Le Traité de Paris

Par la paix conclue à Paris le 5 Février 1626, Louis XIII accordait aux protestants du Rouergue les places fortes de Sévérac, Brusque, Montlaur et aussi de Creissels, dont la population, en majorité catholique " ne les voulut pas " ( 113 ).

Ce traité qui officialisait et aussi restreignait la pratique et la protection de la nouvelle religion, ne suffit pas à rétablir la paix, puisque le duc de Rohan entreprit, en 1627, de reprendre pied au Pont de Camarès, pour y rétablir la prédominance calviniste quel'importance de sa population justifiait, et ce n'est que par la forte résistance opposée par Charles d'Albignac, baron d'Arre, qu'il en fut empêché ( 114 ).

Démantèlement de l'enceinte de Céras

Le traité de Paris, en désignant, en Rouergue,quatre places de sûreté pour les religionnaires, devait s'accompagner de la réduction des défenses des châteaux et forteresses non retenus, suivant les instructions d'Henri II de Bourbon ( 115 )

" Henry de Bourbon,prince de Condé, Ier prince du sang, Ier pair de France, lieutenant-général pour le roy en ses armées de Languedoc,Dauphiné,Guyenne et Lionnois au sieur évesque de Vabres, Salut. Ayant depuis peu remis en l'obéissance de sa Majesté, la ville de St Sever, les maisons fortes et châteazux de Sérac, situé sur la terre de Brusque, de Luzanson, situé au terroir de St Georges, des Rives, de Caur, Murat et Monès, Le Mas-Rogier et Tourmure
Nous avons jugé à propos, pour le service du Roy et le bien de ses affaires et empêcher que les rebelles ne s'en puissent doresnavant emparer, ainsi qu'ils ont cy-devant fait, de faire démolir et raser les murailles et enceintes de la dite ville et forts et combler les fossés.A ces causes, nous avons commis et commettons par ces présentes pour ordonner et faire exécuter les démolitions entières et rasements des dites maisons, murailles et forts.
Donné à Vabres, ce vingt huitième jour de May mil six cent vingt huit
Henry de Bourbon

L'Influence de Jacques de Baderon,dans les guerres de religion

Les seigneurs de Maussac, malgré la modestie de leur fief initial, ont souvent accèdé à des fonctions importantes.

" Ainsi en 1628, le prince de Condé avait fait interdire à tous les présidents, parce qu'ils lui étaient suspects, la faculté d'opiner Le doyen des conseillers (au Parlement) qui était Jacques de Baderon, seigneur de Maussac, dans la paroisse de Tauriac, au diocèse de Vabres, prétendit alors à la préséance sur lui. Il est probable que la préséance réclamée, tenait à la présidence de la compagnie, qui en l'absence des présidents appartenait incontestablement au doyen et, en effet,le prince céda à Maussac.
Le 22 du même mois, ce parlement déclara criminels de lèse-majesté les partisans du duc de Rohan et celui-ci fut, en outre, condamné sept jours après, à être écartelé, ce qui fut executé en effigie, le 5 de Février "
( 116 )

Le Mal de la Contagion

Déjà signalée, sous le nom de " Bossa " ou " malautia pestilential " (cf ci-dessus), la peste, qui n'est pas encore identifiée de façon précise, est de nouveau aux portes de Brusque, en 1631 et donne lieu à un acte du notaire royal Jean Sabatier, concernant les ayant droit des morts du " mal de la contagion " à Valazoubre et à la Régagnerie, pendant que les consuls votent des crédits ,en vue de faire procèder à la désinfection de ces hameaux par Me Estienne Ratier de Compregnac.

Dix-huit ans plus tard, le mal n'est toujours pas éradiqué et les registres consulaires de Belmont rapportent " que la maladie contagieuse est dans le lieu de St Pierre des Cars, en la baronnie de Brusque " ( 117 ).

