Elevage et Agriculture
Une particularité toponymique du Brusquès me parait être la fréquence des lieux-dits " Las Ayres, Aïres ou Airette " désignant, tout autant que les emplacements de battage dans les localités, de vastes étendues, non boisées, généralement situées en montagne , sur des sommets arrondis ou des cols très ouverts, par exemple, Le Sarral des Ayres à 900 m ,au dessus du village d'Arnac, ou bien à la jonction des trois paroisses de Tauriac, La Roque et Brusque, à une altitude de 700/800 m, ou sur les pentes occidentales (800/1000 m vers Mourèze) ou orientales du Merdelou (au dessus de Cribas à 634 m) ou encore à la naissance (663m) du ruisseau du Foulinatge, aux limites de Brusque et Fayet .
On peut déceler, dans cet usage particulier du mot " Aires " la confirmation de la vocation de cette partie de la chaîne des Cévennes méridionales (voir ses particularités climatiques), à devenir dès le Haut-Moyen-Age, et peut-être avant, le séjour d'estive de proximité, pour les troupeaux du Languedoc.D'autres indices subsistent de cette tradition de transhumance :
- les vestiges d'une draille, encore visibles sur quatre kilomètres du pied du Merdelou, en direction de Barre ;
- l'application des abbayes de Joncels, Aniane/Gellone, St Pons de Thomières, Villemagne à rechercher pour leurs troupeaux, des établissements annexes, dans notre viguerie.
L'accroissement de la population autochtone a ensuite provoqué, la multiplication progressive des petits troupeaux locaux utilisant, à leur profit, ces " aires " herbages, pâturages et eaux , déjà évoqués ci-dessus, à propos des concessions de Raymond VII " aux hommes du lieu de Brusque et communauté d'icelluy lieu "
Si bien qu'aux abords de la Révolution, presque tous les habitants de la communauté étaient, directement ou indirectement, détenteurs d'un petit troupeau ( brebis, vaches, porcs, bêtes de somme), notamment
- les notables, dont les capitaux s'investissaient dans des métairies ou prairies, comme celle - dite de Savignac - aux portes de Brusque.
- les artisans, marchands, que leur activité principale ne dispensait pas de l'entretien de quelques bêtes, ne serait ce que les porcs pour la consommation familiale,
- les brassiers ou bergers, dont les conditions d'embauche comportaient, soit l'incorporation de quelques unités, dans le troupeau du " pagès ", soit le payement en nature.
Les propriétaires des plus petits troupeaux regroupaient collectivement leurs animaux et les confiaient à un gardien, ainsi que cela est décrit dans un acte de 1670 de Me Conget, notaire à Brusque : " bail à garder les pourceaux, dans le bois de Maravable ",concèdé à un porcher moyennant " 6 s par pourceau, dans la limite de 100 têtes "
Peut être, aussi, étaient d'usage collectif les lieux-dits " Boutounieyral " que l'on retrouve, dans les compois à Cusses, à Cribas et ailleurs, dont la racine occitane : Boutou ( 179 ) désigne la ruche, complément essentiel de la vie domestique d'autrefois, alors que le miel était le produit sucrant presqu'exclusif et la cire transformée en chandelles un moyen d'éclairage, plus répandu que le " calel "En complément des produits de l'élevage (viande, lait, miel, œufs, cire, toisons, cuirs et peaux, fumiers), ont été confirmées grâce à l'enquête de 1552 (cf ci-dessus), les capacités agricoles de notre " fertile pays de blés et vins, fruitiers..." ,en précisant toutefois ,que dans le vocabulaire de l'époque , l'expression " blés, ou bleds " s'appliquait à toutes les céréales, non seulement au froment, peu adapté à nos terres majoritairement acides (schistes), mais tout autant aux seigles, avoines, méteils, paumelles.
A propos des " fruitiers ", il faut souligner l'aptitude des versants de nos vallées à l'implantation des châtaigneraies, et leur importance dans l'alimentation si bien que la plupart des " oustals " disposaient d'un " secadou " : séchoir à châtaignes, permettant une conservation de longue durée .
A ce sujet, je garde le souvenir d'une des premières promenades, de mon enfance qui m'emmenait à la " châtaigneraie des pauvres ", parfaitement entretenue et dernier vestige des biens de l'hôpital de Fayet, maintenant disparue, non loin du village en direction de Méjanel.Dans nos actes consulaires ,il est fait également une allusion, malheureusement très laconique " à la pépinière de La Roque " qui aurait bien pu approvisionner en plants toute la communauté !
L'autre arbre fruitier, indispensable à la vie de nos arrière-grands parents, c'était le noyer - franc de pied - planté en limite de parcelle ou en bordure des " béals " d'irrigation : ils tiraient de ses fruits, non seulement leur huile de table, mais celle qui approvisionnait leurs " calels " d'éclairage, et " l'ensimage " des toisons, indispensable après lavage pour faciliter leur cardage.Quant aux vignes, reléguées dans les " travers " ou les " faïsses " cultivées en terrasses, elles occupaient quand c'était possible les versants exposés au midi, mais on trouve sur les anciens cadastres des parcelles dénommées : " Vignal ", comme entre Vialles et Castelnouvel, ou entre Castelnouvel et Cussettes, situées à l'exposition du levant et en bordure du Dourdou, ce qui suppose un court ensoleillement, que n'admettraient pas les cépages actuels. Il faut donc supposer que les vignes autochtones d'avant le phylloxéra avaient des aptitudes différentes de celles des plants contemporains.
