Professions exercées dans la Communauté sous l'Ancien Régime
Santé :
En dehors des périodes d'épidémies, où pour conjurer le danger, les consuls faisaient appel à des praticiens de l'extérieur, (voir plus haut) résidaient sur place des chirurgiens, des apothicaires, dont on a bien du mal à apprécier les domaines de compétence, faute de relations écrites de leurs interventions. Il faut attendre 1775 pour trouver la mention de " Jean-Pierre Viala, docteur en médecine à Brusque ".
L'assistance aux femmes en couches ne semble pas être reconnue comme une profession, mais plutôt comme faisant partie des relations de voisinage. Les allusions à cette activité se retrouvent surtout dans les registres paroissiaux, à propos des ondoiements conférés " par nécessité " ou " en raison du danger de mort " .
On peut relever dans le compois de Tauriac de 1672, la seule allusion au métier de " perroquier ", qu'il faut sans doute lire " perruquier ", et qui pouvait comporter, au delà de l'entretien ou de la collecte des chevelures, quelques soins infirmiers.Contrats :
La baronnie de Brusque fut des premières, en Rouergue, à bénéficier, pour la rédaction et la conservation des contrats, de la présence d'un notaire public dès 1149 du nom de Arnaldi (cf annexe II).
Certes, tous les actes des quelques 37 notaires, qui se sont succédés à Brusque et à Fayet, jusqu'à la Révolution n'ont pas été conservés, mais on trouvera en annexe II, leurs noms, résidences et éventuellement cotes d'archives permettant leur consultation.
Tout naturellement, les résidents des paroisses de Tauriac, Mélagues, St Pierre des Cats, dont l'activité était particulièrement tournée vers le Languedoc, ont souvent passé leurs contrats, dans les études de Ceilhes, Avène, Camplong, St Gervais ou Boissezon de Matviel.
C'est aussi à l'extérieur de la communauté qu'il fallait s'adresser pour la rédaction des reconnaissances ou des terriers, nécessitant des spécialistes du droit féodal : les feudistes, mais leurs auxiliaires : les arpenteurs ou agrimenseurs étaient, parfois recrutés sur place.
Déplacements :
L'isolement, le relief accentué de notre territoire ont valu aux habitants de Brusque " l'escaïs " : le sobriquet : " los porto-faïs ", laissant croire que faute de route, tous les transports de marchandises s'y faisaient à dos d'hommes, d'ânes ou de mulets et pourtant, parmi les métiers énumérés, on ne relève aucune mention de " coutal " ou muletier et par contre, dès 1685, le seul nom de Marcellin Nicolas, voiturier.
Les hôtes ( aubergistes) sont encore peu nombreux ; on en trouve simultanément deux à Brusque, un à Fayet, à Tauriac, à St Pierre des Cats, et peut-être à Mélagues et La Roque pour assurer l'hébergement des passagers et de leurs montures .Leur profession leur vaut une position en vue dans la vie de la communauté (le notaire vient parfois y rédiger contrats ou engagements divers).Commerce :
Alors que le qualificatif de " marchand " est fréquent, à Brusque et Fayet, remplacé plus rarement par ceux de " négociant " ou de " traficant ", il ne s'accompagne d'aucune spécialisation. Un seul marchand : Isaac Raimond, à Labiras réside en dehors d'une agglomération.
Est-ce la rareté de la monnaie, qui généralisait les opérations de troc ?, l'accès à des carnets de comptes privés m'a confirmé que le même commerçant pouvait indifféremment échanger du drap contre du grain ou faire effectuer un travail ou un transport donné contre de l'huile ou des châtaignes, les livres, sous, et deniers n'intervenant qu'en complément.
On voit que les multiples épiceries, merceries, quincailleries, que notre génération a connues nombreuses, étaient des créations relativement récentes, comme d'ailleurs les boulangeries qui ont succédé à la cuisson individuelle du pain au four commun, géré par un " fournier ".
Quant aux bouchers, on a pu lire (ci-dessus), qu'ils étaient locataires, et comme le fournier, quasiment fonctionnaires du consulat .Bâtiment :
Contrairement aux professions déjà recensées, les " massons ou maîtres-massons " résidaient de préférence, en dehors des bourgs, à l'exemple de la fratrie Gayrard de Crouzet, ou " d'Anthoine Affre, masson de la Frézié, Anthoine et Jacques Bouyssi maîtres massons établis à Arnac ".