Un consistoire et une église réformée autonomes à Brusque

Par un acte du 28 Mars 1632, du notaire Sabatier : Jean Biou, marchand de Brusque, subroge les habitants de la " religion réfformée de la dite ville " et notamment : Jean Ramond, Estienne Guilhemy, Jean Nicolas, marchand, Jean Rouilhe, tous anciens du consistoire, dans l'installation de leur église dans la maison de Jean Azaïs, marchand de Brusque, sise " dans l'anclos de la dite ville et rue appellée de Juvaigne " à un étage et galetas pour une durée de trente ans, aux prix et somme de trente neuf livres.

Le Testament de Jacquette de Clermont

" Son testament, en date du 14 Février 1659 témoigne de sa piété zélée, il prescrit la fondation dans l'église où elle sera inhumée, d'une messe anniversaire à perpétuité et d'une autre messe, tous les jours de l'année sans exception, la fondation d'une chapelle dans l'église Saint Jacques de Brusque, dotée des métairies de Castelnouvel et du Colombier, sous la seule réserve, pour ses successeurs, du droit de collation de la dite chapelle et de la justice haute, moyenne et basse sur les biens donnés.
La baronne d'Arpajon lègue aux pauvres de chacune des paroisses d'Arnac, Mélagues, Tauriac et Combret et du marquisat de Brusque : 300 Livres ; à sa fille Rose , baronne de Broquiès 15.000 Livres, à ses autres filles des legs moindres et institue pour son héritier universel, son fils aîné : Louis d'Arpajon " ( 118 )

Le même auteur ajoute " qu'elle appartenait à une famille restée toujours catholique, sœur de Jean de Castelnau-Clermont, abbé de Bonneval, elle n'avait jamais adhéré à la religion réformée, quoique prétende la légende, qui semble l'avoir confondue avec la grand mère de son mari, Charlotte de Castelpers, " la farouche chatelaine de Séverac ".

Fondation de la chapellenie

Il appartenait au fils ainé de Jacquette de concrétiser ces dispositions testamentaires, dont j'ai pu retrouver le texte dans les actes de Martial Cornuti, notaire royal à Fayet ( 119 )

