Renversement d'allégeance

Le comte de Toulouse avait fait prisonnier Raimond Trencavel , son vassal (10.10.1153) pour lui rappeler ses devoirs de fidélité, mais celui-ci, très vite après sa libération, rentra dans une coalition dirigée par le Comte de Barcelone et participa même au siège de Toulouse en 1159. Ce siège sera levé grace à l'intervention du roi de France : Louis VII, beau-frère de Raimond V.

Raimond Trencavel devait se comporter aussi mal avec ses sujets, qu'avec son suzerain, puisqu'il mourut, le 15 Octobre 1167, assassiné dans l'église de la Madeleine par les bourgeois de Béziers, révoltés contre lui .C'est son fils Roger II, âgé de 19 ans, qui lui succéda, il repris Béziers, en 1168, et y commit de dures représailles, pour venger son père.
Il fit la paix avec Raimond V, dont il épousa la fille Adelaïde, alors que sa propre sœur Béatrice se mariait, en 1176, avec celui qui devait devenir, à son tour, le comte de Toulouse : Raimond VI .

On a vu plus haut (se reporter au paragraphe "le cartulaire des Trencavel"), que trois ans après, malgré ces liens matrimoniaux, Roger n'avait pas hésité à rechercher la protection de la maison de Barcelone, en s'en reconnaissant le vassal.
Ce retournement devait s'expliquer par sa recherche d'une alliance plus sûre. Le Brusquès pouvait dorénavant, comme Millau, arborer les couleurs catalanes " sang et or ", mais pas pour longtemps !

Mélagues et l'abbaye de Villemagne

Un ouvrage cité dans F Hermet ( 30* ) nous rapporte : " En 1189, Bérenger II, abbé de Villemagne, au diocèse de Béziers, acquit d'Auger, le village de Mélagues " et par ailleurs que " Sicard et Bernard de Cabrerolles, vendirent à l'aumônier de Villemagne une redevance de 5 sols de Béziers qu'ils possèdaient à Mélagues ".
Ces brèves informations ne permettent pas de savoir quel était le titre de possession de cet Auger (serait-ce Augier, frère de Bernard-Bégon ? - voir le tableau de la section précédente), ni si cette acquisition comportait seulement un transfert de redevances, de droits de patûre ou plus largement un vasselage réduit au village de Mélagues ?

Les derniers Trencavel et l'hérésie cathare

Une excommunication de notre vicomte Roger II avait eu pour motif immédiat un conflit avec l'évêque d'Albi, qu'il avait même emprisonné, mais, parmi les griefs invoqués, figurait son comportement hérétique, compensé,il est vrai, par plusieurs donations à l'abbaye de Silvanès.
Néanmoins, il put être enseveli en terre chrétienne, dans l'abbaye de Cassan, comme il l'avait prévu dans son testament de 1194

Son fils et successeur : Raimond-Roger n'a alors que neuf ans et la vicomté est administrée provisoirement par son tuteur, Bernard de Saissac, titulaire d'un fief en plein pays cathare, mais rien dans ses décisions, ni dans celles inspirées par Adelaïde , la mère du vicomte, pendant sa minorité, ne peut faire suspecter leur orthodoxie, sinon le développement du catharisme sur une grande partie de leur domaine et l'absence avérée de réaction de sa famille à cette propagation .

Aussi après le meurtre, le 15 Janvier 1208, de Pierre de Castelnau, légat envoyé auprès de Raimond VI à St Gilles, le pape Innocent III décide d'une croisade contre les cathares et leurs protecteurs.
Le roi de France sollicité de prendre la croix, s'étant désisté, l'organisation de la croisade est alors confiée au représentant du pape en pays d'Oc : Arnaud Amaury et du point de vue militaire, à celui des croisés du Nord, qui en a accepté le commandement : Simon de Montfort.

Devant le danger, Raimond VI, considéré comme l'instigateur du meurtre du légat fait soumission à l'Eglise, dans l'abbaye de Saint-Gilles, le 18 Juin 1209, tête nue, pieds nus, en chemise, il est flagellé devant la tombe du légat et promet de se croiser ; un mois plus tard, l'armée est aux portes de Béziers et les consuls refusent de livrer les 223 suspects d'hérésie que les croisés s'attendent à y trouver .
C'est alors le massacre systématique, pour l'exemple, de tous les habitants, y compris, ceux qui se sont réfugiés, avec leurs prêtres, à l'église de la Madeleine, incendiée le 22 Juillet 1209 .

Quant à notre vicomte Raimond-Roger, réfugié à Carcassonne, avec ses meilleures troupes, il croit pouvoir parlementer en se livrant, mais il est aussitôt mis en prison, où il décédera, officiellement de la dysenterie, quatre mois plus tard.

Le Brusquès au pouvoir de Simon de Montfort

Avant même le décès suspect de Raimond-Roger, dans sa prison de Carcassonne, Arnaud Amaury, le légat du Pape, avait proclamé Simon de Montfort, titulaire des vicomtés de Béziers et Carcassonne.

Bien qu'on ne dispose pas en détail, de l'énumération des places rouergates touchées par ce transfert peu classique, en même temps que le Pont de Camarès, Murasson, Combret, Roquecezières et d'autres, les terres de Brusque, à n'en pas douter, figuraient dans la cession des droits de son mari, confirmée le 20 Novembre 1209, par Agnés, veuve depuis dix jours. Il n'y eut donc ni siège, ni prise de possession officielle du château et Montfort n'est peut-être jamais venu chez nous, car l'armée des croisés, amenuisée par les fins de quarantaine, avait désormais d'autres objectifs vers Castres, le pays de Foix et de nouveau l'Albigeois.

Il semble que pendant cette période, aux mille péripéties mal connues, l'administration de la vicomté ait été, en réalité, exercée, au nom de Montfort, par Bernard de Combret, evêque d'Albi et inquisiteur de la Foi, nommé administrateur civil des domaines Trencavel
Un seul acte officiel nous révèle l'intérêt de Simon de Montfort pour ses nouvelles possessions rouergates, c'est la charte du 28 Février 1213, par laquelle, en qualité de vicomte de Béziers et de Carcassonne, il prend sous sa sauvegarde l'abbaye de Silvanès, l'exempte de tout droit de leude et péage et lui accorde l'usage gratuit de ses paturages et de ses eaux ( 31 ).
Mais au retour de Rome, de Raimond VI et de son fils, qui sont allés plaider leur cause auprès du Saint-Père, Simon doit faire face au soulèvement de beaucoup de places occupées par les croisés, alors que le toulousain n'en a pas été dépossédé ; c'est le cas de Marseille, d'Avignon, de Beaucaire et naturellement de Toulouse. Là, commence un siège qui durera tout l'hiver 1217, pour se terminer le 25 Juin 1218, par la mort de Simon de Montfort, frappé à la tête par un projectile

J'emprunte à la chanson de la croisade, arrangée et chantée par Marie Rouanet, les quelques vers qui relatent cet événement décisif ( 32 ) :

  Lo lop es mort ! Montfort es mort !
Venget tot dreit la peria laï ont era mestier
Emaï truquet lo comte sus son casco d'acier
Lo sang e las cervelas partisson a quartiers
Lo comte tomba en terra, mort e sagnant e nègre.

 

 

 

Notes bibliographiques
( 30* ) Frédéric Hermet, Revue historique du Rouergue, oct 1933
( 31 ) P.A. Verlaguet, Cartulaire de Silvanès, charte 504
( 32 ) Yves Rouquette, Cathares, p. 108