Ils doivent cumuler toutes les spécialités de la construction, ainsi les termes de charpentier ou fustier n'apparaissent qu'une fois avec " Jean Moutou à Arnac " ; de même pour le titre de " Me recouvreur " (voir ci-dessus).Travail des métaux :
Les maîtres-maréchaux sont bien répartis dans toute la communauté : à Brusque, à Fayet, à Tauriac, à La Roque, mais aussi à La Vayssède (Etienne Debru), à Pressouyres (Georges Sanhes).
Les serruriers, à l'occasion, font office d' horlogers ou d'armuriers ; quelques hommes du baillage de Mélagues vont travailler dans les ateliers des cloutiers voisins du Languedoc.Habillement :
Chaque village compte un ou deux tailleurs ou cordonniers, et des couturières vont, à la demande de la clientèle, travailler à domicile.
Une profession, aujourd'hui en voie de disparition, est alors très prospère : celle de chapelier ou de fabricant de chapeaux : exemple le sieur Barré, chapelier à Tauriac-1789.Ateliers de transformation :
On ne peut pas qualifier d'industries, ne serait-ce qu'en raison de leur faible effectif de main-d'œuvre, les ateliers de transformation, qui, sous l'Ancien Régime, parsemaient notre territoire.
Leur installation était tributaire des deux sources d'énergie communes à l'époque : le bois de feu et l'eau (le four et le moulin du dicton bien connu).Notre compatriote Bernard Léchelon ( 182 ) a parfaitement identifié les traces d'emploi de la " méthode du feu " destinée à éclater la roche, dans les extractions souterraines de minerai de cuivre à Bouco- Payrol.
Cette même méthode devait être pratiquée pour exploiter les minerais argentifères de Tauriac.
Monsieur Jean Delmas, dans sa description des " ferrières " de Cambias, de La Mouline et de Mélagues ( 183 ), a décrit, comment par la mise en œuvre simultanée du feu et des martinets hydrauliques, était transformé le minerai en métal.Ces ateliers, gros consommateurs de bois ou de charbon de bois, avaient manifestement une durée d'implantation limitée, puisque tributaire des ressources forestières locales.
Ainsi, à Cambias, si le fonctionnement d'un martinet est attesté en 1508, il faut attendre le XVIIème siècle, pour constater le remplacement de cette exploitation par la mise en activité de fours par un gentilhomme-verrier : Mr de Breton, produisant des bouteilles de verre noir dont subsistent quelques échantillons .
Pour les mêmes raisons d'approvisionnement en bois, les fours à chaux ont une durée d'existence limitée et leur produit n'est encore utilisé que comme liant dans le bâtiment.D'autres ateliers n'utilisent que des outils manuels . Ce sont les carrières de schiste de Pierrefiche ou de Maurissol, qui ont fourni des ardoises de bonne qualité
C'est aussi à Sauvemousse et à Céras que seront extraits des blocs de marbre aptes à la construction .
Il y eut aussi une exploitation de carrière, peut-être au lieu-dit "Le Foulinatge ", aux limites de Brusque et Fayet, à propos de laquelle, il est écrit en 1780 ( 184 ) : " les terres à foulon que l'on tiroit de la montagne de brusque sont pierreuses. Un inspecteur des manufactures a défendu qu'on employat aucune sorte de terre dans les foulons ".Textile
Sous l'Ancien Régime, les professions liées au textile ne semblent être exercées qu'exceptionnellement, en atelier collectif, car les opérations successives que subissent les toisons de laine ou les fibres de chanvre, sont encore pratiquées manuellement et en complément d'autres activités :
- soit en plein air ,comme le lavage des toisons et le rouissage du chanvre ou lorsque les fileuses font suivre écheveaux et quenouille, pendant leur temps de garde des troupeaux,
- soit à domicile par les cardeurs ou peigneurs à laine ou les nombreux tisserands travaillant sur un métier rudimentaire, installé, tout aussi bien dans la salle commune de leur habitation ;
Il n'est guère que le foulonnage (c'est à dire, l'extraction de l'huile d'ensimage et le feutrage au moyen de foulons hydrauliques), et la teinture qui nécéssitent des bâtiments et installations permanentes et encombrantes.