" L'an mil six cens soixante cinq et le dimanche dix neuvième jour du mois de juillet, règnant très chrétien prince Louis, par la grace de Dieu, roi de France et de Navarre, dans le chasteau de Fayet, marquisat de Brusque, diocése de Vabres, par devant moi notaire royal et tesmoins bas nommés, a esté constitué en personne haut et puissant seigneur messire Louis duc d'Arpajon, pair de France, chevalier des ordres du roi, compte de Rodes, marquis seigneur de Severac et de Brusque et autres places, lequel scachant feue dame Jacquette de Castelnau et Clermont, dame d Arpajon, marquise de Brusque, sa très honnorée mère, avoit par son codicille du dixième janvier mil six cens cinquante neuf, fondé une chapelle déserviable à perpetuité dans l'esglise St Jacques de la ville de Brusque par deux prêtres desquels la vie soit exemplaire et leur doctrine cognue suffisante pour pouvoir prescher et cathéchiser de temps en temps par prédications et cathéchismes le puble et hérétiques convertis du dit marquisat dans les esglises paroisielles quy en despendent particulièrement les festes et dimanches de caresme, y célèbrer tous deux tous les jours de la sepmaine la sainte messe et tous les sapmedis de la Sainte Vierge et prieront pour l âme de la dite dame fondatrice et celle de feu seigneur d' Arpajon, son mari, pour l'âme du père et frère nommé Jean, d'icelle sauf en cas de légitime excuse et que les dits prêtres chapelains procureront le service et l'entretenement des veritables peauvres malades vefves orphelins vieillards honteux et autres du dit marquisat, faisant profession de la vraye religion catholique, apostolique et romaine et que pour la dotation de la dite chapelle subsistance et entretenement des dits deux chapelains et des susdits peauvres elle ayt donné et relanxé pour un jamais les mettairies qu'elle possèdait en son vivant au dit marquisat de Brusque, appellées de Castelnouvel et Colombier, consistant en maions, granges, estables, pijoniers, jardins, preds, terres, culte et inculte et gualement tout ce qui dépent dicellui fonds à ce rien réserver ni retenir que la seule justice haulte moyene et basse et que le patronat et toute la disposition de la dite chapelle et dit seigneur duc comme heritier de la dite feue dame fondatrice, sa mère, satisfaisant à sa volonté de son gré et par l'escrit du présent acte publique a fait eslection et nomination des dits chapelains...honnorables et de nottre personne Me françois de Rudelle prêtre, docteur ez droitz de la ville de Cassaignes bégonnnies et de Me Anthoine Fabrié aussi prêtre du lieu d Espinous parroisse de Caplongue, tous deux du diocèse de Rodes, desquels la bonne vie mœurs probité capacité et suffisance lui est certainement cognue auxquels conformément à la d° fondation illec présent et acceptant il a confié et conferre la dite chapelle aux charges conditions services et fonctions portées par illec et pour jouir des fruits rentes et revenus des dites mettairies de Castelnouvel et Colombier affectées pour leur subsistance et entretenement, scavoir les deux tiers pour eux et leur propre entretenement et l'autre tiers des dits fruits rentes revenus estre par eux distribué annuellement aux peauvres du dit marquisat de Brusque de la qualité susdite et de la distribution quy sera faite les dits sieurs chapelains en faisant...............annuellement pour estre............ ......au dit seigneur duc d'Arpajon patron ou à cellui qu'il y plaira commetre desquels il en charge leurconfrairie et du contenu en la dite fondation suppliant très humblement l'Illustrissime et Réverendissime père en Dieu MessireYzaac Habert evesque compte et seigneur de fondation et à ses héretiers successivement pour estre par elle et ses dits successeurs, conférée à deux prêtres de la qualité sus dite, le Vabres vouloir approuver et confirmer la dite fondation pour la plus grande gloire de Dieu et instructions des ames des habitans et peauvres du dit marquisat soubz le bon plaisir des......et......de l'esglise du dit marquisat de Brusque.-fait au dit chasteau deFayet par Me Alexis Delmon prêtre, docteur en théologie, directeur de la chapelle de Lorette prés Severac et Monsieur Me Anthoine de Barthélemi viguier dudit Séverac soubz avec le dit seigneur et chapelains et moi Martial Cornuti notaire royal heredit dudit Brusque à ce requis soubz

Le duc d'Arpajon de Rudelle pbr Fabrié pbr Delmas de Barthélemy Cornuti

Les termes de cet acte de fondation de deux charges de chapelains attachées à l'église Saint-Jacques peuvent surprendre car,rédigés vingt ans avant la Révocation de l'édit de Nantes, ils traduisent la volonté de la testatrice et de son fils, héritier universel, de convertir ouvertement les hérétiques (donc les protestants, alors en position dominante dans leur fief de Brusque).
On peut même remarquer que Louis d'Arpajon interprète les intentions de sa mère dans un sens plus rigoureux, puisque l'acte du 19 Juillet 1665 précise que les prédications et cathéchismes devront être dispensés, par les chapelains, dans les églises paroissiales qui dépendent de Saint-Jacques (sans doute du marquisat, comme il est dit in fine), alors que le testament du 14 Février 1659 limitait ces interventions à l'église Saint-Jacques.

 

 

 

Notes bibliographiques
( 113 ) Devic et Vaissettes, Histoire générale du Languedoc, p. 202 - H. Enjalbert, Histoire du Rouergue, p. 202
( 114 ) Sté des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, Mémoires tome XVIII, p. 460
( 115 ) Sté des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, Mémoires tome X, p. 24/32
( 116 ) Devic et Vaissettes, Histoire générale du Languedoc, tome V, p. 559
( 117 ) M.L. Alary, P. Lançon, J.F. Bessières, Une Ile en terre rouge, p. 220
( 118 ) Marquis de Valady, Châteaux de l'ancien Rouergue, p. 78
( 119 ) Martial Cornuti not., 3E1208/228