Fusion de deux importants patrimoines
D'après l'historien de la famille Guilhem de Clermont : Ernest Martin ( 90 ), c'est seulement en 1530, que la seigneurie quercynoise de Castelnau-Brétenoux et la baronnie de Calmont d'Olt, qui y était attachée, vinrent en la possession des seigneurs de Clermont, contrairement à ce que dit l'Histoire du Languedoc ( 91 ) ; et avec cet apport, notre région devenait le centre d'un domaine éclaté entre le Languedoc, le Rouergue et le Quercy.
Pierre Guilhem, avant sa mort survenue huit ans plus tard, et son épouse Marguerite de la Tour (ou de Turenne) recueillirent donc cet héritage, de leurs cousins rattachés, comme eux, à la famille de Caylus.
C'est, sans doute, l'extension de leur domaine qui entraîna la remise, par les Guilhem de la gestion du Brusquès à un vassal, car on retrouve bientôt Jeanne de Rodez se disant Dame de Brusque et de Montalègre.
Montalègre, cette ancienne et impressionnante forteresse de la vallée de la Sorgues, autrefois possession d'Austor de Brusque (voir plus haut) se trouvait, à nouveau, associé au sort de notre communauté.La généralité de Guyenne et l'enquête sur les Commodités du Rouergue
En 1523, avait été créée, sur les ordres de François Ier, la Généralité de Guyenne où se trouvaient regroupés les quatre pays d'Agenais, Quercy, Périgord et Rouergue. Les attributions de la Généralité étant, essentiellement, d'ordre budgétaire, c'est à son niveau que se réglaient les contestations ayant trait à la répartition de la masse fiscale.
C'est ainsi, qu'en 1552, fut organisée, sur protestations de nos représentants, une enquête, dite " des Commodités du Rouergue ", étudiée et commentée par Monsieur Jacques Bousquet, dans un ouvrage, grâce auquel nous avons une source d'informations précieuses sur l'économie villageoise de nos contrées au début de la Renaissance .
Ses commentaires nous font comprendre, comment, par exemple :
- L'abandon des mines argentifères de Tauriac a pu être provoqué par l'apport massif de l'argent venant du Nouveau Monde ;
- La culture du châtaignier s'est développée, sur nos terrains schisteux, parce qu'elle assurait un produit comestible peu soumis aux intempéries, libéré de la jachère et échappant aux redevances féodales ;
- La vallée du Dourdou était le lieu de passage, pour les travailleurs saisonniers de l'Aubrac et du Cantal, allant se louer dans le Bas-Languedoc ou en Espagne ;
- L'absence de référence aux moulines à fer d'Arnac, de Cambias, aux productions artisanales textiles ou autres souligne le caractère approximatif de ces témoignages.
Pour cette enquête, ce sont des marchands, résidant hors de la Généralité, venant surtout de la Haute-Auvergne, qui sont interrogés, sur les centres d'activité rouergats, qu'ils visitent professionnellement, c'est pourquoi ils ne tiennent pas, nécessairement compte, dans leurs témoignages, des limites administratives de chaque bourgade décrite, mais plutôt de leur zone d'achalandage et leurs descriptions sont plus complètes et plus détaillées pour le nord que pour l'ouest et le sud du Rouergue.
Voici, pour notre communauté, les conclusions de l'enquête ,après dépositions de deux témoins :
" 141 (166) . La ville de Brusca ( A : Brusque). Grand ville sur la contrée de Sainct Thomas, de la ville de Cornux et devers l'abbaye de Salvanez contient les paroisses de Monens, Peux, Sainct Memx (A : Mon), Sainct Pierre des Cas ( A : Catz), Thauriac, Mellagues, La Rocque, Sainct Thomas, Sainct Crepis, Arnac, Sainct Benech, Sainct Thomes . Fertile pays de blés et vins, fruitiers, prairies, forêts, grand nourrissage de bétail. Grand profit et grand revenu de bénéfices." ( 92 )On voit que les artisans, les marchands ou la foire de Brusque attiraient les habitants de la " Montagne " proche : ceux de Mounès, Peux, Saint-Méen. On comprend moins la mention de Saint-Crépin, localité éloignée.
