Une affaire judiciaire mémorable

Aux Archives de la Haute Garonne est conservé un inventaire succint des affaires criminelles citées devant le parlement de Toulouse, parmi lesquelles se retrouve une sentence du 31 Janvier 1667 concernant un gentilhomme résidant à Brusque :

" condamnation par défaut contre Pierre d'Audric, sieur d'Alpiac, a avoir la tête tranchée ou 6.000 livres d'amende et 2000 livres de dommages envers Catherine Barthèse, plaignante " ( 120 ).

Les condamnations par défaut sont toujours plus sévères que les jugements définitifs et on aimerait connaître les motifs et le dénouement de cette affaire, introuvables à l'inventaire précité.

Une mine de cuivre à Corbières

La première et seule mention concernant cette activité minière à Corbières, dans le baillage de Tauriac, qui en a compté beaucoup d'autres, n'est évoquée que par sa date de clôture, alors que Guillaume Bayle est scindic de Tauriac en 1672 ( 121 )

La Tour-grenier de Mélagues

Le second compois de Mélagues, établi en 1685, mentionne en le qualifiant de bien noble :

Mlle la marquise d'Arpajon tient et jouit noblement une petite maison quarrée appellé tour, avec un patus au devant et grenier "

On peut supposer que cette construction, appartenant à la seigneuresse, était destinée à conserver à l'abri, les redevances en nature qui lui étaient dûes. Faute d'indication des confronts, il n'est pas possible de situer, dans le village de Mélagues, ce bâtiment ni les vestiges qui pourraient en subsister.

Succession de Louis d'Arpajon ( d'après l'histoire de Séverac)

Louis mourut en 1679 ; il avait bien eu un fils de son premier mariage : Jean-Louis, mais qu'il avait exhérédé et qui était d'ailleurs mort dix ans avant son père.
Louis s'était remarié à 67 ans, puis après la perte de sa seconde épouse : Marie Elisabeth de Simiane de Moncha, une troisième fois à 69 ans avec Catherine Henriette d'Harcourt-Beuvron.
De ce dernier mariage, il eut une fille Catherine Françoise, qu'il fit émanciper et déclarer son héritière universelle. C'est donc elle qui devint alors la Dame de Sévérac et de Brusque et dix ans plus tard, le 7 Février 1689, elle épousait, par contrat passé à Versailles, dans l'appartement de Madame la Dauphine : François de Roye de La Rochefoucault, comte de Roucy ( 122 ).

Les dragonnades dans le Brusquès

Malgré l'esprit de tolérance qui semble avoir règné jusque là, entre les adeptes des deux religions, les habitants du marquisat ne pouvaient échapper aux mesures générales qui ont accompagné la révocation de l'Edit de Nantes .
Les délibérations consulaires sont particulièrement discrètes (ou épurées) à cet égard, par contre, le premier registre paroissial de Brusque, au milieu des inscriptions des baptêmes, mariages et sépultures, contient quelques allusions :

" Le 6 Septembre 1685, il y eut dans Brusque quinze cavaliers, pour faire catholiques les huguenots, du régiment de Grilhon -- signé : Fabre (Ce sont, bien entendu, les 15 cavaliers qui sont du régiment de Crilhon,et non les huguenots).

et les inscriptions suivantes du 16 Octobre et 19 Novembre

" a été enterrée au cimetière de St Martin : Jeanne Privade, femme de Marcellin Nicolas, voiturier de Brusque, nouvellement convertie, ayant confessé et reçeu le sacrement " " Jean Bru dit Groussou aagé de 94 ans, nouveau converti a esté enterré le lendemain au cimetière St Martin "

Dans un acte consulaire, est proposée la vente du cimetière R.P.R ( de la Religion prétendue Réformée), dont l'emplacement n'est pas indiqué, au motif " qu'il n'avait plus de raison d'être", et par la suite il est fait état de sa vente pour 90 livres à un certain Alingrin.

Sur ordres, dès 1686, est organisée la remise des livres de la R.P.R et prescrit la recherche des armes au domicile des nouveaux convertis, et pour dissuader les candidats à l'exil à l'étranger, (comme par exemple " Pierre Biou sorti du royaume "), il est précisé que " les absents avaient quatre mois pour rentrer dans leurs biens ".

