Le traité de Paris et ses conséquences

Trencavel et Montfort disparus, le Brusquès se retrouva sous l'autorité directe des Comtes de Toulouse ; Raimond VI décédé en 1222 ou son fils Raimond VII sont des personnalités tout aussi ambitieuses et dénuées de scrupules que les précédents, mais, en position de faiblesse, ils éprouvent la nécessité de s'attirer l'attachement de leurs sujets et d'accepter toutes les conditions qui permettent de conserver la couronne comtale.
Ainsi, Raimond VII, lors de la régence de Blanche de Castille, avec l'avènement de son fils : Louis IX, se résigne à signer, le 12 Avril 1229, le traité de Paris, par lequel, n'ayant pas d'héritier mâle, il promettait sa fille Jeanne à Alphonse, frère du Roi, et gardait de son vivant la disposition de ses domaines ; il s'engageait, en outre, à poursuivre sur ses terres les hérétiques, à se croiser et, même, à démanteler trente et une de ses places fortes (on ignore si Brusque était du nombre).

Mais ce traité n'empêcha pas que ( 33 ) : " En 1242, Raymond VII s'allia avec le comte de la Marche et Henri III d'Angleterre ". C'est vraisemblablement ce qui incita certains de ses vassaux " à se soulever en réaction contre les abus et les rigueurs d'une administration despotique " de la Régence.

Instauration du consulat - 1244

La meilleure façon de se concilier l'appui de ses sujets, pour un souverain, surtout s'il ne réside pas sur place, c'est de les laisser s'administrer eux-mêmes, tout en conservant pouvoirs et redevances .
C'est ainsi, après Millau en 1183 ou Saint-Affrique en 1238, que la Communauté de Brusque se vit reconnaître le droit de s'administrer avec la constitution d'un consulat élu. Nous verrons par la suite, l'évolution de cette institution, et ses attributions.

Concessions diverses dans la juridiction de Brusque

Le château et sa place forte étaient confiés, par Raimond VII, à son homme d'armes : Brenguier de Promilhac. Une première donation de notre seigneur comte, de 1245, conservée sous forme d'une copie notariée comporte ces clauses ( 34 ) :

" Sachent tous présents et à venir que nous Raymond, par la grâce de Dieu, compte de Toulouse et maréchal de la Province (pour marquis de Provence), nous donnons et concèdons les bois de Mavadable (pour Maravable), qu'ils soient à jamais aux hommes de Brusque et à cette communauté et tout ce qu'ils pourront trouver du même bois à leur utilité et commodité des susdits hommes de Brusque et de cette même juridiction et ce faisant, nous donnons et concèdons à l'instance de notre très cher et bien aimé Brenguier de Pomilhac (pour Promilhac), notre homme d'armes, l'an du Seigneur Mille Deux Cent Quarante Cinq et pour plus grande fermeté nous avons fait pendre notre sceau aux présentes lettres.
Donné à Bordeaux, Extrait tiré du grand et beau registre dans lequel sont autorisés et traduits les lettres, papiers et documents de la dite communauté de Brusque par Jacques Martin, premier consul dudit Brusque et nous Thomas Joseph Coste, notaire royal dudit Brusque ; ce jour d'huy 29 Novembre 1703 ".

Puis l'année suivante, il adressa aux nouveaux consuls la lettre patente, par laquelle il déclarait:

" Nous donnons et concèdons présentement et pour jamais aux hommes du lieu de Brusque et communauté d'icelluy lieu, c'est à savoir, les herbes et paturages et eaux de tout le district et juridiction dud. Lieu de Brusque et qu'ils puissent gager les animals des autres étrangers quand ils y viendront en dépaissant et admener aud. Lieu de Brusque ...........
Nous donnons aux hommes susd. Le Claux appelé le Cap del Pon auquel puissent faire un four ou fours quand il leur plaira et cuire en icelluy ou iceux......et faire maison ou maisons au susdit Claux.
Et donnons par mêmes moyens lou Batut, Condamine, pour faire tout ce qu'ils voudront et donnons qu'ils puissent dépaitre leurs animals en la terre de Mélagues et Valbidoulès..........L'An de Notre Seigneur Mil Deux Cent Quarante Six. "

Ce texte confirme que, déjà, en 1246, le bourg de Brusque disposait aux pieds de ses murailles, d'un pont situé au confluent du Dourdou et du ruisseau du Sanctus, le Claux étant le terrain où a été bâtie l'église Saint Jacques actuelle, et où, avant sa construction, se trouvait le four commun.
Cet emplacement où les deux rivières ont mis à nu un banc de rocher continu était particulièrement favorable pour asseoir des piles en maçonnerie, mais, compte tenu des moyens de l'époque et de la fréquence des inondations, il y a tout lieu de penser que le tablier de ce pont était initialement en bois.

Une autre information intéressante, apportée par cette donation, est la révélation de l'existence d'un territoire frontalier du Languedoc : le Valbidoulès, dépendant de la paroisse de Saint Pierre des Cats, dont le nom n'est plus usité de nos jours et couvrant les pâturages de Prudhomat, La Lande, et Le Mayni ; il donnera lieu, plus tard, à de curieuses contestations.

