Chapitre V - Le XVII ème Siècle
La Baronnie de Brusque devient Marquisat de Fayet & Brusque
Sous l'occupation anglaise, de la Guyenne (cf ce paragraphe) la terre de Brusque était qualifiée de baronnie et voici, qu'en 1610, notre seigneurie est élevée par Louis XIII, sous le nom de Fayet et Brusque au rang de marquisat, à l'instar de Sévérac, lieu de résidence de Jean V et de Jacquette d'Arpajon, et avant d'autres seigneuries de leur domaine, telles que Laissac, Gaillac ( 107 ).
A vrai dire, cette distinction n'eut guère d'effets sur la vie de la Communauté et les pouvoirs de ses consuls. Elle renforçait toutefois la notoriété de Fayet, qui grâce à son château, résidence occasionnelle du marquis, était dorénavant cité tout autant et même plus souvent que Brusque.
Arrêt de la Chambre de Castres du 14 Février 1615
" La dite ville de Brusque et place publique d'icelle, suivant arrêt de ladite Cour du Parlement de Thoulouse du dix-huitième April mil cinq cens quatre vingt onze, produit au procès............la dite dame fera réparer les prizons qui éstoit en la dte ville pour y détenir les prisoniers en sureté dans un an après la signification du présent arrest pendant lequel temps il sera permis à la dite dame fere administrer la justice criminelle au lieu de Fayet et détenir les prévenus et prizoniers dans les prizons d'icellui et que les péages dus à la dite dame en la dite baronie de Brusque seront par elle ou ses fermiers levés en la forme anciène et accoutumée et en un seul lieu tel que par elle sera advizé auquel seroit dressé un tableau contenant la forme du payement dudit péage affin que personne n'y prétende cauze d'ignorance.
Ordonne en outre que les réparations faicts au clocher de l'églize de la dte ville de Brusque tendant à fortifications seroit abatus faizant inibitions et desfances aux dits habitans et tous ceux qu'il appartiendra d'ores et avant entrer en ladite eglize ou clocher avec alebardes,arquebuzes ou autres armes prosur paine de mille livres et autre arbitraire.
Et en ce qui concerne l'exemption requise seroient rayées faizant inibitions et défances auxdts habitans uzer de telles et semblables parolles e mois par les dits habitans de contribuer aux réparations et fortifications du chasteau de la dte ville de Brusque et uzurpation préthendue avoir esté faicte sur l'instance par ladte dame du chemin antique au dire dudit sindiq costé T.T.T ainsi ordonné que les parties seraient plus amplement ouzoies,diroies et produiroient ce que bon leur sembleroient dans lhibées et défendant ni faire aucun corps de garde dans yceux sur paine de punition corporelle permetant aux dits habitans fere remetre les originaux de leurs titres, privilèges et aubit concernant la dite communauté ou extraits d'iceux duement faicts de devers le greffe du senescal de Rouergue pour y avoir recours quand bezoin sera advenu.
Condampne lesditz habitans de la dite ville de Brusque en cas de nécessité faire guet et garde au chasteau de la dte ville de Brusque permetant à la dte dame de à ce les contraindre en la forme anciene et accoutumée et sans avoir esgard a l'execution,et faict a la requête de la dite dame pour les réduire à pareille observation contre lesdits sindiq et consuls dudit lieu.Ordonne qu'il seroit obtenus par lesdits sindiq et consuls et que les parolles injurieuses couchées dans l'invantere produit en la Cour par les dits sindiq et consuls, signé Malzac leur procureur soubz la coste y dans lequel délay par experts desquels parties conviendroient ou seroient pris d'office par le comissaire qui en seroie député, seroient faicte vérification dudit chemin et uzurpation préthendue advenue pour la dite vérification rasportée estre ordonnée ce qu'il appartiendroient et cependant ont déclaré ni avoir lieu de contraindre les dits habitans de contribuer auxdts réparations et fortifications, d'aucuns fraix, corvées, manubres ou autrement.
Enjoignons cependant aux dts consuls et habitans randre à lasusdite dame de Brusque le respect et honneur qu'ils lui doibvent à paine de félonie faizant pareilhement inibitions et défances à la dite dame de permetre ou souffrir qu'aucune voie de faict violance ou mauvait traitement soit exercé contre les dts habitans par ses serviteurs, domestiques s paine à la dite dame de privation de sa juridiction et aux dits serviteurs et domestiques de punition corporelle sans despances des instances jugées, les autres rézerves en fin de cauze. ............
Mandons en outre à tous nos justiciers, officiers et subjetz, ce faizant et à tous huissiers et sergents fere tenir exploits d'inthimation du dit arrest et autres requis........car tel est nostre plaizir, donné à Castres en nostre ditte chambre le quatorzième jour du mois de Febvrier, l'an de grace mil six cens quinze et de notre règne le cinquième.
Par la Chambre : CAZALEDES - Le 14 feb 1615On notera le décalage entre l'Arrêt de la Cour de Toulouse (18-4-1591) et celui de la Cour de Castres (14.2.1615) et aussi le relâchement des liens féodaux que ces deux procèdures traduisent, entre la Communauté de Brusque et une seigneuresse, résidant de façon quasi permanente à Sévérac.
Rôle de Brusque dans la dissidence huguenote
Lors du 17ème synode national, tenu à Gap, peu après la publication de l'Edit de Nantes par Henri IV, le colloque du Rouergue avait délégué des représentants de quatre églises réformées : celles de Millau , de Saint Affrique, de Saint Rome de Tarn et de Brusque ( 108 ), ce qui pourrait confirmer qu'en 1603, les protestants de Brusque avaient leur propre consistoire .