Placet du sieur de Breton

Les nouveaux convertis étaient, aussi, assujettis, lorsqu'ils désiraient vendre un bien foncier, à une demande d'autorisation, destinée à les dissuader du départ ; le bulletin d'histoire du protestantisme français ( 123 ) nous en donne cet exemple :

Monseigneur
Noble izaac de breton, habitant du lieu de Brusque, a l'honneur de représenter à Votre grandeur, qu'il possède dans le marquisat de Brusque une petite metterie ruralle éloignée de plus de demi lieue du dit Brusque, qu'il a été souvent obligé de faire valoir à sa main par des domestiques, comme il est actuellement forçé de le faire cette année fautte d'avoir peu trouver ny fermier ny colon partiaire, ce quy luy est très dispendieux, et d'autan plus préjudiciable qu'a cause de cella, il a été obligé de suspendre l'exploitation d'une verrerie qu'il avait projetté de faire l'année prochaine près l'abaye de Silvanès, ce quy a déterminé le suppliant à vendre cette metterie à une personne quy est de profession et a portée de la faire valoir par luy même, qui veut l'acheter, mais cet acquereur a creu nécessaire pour sa seuretté que le suppliant, issu de parents religionnaires, obtint préalablement une permission de vendre : à cause de quoy, et que le suppliant a lieu d'esperer que tous ceux dont l'avis peut être necessaire pour l'obtention de cette permission, ne peuvent que certifier que les motifs de vendre qu'il a l'honneur d'exposer sont également véritables, qu'ils sont justes et que le suppliant est à l'abry de tout soubçon de vouloir contravenir aux intentions de Sa Majesté quy ont rendu nécessaires l'obtention de la permissions de vendre, le suppliant supplie très respectueusement Votre Grandeur qu'il luy plaise luy permettre de vendre la dite metterie et il continuera de porter ses veux au ciel pour la santé et prospérité de Votre Grandeur.

Permis de vendre ce 30 Obre 1697 (signé illisible)
La dernière ligne du texte précédent, doit être la suite donnée, à cette requête, par l'Intendant de Montauban.

La métairie évoquée en premier, est la propriété de Cambias ; quant au projet abandonné d'exploitation d'une verrerie près de Sylvanès, évoqué par de Breton, il pourrait bien correspondre à la découverte faite, en 1999, par M.Antoniolli des Eaux et Forêts, dans les bois de Sauvemousse d'un four bâti en forme de cône inversé, apparemment jamais utilisé ( ni cendres, ni charbons).

Autres conséquences de la Révocation à Brusque

Six ans après l'acte de révocation, se retrouvent dans le registre paroissial quelques notes manuscrites du desservant, telles que :

" 23 Juillet 1691 - fiançailles, par ordre de Monseigneur, entre Anth de Bertin, sieur de Fontrouge et Louise de Biou, en façe de l'église - présent Adrian Azaîs de Soubras " ou " 12 8bre 1692 a été enterré dans un champ, pour n'avoir pas voulu reconnaître l'église ni recevoir le sacrement "
Cette Note en fin 1693 : " Vers la fin de cette année, six décès dans les champs (surcharge :Fossés de Moulergues) ou jardins de personnes ne voulant pas reconnaître la foi de l'Eglise quoique nouvellement converties ".
" 29 Juillet 1696 : Décès plusieurs personnes enterrées dans les champs ou jardins pour n'avoir pas appelé, dans leur maladie, le curé et reconnaître ainsi l'église "
" 25 Août 1698 Elisabeth de Breton, fille du Sieur Claude de Breton, Sr de la Louvière et de Lydie de Biou, mariés de Brusque et a été baptisée le 8 septembre, à raison de l'opiniâtreté.

Nous retrouvons dans certains de ces extraits, l'origine de la pratique des tombes champêtres, utilisées pour leurs morts, longtemps après le retour de la tolérance religieuse, par la communauté protestante et dont il subsiste de nombreux exemples dans nos parages : (ruisseau de Monmeyrane, aux Granges d'Arnac, à Muratel, à Cazelles, aux Salièges hautes etc.).

 

 

 

Notes bibliographiques
( 120 ) AD Hte Garonne, B92, p. 561
( 121 ) Baron de Gaujal, Etudes historiques sur le Rouergue, p. 68
( 122 ) Dr Monestier, Sévérac, tome 2 p. 192
( 123 ) Bulletin d'histoire du protestantisme, 1697