Le siège de Brusque

Les différentes largesses que Raimond VII avait consenties à ses sujets du Brusquès n'étaient pas sans danger et les rendaient plus ou moins tributaires du sort de leur comte. Or, celui-ci, en signant le traité de Paris, conservait bien ce que nous appellerions de nos jours, l'usufruit de ses domaines, mais il n'en avait plus, en fait, la gestion directe.
La régente avait installé, dans chaque vicomté, des officiers royaux, ayant titre de sénéchal et le Brusquès dépendait dès lors de la sénéchaussée de Béziers. Ces sénéchaux, loin du pouvoir royal, et en pays considéré comme conquis, commirent tant d'exactions, que Saint-Louis (Louis IX), vers 1247, envoya sur place des enquêteurs ( 35 ).
C'est par leurs compte-rendus, rédigés en latin médiéval, qu'est venu jusqu'à nous le récit tout à fait incident et bien incomplet de la reddition du château de Brusque.

Le siège lui-même est à ce point accessoire, dans les interrogatoires relatés, que ceux-ci ne citent ni la date précise, ni les nom, nombre et qualité des défenseurs locaux de la place qui sont simplement qualifiés " inimicos Domini Regis ", soit ennemis du Seigneur Roi .
On peut toutefois situer le siège vers les années 1242/1245. Nous sommes renseignés par contre sur leurs alliés et sur le comportement des assaillants, à partir des extraits suivants, traduits du latin :

Voici ce que fit ce même sénéchal, du fait que B. de Clairac s'était rebellé à Brusque et s'était opposé au Seigneur Roi. Cette rebellion eut lieu après la mise en exil du dit B. et après la mise en vente (de ses biens), réalisée par le seigneur Déodat (de Boussagues) aux frères dont le nom figure dans la cédule suivante ..........
Bérenger Andréas et Bertrand Andréas de Rocoselle déclarent aux révérends et distingués inquisiteurs Me P et Frère Jo, que du temps où le château de Brusque était en guerre, Bertrand Andréa, l'oncle paternel dudit Bertrand, ainsi que cinq de ses compagnons quittèrent le château d'Avène avec leurs armes, Bertrand lui-même emportait une arbalète (balistam).
Lorsqu'ils furent dans la côte de Botoneria, ils eurent peur . Ce lieu, en effet, est dangereux en temps de guerre
Cet oncle Bertrand tendit alors son arbalète, mais le nœud (nodus) de l'arbalète n'ayant pas tenu, il la posa à terre pour la retendre puis y plaça un carreau (cairellum).
Or, l'un des compagnons du nom de G.Rotger, qui était derrière Bertrand, avança et se trouva devant lui, juste au moment où l'arbalète se déclancha et son projectile toucha à la tête le dit G. Rotger, dans sa trajectoire, en le blessant à mort.
Après cet incident, Bertrand devait, par la suite,vivre encore trois ans, au moins
De tout ceci, on peut obtenir un rapport fidèle par C.Capus maintenant juge , P de Villemagne et par G. du Puech d'Avène, par Alban ..... de Rocozels et par d'autres .

Ils rapportent ainsi que P.Singla, alors sénéchal de Béziers, obtint et extorqua 200 sous melgoriens, à cette occasion, parce que les susnommés de cette place étaient en service et au siège du château de Brusque, contre les ennemis du Roi et devaient y rester jusqu'à la chute de ce château.
Ce sénéchal reconnut que ces hommes, s'ils étaient rentrés chez eux, et non pas tous, car la plupart d'entre eux n'étaient partis qu'après la chute de cette place, voulut obtenir d'eux 300 sous melgoriens .
Les hommes du château de Roujan étaient présents après la prise et avant le siège en question, alors que le seigneur Ymbert se retirait.

Aux enquêteurs , on rapporte que toute la juridiction du château de Colombières, dont l'ensemble des hommes ou la plus grande partie d'entre eux accompagnèrent le seigneur Ymbert de Beaujeu, au siège du château de Brusque et dans la troupe, grace à laquelle cette place fut prise .
Après cette chute et la reddition au seigneur Ymbert, déjà nommé, au nom du seigneur Roi, les citoyens de Béziers et les hommes de Colombières revinrent au château de Colombières sans l'accord et l'autorisation de P. Singla, alors sénéchal, celui-ci obtint et extorqua 100 sous melgoriens de ces mêmes hommes.

On voit que ces dépositions auprès des commissaires-enquêteurs ne sont d'aucune utilité pour se représenter les capacités de défense de Brusque, la durée du siège et les circonstances de la prise de la place .
Tout au plus, peut-on rattacher cet épisode à la rébellion contre le pouvoir royal et à l'appel au soulèvement, par Raymond VII, adressés à tous ses vassaux restés fidèles, tels les d'Auriac, Bernard de Sauve, Guy de Séverac ou les seigneurs de Najac.
A Brusque, bien qu'il ne soit pas nommé dans les dépositions, on peut penser que le château était tenu par Bringuier de Promilhac, auquel était venu se joindre Bernard de Clairac, contraint à l'exil, hors de sa propre possession, sise sur l'Orb, donc voisine du Brusquès.

Par contre, l'enquête nous permet de mieux mesurer les forces engagées, au nom du Roi, par P. Singla, alors sénéchal à Béziers. Elles regroupaient, sous l'autorité d'Ymbert de Beaujeu (cousin du Roi et vice-roi en Albigeois), les hommes de Béziers, de Colombières, de Roujan, de Rocozels et d'Avène .
La supériorité numérique était manifestement du coté des assiègeants royaux.

 

 

 

Notes bibliographiques
( 33 ) Devic et Vaissetes, Histoire générale du Languedoc, tome VII, p. 466 note 59
( 34 ) AD Aveyron, 2E35 (?)
( 35 ) Devic et Vaissetes, Histoire générale du Languedoc, tome VII, p. 466 note 59