Dans le domaine des boissons courantes, le cidre était vraisemblablement connu de nos prédécesseurs, mais n'a guère laissé de traces dans leurs délibérations ou contrats ; tout au plus peut-on citer le lieu-dit " La Pomarède " en bordure de la Nuéjouls et " Préssouyres " sur le Sanctus qui pourraient évoquer la production de cette boisson !Très présente dans notre terroir on pouvait constater la reproduction spontanée de pruniers-francs, appelés localement " tognes ", produisant de gros fruits rouges, ayant l'aspect de la prune d'ente et supportant parfaitement le séchage, comme le châtaignon, pour la consommation d'hiver.
D'autres ressources alimentaires, bien négligées aujourd'hui, étaient alors obtenues, par la culture très répandue des différentes légumineuses : haricots, lentilles, fèves mais surtout : pois de toute nature, dont certaines variétés plus rustiques (gesses, vesces) étaient destinées au bétail.
Au cours des décennies ayant précédé la Révolution, ni la pomme de terre, ni le maïs ne semblent avoir donné lieu, chez nous, à un engouement significatifEnfin, sur les anciens cadastres, se retrouvent aussi de multiples parcelles, généralement situées en terres d'alluvions, et dénommées " caminières ou cambous ", consacrées à la culture du chanvre, indispensable pour la confection du linge de maison.
En résumé, élevage et agriculture pourvoyaient, en année normale aux besoins de la population de la Communauté, sans toutefois alimenter un courant commercial, exception faite des ventes de bétail, sur nos foires à destination du Languedoc.
On peut noter cependant, la détention de châtaigneraies, tout autour de Rials, par de nombreux " propriétaires forains " des bourgs languedociens voisins .Les métairies du marquisat de Brusque
Sous l'Ancien Régime, beaucoup de domaines grands ou moyens et aussi certains biens de village étaient cultivés par un métayer.
Etaient désignés, suivant les époques ou les différents rédacteurs des compois, comme métairie, metterie, maiterie, métadier, métayer, rentier, fermier : le masage et son exploitant quelles que soient les conditions très diverses des contrats qui liaient les feudataires, c'est à dire les détenteurs de fiefs- nobles ou roturiers - , et les agriculteurs qui en prenaient la charge moyennant le payement de la rente foncière. Cette dernière est ainsi définie par Marcel Lachiver ( 180 ) : " portion du produit de la terre que l'on paie au propriétaire pour avoir le droit d'exploiter les facultés productives et impérissables du sol ".
Masages feudataires date de citation Masages feudataires date citation Métairies de la paroisse de Brusque de Mélagues & St Pierre des Cats Bauron de Masars 1668 Bertalaïs P.Rivemale 1790 Bréone J.Pancol puis Singla La Bayçède / La Vaissède ? Cambias A.Corcoral 1682 Causse de Marcou Sr Sansac Noble Y.de Breton 1697-1746 P.Mounis1685 Coste 1686 Castelnouvel J de Boute 1615-1624 Cayourtes J.Appolit P.Ramon 1685 Les chapelains 1630 à 1790 Le Cayla G & J Chabbert 1685 Céras J de Masars 1625 Fabié P.Crébassa 1737 S de Masars 1668 Les Fontettes frères Cartayrade P.d'Audibert 1734 Le Gasquet Me E Anduse 1683 La Coste P. de Clermont 1560 Guidon ? 1685 Cribas J. du Noir 1633 Lacan 1732 Les Crouzets de Corcoral 1660 Le Mayni de Mayni/de Rouergas 1728 Cusses P Le Brun 1668 Méjanel Seigneur de Blan 1685 Malmérane / Balmérane Boute 1574-1579 Le Pesquier ? 1688-97 Maurissol Ch Azemar 1647 Raunié Me G Conget 1685 Mialet J Costes-de Barbara 1668-1745 Rials de Mayni 1783 Moulergues P de Monachy 1620-1630 Mas del Ratet et La Bouissière ? 1685 Pressouyres de Gratian 1648 Mas Doumergue J.Crébassa 1658 Soubras S.Azaïs 1714-1725 métairie de Grégory (non identifiée) 1685 Maison quarrée appelée Tour à Mélagues Duc d'Arpajon 1685 Paroisses de Fayet et de La Roque Paroisse de Tauriac Métairie du château le seigneur Argennoves Mr le Prieur 1705 Bouat Masméjean 1678 Corbières d'Audibert 1709 La Désoubre de Méjanès 1656 La Frézié de Bertin 1692 Labroue B.d'Alengrin 1697 Laguiole J de Nicolas 1657 Méjanel Dame M.d'Aigua 1667 Les Laubies P.Vaissière- Ciffre 1685 De Lavit 1788 La Lavagne A.Guilhemy Matet Bonnel-Ciffre Maussac de Baderon-Cabanes 1760 Seige/Ensèges B.Albagnac- Me J.Sabatier 1685 Note : Ce relevé n'est pas exhaustif, ne sont citées que les métairies désignées comme telles dans les documents consulaires.
Notes bibliographiques
( 179 ) A. Vayssier, Dictionnaire patois-français, p. 58
( 180 ) Lachiver, Dictionnaire du monde rural, p. 1449