L'énumération optimiste des ressources locales est conforme à l'esprit général de l'enquête, qui a pour objet de répondre aux " lamentations fiscales " des rouergats, mais pour être ainsi décrites, il fallait bien que les vallées du Dourdou et de la Nuéjouls portent quelques champs de blé, et des coteaux garnis de ceps de vigne et d'arbres fruitiers.L'aîné d'une famille originaire de l'Armagnac : Jacques de Corneillan devint évêque de Vabres en 1553.
C'est, peut-être, par son entremise, que se fit, le 13 Aôut de cette même année, le mariage de son frère cadet Magdelon de Corneillan avec notre seigneuresse : Jeanne de Rodez, dame de Brusque et de Montalègre ( 93 ).Une lacune dans l'histoire de la seigneurie
Bien qu'en 1553, Jeanne de Rodez ait pu revendiquer le titre de Dame de Brusque et de Montalègre, cette même année, le 15 Mai, étaient confirmées les sentences du sénéchal du Rouergue, concernant Marguerite de Turenne (la veuve de Pierre de Caylus, baron de Castelnau et de Clermont-Lodève, mort en 1537) toujours qualifiée de Dame de Clermont et de Brusque ( 94 ).
Que couvre cette dualité de titulaires : un titre de douairière pour la seconde, un partage des droits de justice entre les deux seigneuresses?
On verra, que 11 ans plus tard, la famille des Guilhem de Clermont-Lodève est, non seulement, encore en possession de la seigneurie, mais envisage d'y établir une de ses résidences .
Cinquante deux ans après son mariage, Jeanne de Rodez, toujours qualifiée de seigneuresse de Montalègre passe une transaction avec son beau-fils : Hector-François de Corneillan, vicomte de Brusque ( 95 ).La Coste de Brusque
Un acte du 2 Avril 1560 cite parmi ses contractants : noble Pierre de Clermont, qualifié de seigneur de la Coste de Brusque et son épouse Henriette de Prévinquières ( 96 ).
Ce titre de seigneur de la Coste de Brusque pose, encore, une interrogation.
Que faut-il entendre par ce fief noble de La Coste de Brusque ; est-ce l'indice d'un dédoublement de la seigneurie de Brusque ?
Ou bien un lieu-dit particulier, susceptible de constituer un petit fief, affecté à un cadet de la famille de Clermont, peut-être alors vassal des Corneillan ?Il faudrait aussi que le lieu-dit " La Coste " ait changé d'appellation, car, de nos jours, aucun tènement de Brusque ne porte officiellement ce nom ; toutefois on parle encore, dans le langage courant de la " vieille côte ", pour désigner l' " arapadou ", auquel s'est substitué le viaduc, construit en 1886 à la sortie du village, pour supporter l'actuelle route départementale D 12 menant à Saint-Gervais et Béziers.
Deux noms de parcelles situées au dessus du hameau de Sials, donc sur le tracé de l'ancien chemin muletier qu'a remplacé la route actuelle, m'amènent à proposer une hypothèse : " le tournant de Réveli " et la pièce D 404 du premier cadastre dénommée : " Lauzié et La Tourelle ".
Voilà deux lieux, presque attenants, évoquant l'un et l'autre une origine militaire : Réveli est la forme patoise du révelin, qui désigne un ouvrage de défense avancée et la tourelle une tour de guet.
Sur place, aucun vestige ne subsiste de constructions de ce type ; et puis, tous les révelins du Sud-Rouergue, que l'on connait : à St Félix de Sorgues, à St Rome de Tarn, par exemple, sont des ouvrages avancés, mais pratiquement contigus, par rapport aux remparts qu'ils étaient censés protèger ; l'hypothèse proposée devra donc attendre d'autres éléments de confirmation, pour identifier ce fief de La Coste.
Notes bibliographiques
( 90 ) Ernest Martin, Chronique et généalogie des Guilhem
( 91 ) Devic et Vaissettes, Histoire générale du Languedoc, tome X p. 15
( 92 ) Jacques Bousquet, Enquête sur les Commodités du Rouergue en 1555, p. 201
( 93 ) H. de Barrau, Documents historiques et généalogiques sur les familles et hommes remarquables du Rouergue , t. 2 p. 138
( 94 ) AD Haute Garonne, Inventaire B1, p. 266 folio 400
( 95 ) AD Aveyron E1436
( 96 ) Renaud Guibal, Revue du Rouergue num 21 p. 50