Un vicaire entreprenant
Une curieuse pièce d'archives, conservée dans le fonds de Brusque ( 69 ) mais difficilement lisible en l'état a été heureusement décryptée par Monsieur Jean Delmas et insérée dans l'ouvrage déjà cité " Al Canton - Camarès " (p 48/49). Il s'agit du livre-journal tenu par Raimond Favayrols, vicaire de Brusque entre 1411 et 1453, pour des activités, qui, n'avaient pas grand chose à voir avec son ministère :
" Item lo jorn de la Translatio de St Marti, contiey am Janicot que, tot comtat,resta deutor en IIII doblas lasquals promet a pagar de dia en dia al plus tot que poyra e lo comte es que el me devia XI doblas et ha ne pagadas V per las fezaduras de la gonela del blanquet e doas doblas per las fezaduras de III pels de petitas causas per lo estieu .
Item paguet II per las fezaduras de la rauba de Peyre Marti que fes a Nadal.
Item lune in qua fuit festum sancte-Crucis et XIII septembris emi a Marquesio Acfredi manse Valazobre duas pezas al moto e a XVIII ll z la peza a for de romana et a XVI de la balansa.
Solvi miech moto et promisit hic portare caseos, introitu ecclesie et erat ibi R.Vayssieyra de Faiet ante portam et traxit me in ecclesiam nolens quod dictus Vayssieyra audiret.
Portavit in crastinum cazeos XV .
Item a V d'octobre prestiey a Johan Delcros merchan del Pon de Camares tres escut d'aur e de Tolosa losquals promes de redre d'ayssi a XX jorns. Paguet
Item l'an desus a XVI de octobre R.Acfre paguet IX motos per lo pres del rossi, losquals hac Jo.Favayrols e ho portet a sa mayre
Item a XXX de octobre, prestiey a Peyre Lobet et a sa molher XXIIII doblas e promes de las redre a S.Andrieu e baylet en gagge una cotardia de Vervi. Testes : Guilhem Boscat,Peyre Cambolas.Paguet per lo jorn de Sant Andrieu .
Item a XVIII de novembre, prestiey a Simoneta molher Guilhami lo Fravers VIII ll que disia que volia per comprar I porc a la fieyra del Pon al jorn de S.Roma .
Item a XVI de novembre, bayliey a guihem Guilhami XIII canas de nadieu per adober tro à tenhe, de que paguiey...
Item aqui meteys, li bayliey X e z canas de blanquet..Era per far tenher a La Cauna, de que paguiey li .
Item a XXI de novembre, bayliey a Peyre Buou canas de blanquet. Era per adobar per far tenhe a La cauna, de que paguiey...
Item eadem die a P. Banis mediam unsiam de safra per qua solvi ei
Item die ultima novembris tradidi Guilhermo Guilhami XV canas et III pals de pano albo cru per aptando per tenhe, pro quo solvi ..
Item l'an de la Nativitat de Jhesu-Christ MCCCCXL a XIII de Janie, compriey de Peyre Buou sieys palms de brunet de Perpinha. Constero II motos e quart e paguiey l'endema a son obrado.Présen Andrieu Rambaut del mas de Plas de la parrochia de Murat.
Item a XV de Jenie, compriey de Bernado Fabre tres palms e z de bruneta de Perpinha per far caussas a Jo.Guilhami.Constero I moto.
Item costet per gauzida, constet z moto Bayliey li I scut nou de Tolosa.Item agui de fial blau onsa que val ...
Item a X de febrie prestiey a Solie tres gros que dizia que volia compra de lana e los me venc demanda a la glieya.
Item a XIIII d'aost que era dimenge e la vespra de Nostra-Dona prestiey a Panco I moto en contan que volia per pagar lo talh e lo comu de la pas Promes de lo redre en aur
Item a XVI daost fui à Peus et per accordar lo debat del deves entre Steve Rodes e los Pagezes de Peus e si comenset proces en-aysi cum he...M° P.Malaval.D'après ce qui précède, le vicaire Raimond Favayrols agissait, de façon plus ou moins clandestine comme marchand, et comme prèteur ou conciliateur, auprès de ses ouailles, ainsi qu'au Pont de Camarès ou à Peux , ce qui justifiait la dissimulation de ces opérations, sous le couvert de leurs devoirs religieux.
On le retrouve aussi associé à Me Bringuier Barrau, notaire et Estève Blancart pour l'exploitation d'un four à chaux dans la montagne de Brusque-Vieille. C'est ainsi qu'il inscrit, à la date du 17 Novembre 1430 qu'il fournit à Joan Roste " sex semals de caus pro sui edificii complémento " ( 70 ).
La Route royale Béziers Cahors
Au XVème siècle et longtemps après, notre communauté n'était encore désservie par aucune route; tout au plus, des itinéraires muletiers lui permettaient d'être raccordée aux axes commerciaux reliant le Languedoc et la Guyenne .
A ce titre, elle participait à l'entretien de ceux-ci, non sans contestation, comme le révèle un procès de 1447, où les consuls de Brusque se retrouvaient cités ainsi que leurs voisins languedociens de Saint Gervais, de Roquebrun et de Cessenon ( 71 ).Il faut croire que le consulat de Brusque, avec ses divisions territoriales : les syndicats ou baylies de Tauriac, d'Arnac, de Mélagues et peut-être du Valbidoulès, représentait un cas bien particulier, dans l'Election de Millau, ou bien que les libertés et privilèges dont ses habitants avaient bénéficié (cf paragraphe correspondant) étaient assez exceptionnels, car, dans un procès de 1458, portant sur ces libertés, est employé le terme peu usité, sous l'Ancien Régime, de " République du dit lieu " ( 72 ).
Fiefs roturiers, Acaptes et perpétuelle pagésie
Le régime général de la propriété rurale, en Rouergue, était l'emphytéose ou perpétuelle pagésie, c'est à dire la concession perpétuelle, par le seigneur directe, d'un bien immobilier, à un tenancier, moyennant hommage, accompagnée d'une reconnaissance (enregistrée par un féodiste) et payement d'une " acapte ", à l'occasion du décès de l'une ou l'autre des parties.
Lorsque le tenancier souhaitait céder sa concession à un tiers, il était tenu de payer au seigneur un droit de mutation : le droit de " lods ".Dans les recherches d'origine de propriété, il arrive que des actes notariés, relativement modernes rappellent des mutations remontant au XVème siècle.
C'est le cas, pour un acte du notaire Régis Durand, du 25 Janvier 1869, qui situe au 14 Septembre 1461, la reconnaissance de tout " le masage de Pierrefiche par Marc Afre de Balazoubre " et, au 30 Avril 1467 la transmission de ce même fief roturier à " Raymond Pierrefiche " (ici se situe une question ,sans réponse : le toponyme a-t-il généré le patronyme ou l'inverse ? et y aurait-il eu, à proximité de ce mas, un menhir, aujourd'hui disparu, qui ait donné naissance à l'un et à l'autre ?).
Le même acte énumère, à cette occasion, tout ce qui constitue le masage : " maisons, paliés, ayres, fours , patus , jardins, apparas, champs, près, facultés d'eau pour arroser et autres terres cultes et incultes " ( 73 ).
Notes bibliographiques
( 69 ) Jean Delmas, dans Al Canton Camarès p. 48/49 - 2E35 - 7
( 70 ) Jean Delmas, Revue du Rouergue num 135, p. 202
( 71 ) AD Aveyron 2E35-8
( 72 ) AD Aveyron 2E35-9
( 73 ) Régis Durand, notaire, acte du 25/1/1869