DOCUMENT N°1

VISITE DE LA BASTIDE-PRADINES

 

Le monument le plus ancien, propriété privée dont on ne peut faire le tour à partir de la Place, en suivant la rue du Barri, est le Castel-Granyeras, grenier fortifié de l’Ordre militaire des Hospitaliers, appelés aussi Chevaliers de Malte, qui s’installèrent en 1221 dans une ancienne possession du Comte de Rodez, alors dénommée La Bastide de Sernonenque. Cette bastide, c’est à dire ce bâtiment fortifié, édifié sur un promontoire rocheux dominant la vallée du Cernon, était, semble-t-il, un poste de péage contrôlant une route qu’un texte de 1237 appelait la carreira antiga que passa per la ribeira de Serno. Comme on le voit de l’extérieur, il s’agit d’une tour rectangulaire qui était défendue aux angles Nord-Est et Sud-Ouest par deux échauguettes qui ont entre-temps disparu mais dont on distingue encore l’emplacement. Sur la face Sud, on aperçoit les montants d’une bretèche qui défendait la porte d’entrée de l’étage inférieur et sur la face Ouest, à l’étage supérieur, des latrines intactes. Enfin, coté Nord, en suivant le pied du rempart qui entourait l’ensemble du château, on remarque des traces de meurtrières étroites ainsi que l’arrondi de l’angle Nord-Est.

On revient ainsi sur la Place où se dresse l’église qui avant sa réfection au siècle dernier n’était que la chapelle du château. Le centre paroissial se trouvait autrefois à Saint-Pierre de Gourjas, hameau situé au Nord-Ouest du chef-lieu actuel, de l’autre coté du ravin de Merdaric. Le chemin muletier qui y mène s’appelait au XVIIème siècle le chemin des morts, car c’est à Saint-Pierre que l’on enterrait tous les habitants de la communauté, comme en témoignent deux croix discoïdales et une croix latine à insignes de métier, conservées sous le porche d’entrée de cette belle église à clocher-mur. Plus tard, deux autres cimetières ont été aménagés dont le dernier est situé au quartier de Pradines, non loin de l’emplacement d’un vieux village remontant à l’époque romaine : ce nom, qui signifie « les ruines », est resté attaché, à partir de 1256, à celui de la Bastide.

Dans la rue principale, côté Nord, une vieille porte, surmontée d’un blason, attire l’attention. C’est là qu’habitait au XVIIème siècle le viguier Pierre Carle qui rendait la justice au nom du commandeur et administrait ses biens : viguier en la Justice Ordinaire du lieu de La Bastide-Pradines et fermier du Seigneur Commandeur dudit lieu. On lit sur la pierre IESUS MARIA 1648 et les initiales P C inscrites dans un cœur surmonté d’une croix. Le bois de la porte, parfaitement ouvragé, est bien conservé.

En revenant sur la Place, côté Sud, on remarque l’entrée d’une grande maison dont les armoiries ont disparus de l’emplacement qui était prévu pour elles. C’est la demeure que le notaire royal Antoine Gasc fit construire vers la fin du XVIIème siècle : sa Maison Neuve est mentionnée en 1694. Auparavant, ce même notaire, dont les précieux registres sont conservés aux Archives Départementales de Rodez, habitait rue du Barri dans une maison beaucoup plus modeste (troisième à gauche) qui présente encore quelques vestiges du XVIème siècle : porte d’entrée et fenêtre de la façade Est. Les armoiries manquantes de la nouvelle résidence du notaire Gasc sont probablement celles qui furent attribuées au XVIIIème siècle à l’un de ses descendante anobli qui s’appelait en 1757 Jean Antoine de Gasc, seigneur de Gineste, conseiller, secrétaire du Roy en la chancellerie près le Parlement de Toulouse, mais dont le nom, qui était encore le 27 novembre 1789 Messire Jean Antoine Gasc de laGineste, fut par la suite raccourci en Jean Antoine Gasc Lagisneste en même temps sans doute que ses armoiries furent martelées, parce que nobles, tandis que celles de Pierre Carle, le viguier du Commandeur, furent épargnées.

Enfin, les amateurs de marche à pied et de voies anciennes peuvent accéder au-delà de la rivière à un splendide chemin muletier qui fut tracé par les Hospitaliers pour relier la Commanderie de La Bastide-Pradines à la maison-mère de St-Félix de Valsorgue en passant par Le Viala du Pas de Jaux, où les mêmes Hospitaliers, successeurs de ce lieu des Templiers de Ste-Eulalie de Larzac, édifièrent au XVème siècle un autre grenier fortifié. Cette voie médiévale authentique, dont le vrai nom est Carrière Cave, c’est-à-dire « chemin encaissé » décrit six tournants dans un terrain tourmenté, boisé de hêtres avant d’accéder sur le plateau, où, du haut d’un grand rocher en forme d’un Lion accroupi jouant avec un Rat, on peut contempler l’ensemble du village, fièrement juché sur son éperon abrupt.

Nota Bene – Pour les promeneurs qui utilisent dans leurs randonnées les cartes IGN au 1/25000e qui sont topographiquement plus exactes que les anciennes cartes dites d’Etat Major, soulignons que la nomenclature toponymique de ces nouvelles cartes, notamment pour la commune de La Bastide-Pradines (feuilles 2541 Est et Ouest) est défectueuses. C’est ainsi que le hameau de St-Pierre de Gourjas est nommé « St-Pierre de Gourgeas », que la ferme de Maluserne, qui était anciennement Maisous Hermes, c’est-à-dire maisons abandonnées (allusion aux ruines gallo-romaines de Toungari), est devenue « Malhuserne ». Et que la cave à fromage dite Cave Martial (du nom d’un de ses propriétaires) a été affublée d’un anthroponyme américain mal digéré, pour être désormais officiellement notée sous la graphie grotesque de Cave Marshals !

Quant à la carte touristique qui s’intitule Le Larzac des Templiers, elle attribue faussement aux Chevaliers de cet Ordre la construction de monuments qui sont historiquement étrangers. On sait en effet que la « Tour de La Bastide-Pradine » (sic) a été bâtie par les Hospitaliers, comme d’ailleurs la Tour du Viala du Pas de Jaux ou les fortifications urbaines de Ste-Eulalie, La Cavalerie et La Courvertoirade. Sans parler du splendide Fort rectangulaire de St-Jean d’Alcas, à 5 km au sud de Roquefort, qui est l’œuvre de l’Abbaye de Nonenque.

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