N détruisant Carthage, Rome ne se substitua pas immédiatement à son empire; elle comprit tout d’abord les difficultés qu’allait lui offrir l’administration directe d’un pays où le prestige de son nom ne prévalait pas encore, et se borna à exercer un haut patronage sur l’Afrique. Les cités tributaires ou coloniales de la côte, qui s’étaient signalées par un trop grand attachement à leur métropole, furent détruites ou démantelées; les autres, au contraire, comme Utique, s’enrichirent de ses dépouilles et s’emparèrent de son commerce. Des colonies italiennes ne tardèrent pas à se former, et bientôt Rome put revendiquer comme sienne cette mer que son orgueil désignait depuis longtemps sous le nom de mare nostrum. Quant à tous ces petits princes numides qui, dans la lutte des deux républiques, avaient pris parti pour l’une ou pour l’autre, elle les maintint en suivant à leur égard la politique de Carthage; elle partagea entre eux une autorité qu’elle ne voulait pas exercer elle-même, sans toutefois abandonner le droit de souveraineté que lui donnait la conquête. Dès les premiers pas qu’elle fit sur le sol africain, Rome s’appliqua donc à récompenser magnifiquement ses alliés; mais à mesure que son pouvoir se consolida, ses libéralités devinrent plus rares, et elle finit même par retirer aux fils les largesses qu’elle avait faites aux pères: c’est ce qui arriva pour les descendants de Massinissa.

Micipsa, fils de ce chef intrépide, dont les continuelles agressions contre Carthage avaient préparé le triomphe des Romains, continua l’œuvre de civilisation entreprise par son père. Sous ce prince, Cirta (Constantine) s’enrichit de magnifiques édifices; une colonie composée d’émigrants grecs et romains vint s’y établir, et peu à peu ses habitants se familiarisèrent avec les arts de l’Europe. Telles étaient à cette époque l’importance et la richesse de Cirta, qu’au dire de Strabon elle pouvait mettre sur pied dix mille cavaliers et un nombre double de fantassins. Les trente années que Micipsa passa sur le trône furent très favorables à la prospérité du royaume de Numidie. L’agriculture surtout y prit un développement extraordinaire; plusieurs branches d’industrie y furent cultivées avec succès, et la littérature de la Grèce et de l’Italie y trouva d’habiles interprètes. Mais cette grande prospérité disparut avec lui.