapier (foulon), à blé (bladier) et à huile. Un texte daté de 1733, conservé aux archives départementales de l’Aveyron, nous apprend qu’il y avait quatre moulins le long de la Sorgue, à Saint-Félix. « Le moulin dit de la ville, le moulin dit de fabre, le moulin foulon dit de dedres, et le moulin foulon situé au tènement dit du vouibre » (Ce dernier étant bâti peu de temps avant la date de l’acte). Aujourd’hui il reste seulement deux moulins qui ont perdus leurs fonctions hydrauliques et ont été transformés en maisons d’habitations.

out d’abord, le Moulin du Pont (qui eut pour fonction simultanément ou à différentes périodes, de moulin bladier, foulon et scierie) appelé plus tardivement moulin de Tournier, du nom d'une riche famille protestante qui s'y installa au 19ème siècle, nous montre que la Sorgue a peut-être changé son cours et ne coule plus dans la même arche du pont (à moins qu'il ne fut lui aussi alimenté par un canal rive gauche). Transformé en habitation depuis longtemps, il ne garde presque plus de vestiges de sa fonction d’antan.



Le moulin du pont –Une meule de moulin à huile.


nsuite, nous connaissons bien le moulin de Clavel jadis appelé "Moulin de la Ville" car il servait à toute la communauté. Un moulin est cité dans un acte de 1126 concernant Saint-Félix, il pourrait s'agir de celui-ci, mais dans tous les cas un acte de 1416, le décrit déjà en grande activité, ce qui pourrait le faire remonter au moins au 14ème siècle. Il était alimenté par un "béal ou besal", un canal qui prenait sa source à une déviation de la Sorgue (chaussée que l’on appelle «payssière» en occitan) située à hauteur de Barbayrou. On retrouve quelques parties de ce canal aujourd'hui (entre les deux ponts, le long de la haie nord du "pré long") et il devait être suffisamment profond pour qu’un enfant de 6 ans puisse s’y noyer en 1695. L’arrivée de ce canal au niveau du moulin s’élargit en entonnoir au point de se terminer par une grande pièce voûtée assez remarquable, servant certainement de réservoir. Il semblerait que la roue (rodet à cuillers) soit horizontale, car l’aménagement intérieur ne prouve en rien le contraire. Les « enfers » (pièces noyées situées au-dessous du moulin où trempaient les roues d’entraînement) sont encore bien conservés. Le canal d’évacuation a été récemment redécouvert lors des travaux des nouveaux propriétaires. Un bâtiment connu comme étant une scierie est situé au sud-est du moulin, de l'autre côté de la voie d'accès à ce dernier. Il est de forme rectangulaire, très allongé du Nord au Sud et un dégagement de celui-ci permettrait de mieux appréhender son rôle. La façade Sud du moulin comporte sur la gauche un balcon couvert par la toiture, dont le style assez particulier ne se retrouve pas dans la région.



Vestiges du canal suivant le "pré long" jusqu'au moulin de la Ville

n autre canal, qui prenait sa déviation sur l'Annou juste au-dessus de la chapelle Saint-Amans, traversait le ruisseau de Barbaïrou sur un petit pont-canal (voir photo ci-dessous), pour alimenter une magnanerie située à Barbaïrou. (Le nom de "Barbaïrou" doit peut-être son origine à la profession du propriétaire des terres alentours au XVème siècle : il était le barbier de Nonenque et s'appelait Peyre Roca. En occitan, barbier se dit "barbaïre", la terminaison en -ou- désignant certainement une personne de petite taille, ou bien le fils du barbier.) On distingue encore les arrivées et départs du canal de chaque côté de ce pont, disparaissant sous la terre des champs attenants. La magnanerie de Barabaïrou fut aménagé par Mathieu Maynau (famille Jugla), qui adjoint à la modeste métairie existante, une bergerie moderne en 1861 (bâtiment encore visible aujourd'hui le long de la route). Mais il réalise surtout le canal d'irrigation dont on vient d'évoquer les vestiges, entre 1861 et 1864, afin de mettre en place une magnanerie (élevage de vers à soie), marquant le virage entre activités agricoles et activités industrielles à Saint-Félix, même si cette activité ne perdurera que peu de temps.



Le pont canal enjambant le ruisseau de Barbaïrou, alimentant une magnanerie
située à Barbayrou - Martelière sur le pont canal : un système de trappe permettait de réguler le flux
ou de le diriger vers le ruisseau au besoin

Le Bois :

a forêt de Saint-Félix ne date pas d'hier : la première mention dans les archives remonte à 1320. Elle fut l'objet d'un très long procès qui opposera la communauté saint-félicienne et le commandeur. Et la communauté a gagné : le bois est aujourd'hui communal et géré pour la commune par un garde forestier de l'Office National des Eaux et Forêts. Voici, énoncés ci-après, les principaux épisodes qui ont marqués la vie de la forêt de Saint-Félix.