Le Bulletin du Protestantisme ( 109 ) permet aussi de connaître, grâce à la conservation des budgets des premières églises réformées, les noms de quelques " sieurs ministres " du Haut Rouergue, et leurs appointements, à raison de 200 escuts chacun
- Gilbert de Vaux pour Millau
- Guy Moncassin pour Saint-Affrique
- Constans pour Saint Rome de Tarn
- Vauran pour Brusquèz
Dès la fin du XVIème siècle (1584 par exemple) les consuls sont choisis et élus majoritairement parmi les notables protestants, qui cumulent parfois ces fonctions avec celles de membres du Conseil des Anciens de l'Eglise réformée du marquisat de Brusque.
Des pièces trouvées dans les archives du consulat nous confirment à quel point les affaires de la communauté étaient liées au conflit religieux. Ce sont des lettres, signées " Panat ", adressées en 1616, par Jean de Castelpers aux " consuls, pasteurs et ansiens de l'église réformée de brusque " dont voici des extraits significatifs :
" Messieurs La crainte que j'ay que messieurs de Las Cases et Du Cros entrent en dispute me fet vous supplier lesser les afers en l'estat qu'ils sont jusques que je les ais acomodés,ni toucher pas que je nais tous pourvoir et particulier soin de ce qui vous touchera car jaime vostre conservation comme celle de ma vie c'est messieurs vostre serviteur infalible- de Combret ce 19me mars 1616 Panat "
" Messieurs Je souscris de quoy satisfaire aux gens de guerre quy se sont opposés aux effortz des armées du roy soubz ma conduite lors que du commandement de Monseigneur le prince et duc de Roan, sur les résolutions de l'assemblée généralle ..........de St Sever, ce dernier avril 1616. "Dans le premier extrait, M. de Panat enjoint, aux autorités civiles de Brusque, de ne pas intervenir dans un désaccord survenu entre deux responsables du commandement militaire de la place : Las Cazes (noble Pierre de Barrau) et del Cros [cf note] (Helie de Vernon). Nous n'en saurons pas plus sur les raisons de la dispute.
Toujours en 1616, de Panat avise les consuls de la prolongation de la trêve, décidée lors de la conférence de LoudunCes lettres établissent que pour les affaires militaires, la place-forte de Brusque se trouvait, comme les autres communautés protestantes du Rouergue, sous le commandement de Jean de Castelpers, vicomte de Panat, ainsi que dans l'ensemble du dispositif dirigé par le prince de Rohan, pour la défense des réformés.
Les Colloques de Saint-Rome de Tarn et de Millau
En Mai 1617, les églises réformées du Rouergue sont réunies à Saint-Rome de Tarn et décident de faire trois parts de la portion, qui leur revient, " des bénéficiences du Roy : un tiers à l'église de Brusque, sur les assurances du sieur Fabre, pasteur de l'église de Lacaune, un tiers à St Félix, sur les assurances du Sr Jacques l'aîné, pasteur de l'église de Cornus, un tiers pour l'église de Séverac-Ayssènes " ( 110 ).
Ce partage confirme que, au cours de la Régence (Louis XIII n'a que 16 ans), le pouvoir royal et les communautés protestantes oscillent, au gré des circonstances, entre des positions d'affrontement et de tolérance .
Ce colloque permet également d'apprendre que, lorsqu'ils n'avaient pas de ministre-résidant, les protestants du Brusquès n'ont pas toujours été rattachés à l'église réformée de Camarès, mais, parfois, à celle de Lacaune.Trois ans plus tard, les églises réformées, au nombre de quatre, sont représentées à Millau : ( 111 )
Millau-Creyssel par Joly , pasteur St Rome de Tarn par un autre Joly, frère du précédent St Affrique par Boutous Brusque-Murasson par Renneval (lire sans doute Rémiral) L'Acte d'Union
D'autres documents attestent que la place-forte de Brusque conservait et même étendait sa sphère d'influence comme refuge huguenot : Ce sont d'abord les comptes consulaires de la Ville de Millau qui portent en dépenses les frais, pour le déplacement de son premier consul : Guérin à Saint-Rome de Tarn puis à Brusque où il avait participé à l'élaboration d'un pacte dénommé " l'acte d'union de Brusque " du 3 Avril 1621 réunissant aussi les communautés de Brusque, Saint-Affrique, Belmont, Lacaune, et Silvanès ( 112 ).
Ce texte révèle que, dans notre bourg, s'étaient retrouvés " les seigneurs, dames, gentilshommes, villes et communautés tant de l'une que de l'autre religion, assemblés par personne ou par députation,.pour empêcher le désordre qui a commencé sous prétexte de certains mouvements ... et à s'opposer.... à ceux qui sur les chemins et passages nuiront aux trafiquants, muletiers et autres faisant charroy ou trafic d'huile, blé...vins, draps et autres choses...à ceux qui troubleront les laboureurs pour les rançonner et empêcher en son labourage, qui pilleront et ravageront leur bétail gros et menu ".
Notes bibliographiques
( 107 ) Notice géographique et historique du département de l'Aveyron, p. 88
( 108 ) Charles Delormeau, 47ème congrès F.H.L.M. Rodez p. 237
( 109 ) Bulletin du protestantisme, tome XXV
( 110 ) P.-V. de la Sté des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, tome XXXXIII p. 107 note 59
( 111 ) Th. Raynal, St-Affrique et environs, p. 163
( 112 ) Archives Municipales de Millau, comptes consulaires, avril 1621
Autre note : Del Cros pourrait être un descendant de Jean del Cros, seigneur direct du Pont de Camarès cité en Mars 1446, à propos de la métairie de Laur, en indivision avec les héritiers de Penne.