i à partir du XIIème siècle, nous avons une meilleure connaissance de l'histoire du village de Saint-Félix, peu d'éléments nous permettent de préciser son origine et son évolution dans les siècles qui précèdent. Cependant, suite à la récente redécouverte d'un texte de 1126, nous savons que Saint-Félix est bien implanté avant même l'installation du siège de la commanderie hospitalière, qui interviendra vers 1150.
Quelques actes primitifs du cartulaire de Sylvanès, concernent des donations faites à l'abbaye par Bernard et Raymond de Saint-Félix en 1136, 1140 et 1144 c'est à dire avant l'installation présumée de la commanderie. Sachant que Raymond de Saint-Félix est cité comme frère de Bernard Raymond de Saint-Caprazy, et en prenant en compte les lieux et les personnes cités comme témoins, les membres de cette famille de Saint-Félix sont bien les seigneurs du Saint-Félix qui nous concerne.
En l'absence d’apports archéologiques significatifs, nous nous sommes tournés vers la toponymie et l'étude de textes particuliers, afin de voir si ceux-ci peuvent nous permettre d'envisager des hypothèses sur l'origine du village. Tout d'abord, en analysant le choix-même du nom de Saint-Félix, mais aussi par l'étude d'un terme bien particulier apparaissant dans deux textes du XIIème siècle alors qu'il désigne une entité territoriale bien antérieure : la «curtis» de Saint-Félix.
La fontaine : aujourd'hui, de l'eau "d'agrément"
; au moyen-âge, un point crucial,
indispensable à l'installation d'une communauté
i Saint-Félix s'apelle ainsi, il le doit à une dédicace de son lieu de culte remontant peut-être aux origines de sa christianisation. Trois éléments nous permettent de déduire que le saint-félix qui nous concerne est bien le saint honoré à Gérone, en Catalogne.
Trainé dans les rues de Gérone par des chevaux - Retable de l'église de Saint-Félix à Gérone
ans le récit de la vie de Saint Félix, celui-ci est associé à Saint Cucuphat, car ils seraient tous les deux nés en Afrique du Nord près de Carthage, à Scilla, et auraient traversé ensemble la mer à la fin du IIIe siècle pour aller évangéliser la Catalogne. C'était l'époque des grandes persécutions des années 303 et 304, et Dacien, proconsul romain des provinces de la péninsule ibérique et de l'Aquitaine, fait appliquer avec zèle les ordres de Rome et de l'empereur Dioclétien. Saint Félix, auteur de nombreuses conversions à Gérone, fut arrêté et supplicié par ordre de Dacien, sauvé chaque fois de la mort par un ange, par exemple lorsqu'on le traîna dans les rues de la ville lié à des chevaux sauvages (certains récits parlent d'une mule), ou encore lorsqu'on le jeta à la mer attaché à une meule de moulin (lieu justement nommé aujourd'hui Sant Feliu de Guixols, à une trentaine de kilomètres de Gérone, sur la Costa Brava en Espagne). Pour finir, on lui déchira les chairs avec des crochets de fer, supplice qui semble avoir entraîné sa mort, que l'on situe vers l'an 304.
Supplice du peigne à carder - Retable de l'église de Saint-Félix à Gérone
a "curtis" de Saint-Félix
Les termes de « curte » et « curia » apparaissent dans deux documents concernant Saint-Félix :
Le premier est le texte de donation originelle du site à l'Ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Par des lettres adressées aux fidèles (omnibus fidelibus), l'évêque de Rodez Pierre, (officiant entre 1146 et 1165), annonce que Pierre de Caylus, pour obtenir la clémence du souverain-juge, a donné en sa présence, aux pauvres de l'Hôpital de Jérusalem « tout ce qu'il avait dans la curtis de Saint-Félix ». L'évêque lui-même, « prenant lui aussi à sa mesure souci des pauvres du christ », donne l'église et toutes ses dépendances en se réservant pourtant le choix du curé .
Le second acte date de 1177, il s'agit d'une donation par Arnal d'Albannac (il doit s'agir de la ferme actuelle d'Albagnac, situé entre Montagnol et Cénomes) à l'Hôpital de Saint-Félix de toute la dîme de la paroisse de St-Pierre et ce qu'ils ont sur l'alleu et la curia de St-Félix.
Ces deux mots sont traduits par les spécialistes et par le contexte, par le terme « curtis » et ne peuvent donc être confondus avec la « cura animarum » (expression également cité dans le premier acte) signifiant « charge d'âme » et qui correspond à la cure, c'est à dire à la responsabilité spirituelle d'une paroisse relevant d'un curé.
Nous avons essayé de synthétiser les nombreuses définitions du mot curtis rencontrées dans nos recherches afin d'en retirer le sens paraissant correspondre le mieux au contexte :
Pendant la période carolingienne, une curtis est un centre domanial agricole, c'est-à-dire le lieu d'administration d'un domaine constitué de terres et de mas, pouvant être composé d'un logis seigneurial (appelé « casa dominicaria »), de bâtiments annexes concernant l’activité agricole (granges, celliers, écuries, étables, bergeries, porcheries, moulins, pressoirs...), d'une cour (d'où les termes latins « curte, curtis ou curia ») souvent entourée par une enceinte. Le terme est utilisé dans les textes rouergats entre le VIIIème et le Xème siècle selon F. de Gournay qui nous expose une situation du système domanial carolingien hiérarchisé sur trois niveaux (curtis, villae et manses). Dans cette répartition, la curtis est un domaine complexe pouvant être dispersé sur plusieurs terroirs, et dont le centre est constitué par la casa dominicaria, la réserve (terres réservées au maître) et la villa, dans le sens du terroir sur lequel la curtis est installé.