DOCUMENT N°2
La commanderie des Hospitaliers de La Bastide de Sernonenque, qui dépendait de la maison-mère de St-Félix de Valsorgue, avait aménagé au XIIIème siècle un chemin direct reliant les deux localités. Ce chemin est connu dans le pays comme la « voie romaine », dénomination qui s’applique plus spécialement au secteur compris entre le Cernon et l’accès au Larzac, en direction du Sud. Mais plus anciennement, notamment du XIVème au XVIIIème siècle, le même secteur était appelé Carrière Cave, c’est-à-dire « chemin creux », expression qui traduit fort bien le fait que dans le quart supérieur de la côte son tracé, souvent constitué par une chaussée pavée, se faufile, en décrivant six tournants successifs dans un dédale de rochers dolomitiques qui par endroits la surplombent de plusieurs mètres.
Ainsi en témoignent les Registres de Reconnaissances de 1334 (Carrieyra Cava…versus Sanctum Felicem » Carrière Cave… en direction de St-Félix ») et de 1420 (Carriera Cava, iter puplicum quo itur versus la Calm » Carrière Cave, voie publique allant au Larzac ») rédigés en latin ; ensuite celui de 1533 (a la honor de Carrieyra Cava » au domaine de Carrière Cave ») rédigé en langue d’oc ; enfin ceux de 1578 (Carrière Cave confrontant du couchant le chemin qui conduict au Villar de Pas de Jaux), de 1631 (chemin de Carrière Cave allant dudict La Bastide au Viala) et de 1774 (Carrière Cave), tous trois rédigés en français. Ces six registres peuvent être consultés au Fonds de Malte des archives départementales de Toulouse, où est rassemblé l’essentiel de la documentation historique concernant les Templiers et les Hospitaliers du Languedoc. Les différents lieux de destination qui y sont mentionnés expriment le fait que ce chemin, partant de La Bastide, montait sur le Larzac (La Calm désigne le Devèze actuelle), passait au Viala du Pas de Jaux et aboutissait à St-Félix par Caussanus et Mascourbe.
La date du XIIIème siècle, proposée plus haut, est basée sur le fait qu’une charte de 1287 donne des détails sur le peuplement à cette époque de l’ubac de la vallée du Cernon, aujourd’hui dépeuplé. On y apprend l’existence des mas de Rocairolas et de Pueig Vinnho (lieux-dits actuels de Roucayrolles et de Puech Vignou) ainsi que d’une tour portant le premier de ces noms. Or cette tour dont le souvenir a été conservé par les registres de 1420 (Bals de la Tor « rochers de la tour »), de 1533 (als bals de la Tor sive a la payssieyra « aux rochers de la tour autrement dit à la chaussée du moulin ») et de 1774 (bal de la tour), était effectivement bâtie sur un grand rocher qui domine le pont du Cernon, pont mentionné pour la première fois en 1420 (a ponte Sernonis versus castrum " depuis le pont du Cernon en direction du château de La Bastide »). Elle commandait ainsi la Voie de Carrière Cave qui passe à une centaine de mètres à l’ouest de son emplacement dont on voit encore quelques traces.
Le récent aménagement d’un chemin carrossable menant jusqu’à la source du Clarou permet non seulement d’accéder plus facilement au secteur le mieux conservé de Carrière Cave, mais aussi de parcourir un circuit pittoresque qui, après la montée dans les lacets ombragé de hêtres, conduit à une descente directe du plateau à la source, à partir du rocher du Lion. Ce chemin abrupt, qui suit exactement la limite séparant les communes de La Bastide et de Tournemire, est une ancienne passade, c’est-à-dire un chemin de troupeaux ou draye, qui était ainsi mentionné en 1772 dans un procès-verbal d’arpentage : passade commune aux habitants de La Bastide et de Tournemire, servant pour aller abreuver les bestiaux de ces derniers à la fontaine de Clare et aux premiers de faire monter les leurs sur la montagne.
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