Le bois vu de Saint-Félix : communal depuis bien longtemps

6 AVRIL 1320:

Pierre Bernard de GOURDON, commandeur et seigneur de SAINT FÉLIX DE VAL SORGUE , chevalier de l’ordre de SAINT JEAN DE JÉRUSALEM, baille, loue et concède aux habitants l’entier territoire appelé "BOIS DE GINESTOUS".

Chacun des dits habitants prendra et recevra du bois sec et gâté seulement toutes et quantes fois qu’il leur plaira, item que toute la communauté et un chacun d’icelle puisse avoir et prendre des arbres et fustes pour construire et édifier des maisons et pour d’autres choses d’ouvrages de menuisiers, mais avec la connaissance toutefois de ceux qui sont commis pour le gouvernement du bois, à laquelle permission nous et nos successeurs les devons accorder…

La communauté doit acquitter une cense annuelle de 35 sétiers froment bon et beaux deux jours avant la fête de SAINT MICHEL (environ 53 quintaux).

20 AVRIL 1410 :

Transaction entre le commandeur et les habitants qui ratifie et confirme le bail emphytéotique de 1320.

25 AVRIL 1545 :

Nouvelle transaction entre la commanderie (SAINT ANTOINE JOANNI DE PENNES) et les habitants.

23 AOÛT 1562 :

Arrêt qui déclare le BOIS DE GINESTOUS appartenir à la commanderie de SAINT FÉLIX.

12 SEPTEMBRE 1630 :

Reconnaissance par les habitants au Commandeur (Messire Jacques de GLAUDENS CUJES).

5 MAI 1670 :

Jugement souverain rendu par le Grand Maître Enquêteur et Général réformateur des EAUX et FORÊTS qui maintient le commandeur de SAINT FÉLIX en la propriété du BOIS DE GINESTOUS et les habitants en la faculté exprimée par l’acte de 1320.

5 JANVIER 1677 :

Reconnaissance féodale faite par les consuls de SAINT FÉLIX au commandeur (Jean-Paul de LASCARIS).

1er JUIN 1696 :

Sentence de la maîtrise des EAUX et FORÊTS pour les bois de SAINT-FÉLIX.

16 JUIN 1719 :

Reconnaissance du Consul de SAINT FÉLIX en faveur du commandeur pour les bois de GINESTOUS et du BRUEL.

5 JUIN 1745 :

Arrêt du Conseil qui permet à l’ordre de SAINT JEAN DE JÉRUSALEM de faire des coupes.

Le P.V. d’estimation du 14 Octobre 1746 indique qu’il a été réservé 10 arbres par arpents et que la coupe porte sur 104 arpents (environ 53 ha) soit la totalité du Q.R., estimée à 5 livres l’arpent.

5 NOVEMBRE 1757 :

P.V. et ordonnance d’aménagement du bois de la commanderie de SAINT FÉLIX DE SORGUE. Constitution de 25 coupons et d’un Q.R., représentant 417 arpents de 44 perches (environ 213 ha).

27 SEPTEMBRE 1770 :

Arrêt du Parlement de TOULOUSE qui maintient la commune en l’exercice des droits, facultés et usages accordés jusqu’alors et défend au commandeur (Messire de CONDUTY de MALIJAC) d’y porter aucun trouble.

10 JUIN 1793 :

Loi portant réunion des propriétés à l’ordre de MALTE au domaine de l’Etat.

12 FRUCTIDOR AN III (1794) :

Sentence arbitrale entre le Procureur Général du Département de l’Aveyron et la commune, qui la maintient en la propriété et possession des bois de GINESTOUS et du BRUEL.

25 JANVIER 1812 :

Mémoire en forme de requête adressé au Conseil de Préfecture par le sous inspecteur des forêts (M. BOUTET).

8 DÉCEMBRE 1814 – 17 JANVIER 1815 :

Copie et signification du P.V. de prise de possession du bois de GINESTOUS par l’administration des forêts.

1816-1836 :

Nombreuses correspondances, actes de protestation, citations devant les tribunaux sur la question de la propriété du BOIS DE GINESTOUS.

17 MAI 1836 :

Décision définitive et irrévocable de la Cour Royale de Montpellier qui maintient la commune en la propriété des BOIS de GINESTOUS et du BRUEL.

(Document aimablement prêté par Philippe LAGARDE, ancien garde-forestier de Saint-Félix)

 

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