Ce n'est que vers 1700, que les coordonnateurs des différents intervenants (peigneurs à laine ou cardeurs, fileuses, tisserands) s'intitulent eux-mêmes fabricant ou marchand-fabricant, en précisant parfois : fabricant de cadis, fabricant de bas.
Dans le marquisat, ces fabricants sont plus nombreux à Fayet, qu'à Brusque ou à La Roque, alors que leurs " sous-traitants " se recrutent partout, aussi bien dans les villages qu'à la campagne, où ce genre de travaux apporte un complément de revenus surtout à la morte-saison.
A leur sujet, il est écrit ( 185 ) : " les fabriquants de Fayet et de St Affrique font filer de la laine dans la communauté. Cela entretient la moitié des habitants qui n'existeraient pas sans cette ressource ".Moulins :
Nos contemporains ont tendance à associer le concept de moulin à la seule production de farine, oubliant toutes les autres fonctions que nos devanciers attribuaient à ce mode d'utilisation de l'eau comme source d'énergie : Moulins drapiers ou foulons, forges, scieries, plâtres, huile de noix, tans, moulins-papetiers, tournals d'affutage etc.
L'importance des investissements nécessités par la construction et l'entretien des " pensières " (chaussées), des " béals " (biefs), des bâtiments et de leurs installations mécaniques intérieures a longtemps monopolisé cette activité entre les mains des riverains les plus fortunés de nos cours d'eau, qui en concédaient l'exploitation, comme cela se pratiquait pour les métairies énumérées plus haut (s'y reporter). Ce régime comparable à celui de la pagésie perpétuelle, justifie un nombre de moulins bien plus réduit qu'au XIXème siècle
Moulins et Four-verrier du marquisat de Fayet et Brusque
Emplacements Propriétaires Concessionnaires Utilisation Date de citation Brusque/Dourdou Duc d'Arpajon Estienne Coste Moulin-bladier 1668 Fusier et drapier 1675 D° Csse de Roucy Antoine Cabal d° 1759 - 1765 Brusque/Dourdou Jean de Boute ? Moulin drapier 1625 Fayet / Dourdou Duc d'Arpajon Pierre Combes bladier et foulon 1668 - 1688 d° Csse de Roucy Jean Bertrand d° 1762 Fayet / Nuéjouls Masméjean de Bouat ? Moulin bladier 1678 - 1691 Fayet / Nuéjouls Fusier 1675 Fayet / Nuéjouls ? Pierre Roustan Moulin bladier 1726 La Roque/Nuéjouls Baron La Pomarède Pierre Bertran d° 1665 d°. de Rocquairol Bonnet ? d° 1647 La Mouline Noble D.Pradel ? Forge à martinets 1525 Tauriac/Nuéjouls Mme d'Aygua Guillaume Baille Moulin bladier Cambias/Dourdou Dardé Barrau Forge à martinets 1479 - 1508 d° Noble Ysaac de Breton Fours verriers 1697 Adjudication de la chaussée de Brusque : lods pour Mr de Biron 1771 (d'après les compois et documents fiscaux qui ne mentionnent que les contribuables) assujettis à la taille Mélagues/Nuéjouls Pierre Ramon 1685 Héritiers Jacques Appolit Bobes /Rec Molinar Antoine Résseguier Moulin à bled 1685 La Vayssède Pierre Séverac Briojouls François Corneille 1672 Mouli-Viel Monsieur de Maussac ? 1668 Cribas/Sanctus Pierre et Antoine Blancard Moulin à Bled 1668 Rials/Rieussec François Combes Moulin une meule ? La Castagnarie indivis : Pierre Combal-Barthélémi Bousquet Guilhaume Pescayre 1672 St Pierre des Cats (dénommé moulin du bayle) détruit en 1779 Arnac/Dourdou 1675 Blancard/Nuéjouls Fusier Moulin foulon 1675 d° Jean Douarche d° 1709 Pressouyres 1675
Notes bibliographiques
( 182 ) Bernard Léchelon, La mine antique de Bouche-Payrol
( 183 ) Jean Delmas, dans Revue du Rouergue, num 135
( 184 ) Guilhamon, Journal des voyages de Richeprey p. 249
( 185 ) Guilhamon, Journal des voyages de Richeprey p. 241